mardi 14 septembre 2010

Tuer la vie trop quotidienne

Suite de la conversation entre nana et "le philosophe".
Le début c'était ici:

http://arise-therefore.blogspot.com/2010/08/tres-souvent-on-devrait-se-taire.html



Elle : Et pourquoi faut-il s’exprimer ? Pour se comprendre ?

Lui : Il faut qu’on pense, pour penser il faut parler (on ne pense pas autrement), et pour communiquer, il faut parler, c est la vie humaine.

Elle : Oui mais en même temps c’est très difficile, moi je trouve que la vie devrait être facile, au contraire. Vous voyez votre histoire des Trois mousquetaires, c’est peut être très très beau mais c est terrible.

Lui : C est terrible oui, mais c’est une indication, je crois qu’on arrive à bien parler que quand on a renoncé à la vie pendant un certain temps, c’est presque le prix.

Elle : Mais le vrai parler, c’est mortel.

Lui : Oui mais parler c’est presque une résurrection par rapport à la vie, en ce sens que quand on parle, c’est une autre vie que quand on parle pas, vous comprenez, et alors pour vivre en parlant, il faut avoir passé par la mort de la vie sans parler, vous voyez... je ne sais pas si je m’explique bien, mais il y a une sorte d’ascèse qui fait qu’on ne peut bien parler que quand on regarde la vie avec détachement.

Elle : Pourtant la vie de tous les jours, on ne peut pas la vivre avec… je sais pas moi… avec…

Lui : Avec détachement ! Oui mais alors on balance justement, c est pour cela que l’on va du silence à la parole, on balance entre les deux, parce que c’est le mouvement de la vie qui est qu'on est dans la vie quotidienne et puis on s’en élève vers une vie, appelons la supérieure, c’est pas bête de le dire parce que c’est la vie avec la pensée. Mais cette vie avec la pensée suppose qu’on a tué la vie trop quotidienne, la vie trop élémentaire.

Elle : Oui mais est ce que penser et parler, c’est pareil ?

Lui : Je le crois, je le crois. C’était dit dans Platon, remarquez. C’est une vieille idée mais je crois qu’on ne peut pas distinguer dans la pensée ce qui serait la pensée et les mots pour l’exprimer. Analyser la conscience, vous n’arriverez pas à saisir autrement que par des mots un moment de pensée.

Vivre sa Vie, Jean-Luc Godard (1962)

(à suivre)


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