mardi 22 février 2022

Could you kill your best friends ?


Life is a game. So fight for survival...
and find out if you're worth it !

Kinji Fukasaku, Battle Royale (2000) 

"Battle Royale"... Le film a popularisé un genre aujourd'hui très présent dans la pop culture. De quoi s'agit-il ? Un large groupe de participants qui doivent survivre / s'entretuer dans un espace de plus en plus réduit, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une personne en vie.

Le principe est aujourd'hui connu de tous, même des plus jeunes, grâce au succès de la série Squid Games (2021), mais aussi bien sûr avant cela du jeu-vidéo Fortnite (qui a repris la recette de Player Unknown's Battlegrounds [2017]). Citons également, quelques années en arrière, Hunger Games (2012). 
  
L'une des affiches du film pose la problématique "Could you kill your best friends ?"
Question tordue s'il en est, mais qui se voit néanmoins posée aux protagonistes du film, tous membres d'une même classe. Voici les stratégies qui me viennent à l'esprit :

Voici celles qui me viennent à l'esprit :
- Chercher, seul ou en groupe, et dans la mesure du possible, à s'extirper du dispositif (fuite, rébellion)
- Se suicider (seul ou collectivement)
- Eviter au maximum de se salir les mains (en fuyant la confrontation ou en se cachant) jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un nombre restreint de personnes
- Avoir une stratégie prédatrice seul
- Avoir une stratégie prédatrice en groupe.. avant de déclencher une lutte intestine fatale (risque de trahison : élevé)

Et vous, quelle attitude adopteriez-vous ?

dimanche 20 février 2022

Ça pue la mort

Enchaînant les missions d'interim, Joseph Ponthus quitte crevettes et bulots pour cette fois être affecté aux tâches de nettoyage au sein d'un abattoir. C'est bien sûr une épreuve psychologique (elle deviendra physique lorsqu'il s'agira de pousser des carcasses)

Autant de cuves que de déchets
Des morceaux que je ne parviens pas à identifier
Les mâchoires
Les cornes
Les pieds avant
Les pieds arrière
Parfois des oreilles douces et poilues avec encore l'anneau d'identification de l'animal
D'autres parties du corps dégoulinantes que je préfère ne pas savoir mais qui sont du ruminant
Sans doute les différentes panses
Et les mamelles 

Il faut nettoyer avec vitesse et application l'intérieur de tous les tuyaux dédiés avec le jet puis je passe la mousse qui lave puis je repasse le jet pour rincer 

Les murs
Les sols 

Parfois des déchets qui étaient bloqués dans les tuyaux tombent sous l'effet du jet
C'est alors une avalanche de tous les trucs susmentionnés qui dégringole
Et ça fait des gros shploooourk
Et ça fait des gros splaaaaaaash 

Gaffe à ne pas être sous le tuyau quand des sabots tombent
Les cornes sont comme autant de gros osselets qui s'éparpillent sur le sol de l'usine
Et les mamelles
Les mamelles bordel
Sorte de tout petits ballons de rugby gonflés encore tièdes du corps de l'animal juste tué
Parfois elles éclatent quand elles tombent par terre
Un liquide blanchâtre en sort
Ça pue l'amer la mort la peur de la bête abattue
C'est encore tiède 

La merde je la nettoie aussi dans un atelier dédié
J'imagine qu'au-dessus
C'est ce qu'on appelle « le piège »
Là où les bêtes sont conduites et attendent juste avant d'y passer
Elles ont peur et elles sentent la mort qui approche
Elles chient
C'est normal
Je nettoie
C'est mon taf
Le taf que j'écoutais avec horreur à la pause la semaine dernière 

Trois nuits que je fais ça
La première nuit a été atroce
Mais ça va mieux 

Joseph Ponthus, À la ligne (2019)

vendredi 18 février 2022

They already knew


Reçu en début d'année dans la Matinale de France Inter, Yannick Jadot, candidat Europe Ecologie Les Vert à l'élection présidentielle, était introduit par Nicolas Demorand en ces termes :

"Température record, sécheresse, incendies, inondation, banquise en train de fondre : les catastrophes climatiques sont presque quotidiennes et se voient désormais à l'oeil nu. Dans ce contexte, vous devriez bénéficier d'une puissante dynamique électorale. Or ce qu'on voit, c'est que la planète brûle et que pourtant, les écologistes en France ne sont pour l'instant crédités que de 7% dans les intentions de vote. Comment expliquez-vous ce qui semble être une contradiction majeure entre notre époque et votre offre politique ?"

Avant d'en venir à mon propos, relevons tout de même que Nicolas Demorand omet de citer l'autre versant du problème, à savoir l'effondrement de la biodiversité (après tout, la sixième extinction de masse est en cours)... et passons sur le paralogisme contenu dans la question, qu'on supposera mal formulée. Il renchérit :

"L'écologie politique est perçue comme négative, punitive, liées aux idées de limitation, de privation, de retour en arrière, d'ascèse, vous disiez, 'il faut de l'enthousiasme', mais pourquoi n'arrivez vous pas à mobiliser des affects positifs, à enchanter le combat écologique, à le rendre passionnant et excitant ?"

On voit l'idée. Je vois moins en quoi le candidat en serait comptable.

Sur la faiblesse des intentions de votes : pourquoi ne pas poser la question aux électeurs eux-mêmes, à toute personne qui s'apprête à NE PAS voter Ecologie. Personnellement, j’ai du mal à comprendre : il y a une crise écologique ; nous-mêmes, les jeunes générations, nos enfants vont en pâtir, et tout (TOUT) sera impacté. J'ai un jour entendu Eric Zemmour se targuer d'avoir une vision à mille ans... mais il lui manque la vision à 30 ans, et le désert sera en France avant les Touaregs. Quant aux autres candidats : qui peut croire qu'un saupoudrage de mesures, qu'une politique de « petits pas », qu'un récent verdissement pourront être efficaces ?

Sur le manque d'attrait des thèmes écologiques... ou de manière plus inquiétante, sur leur manque tout court. N'est-ce pas la responsabilité des journalistes de rendre ces thèmes centraux ? Tout comme il eût été de leur responsabilité de ne pas "faire" Zemmour ? Dans cet article (Pourquoi la crise climatique ne parvient pas à émerger dans la campagne présidentielle), Cécile Duflot explique : "Le climat, ça n’intéresse pas les journalistes politiques – trop technique, trop anxiogène –, ils sont autant dans le déni que les politiques."

La réponse à ces deux questions tient en effet en quatre lettres (bien connues de Y. Jadot également) : D, E, N, I.

Faut-il rendre l'écologie plus "sexy" ? Sans doute suffisamment pour la faire accéder au pouvoir, dois-je concéder. Mais quelle conception infantilisante a-t-on des électeurs ? Car oui, désolé, il faut consommer moins, manger moins de viande, rouler et voler moins. Consommer "mieux" ne suffira hélas pas (voir par exemple L'utopie de la mode durable). On peut aussi relire mon article de 2011 sur "le pari de la décroissance" de Serge Latouche (2006)… Notre immobilisme collectif fait peur.

Bref, votons, l'impact pourrait être bien plus important que "nos petits gestes du quotidien". L'enjeu est d’obtenir une classe politique déterminée à agir… et à remettre le capitalisme en question. Souvenons-nous que "nos vies valent plus que leurs profits" et que, comme le tweetait le journaliste de mediapart Mickaël Correia, "la seule minorité dangereuse, ce sont les 1% les plus riches qui brûlent notre planète."

Nouvelle marche pour le climat, un peu partout, le samedi 12 mars