lundi 29 juillet 2019

Saloperie de plastique

Quand on est conscients de l'état du monde, il y a beaucoup de gestes et décisions individuels ou collectifs, dont on se demande encore comment "aujourd'hui", ils peuvent encore exister. Sans doute traversée par de telles interrogations, l'organisation du festival Visions (avant tout remarquable par sa programmation, son ambiance et son site) a pris la seule décision cohérente :

On a décidé d'arrêter les écocups, bouteilles d'eau, etc. On va vous demander de participer en apportant toutes les ecocups que vous conservez jalousement dans vos placards depuis 2003. Vous gardez une ecocup pour vous et les autres seront partagées librement avec les festivaliers cigales. Les bars de Visions ne distribueront donc plus d'écocups, plus de consigne, plus de lavage. Vous allez vous débrouiller comme avec votre cabas quand vous allez au supermarché.

On fera jamais un festival zéro impact mais si on est pas capable de faire gaffe et d'éradiquer cette saloperie de plastique, à quoi bon... On mise gros sur vous, on a confiance !


Bravo à eux, et bon festival !
Festival Visions, 2-3-4 août à Plougonvelin

vendredi 26 juillet 2019

Solastalgie

[...] Entre la hausse du thermomètre, la disparition des animaux, la fonte des glaciers, la pollution due au plastique ou l’acidification des océans, les preuves du dérèglement climatique et de l'effondrement de la biodiversité s'accumulent et dégradent tant la planète que notre santé mentale. Avec la canicule estivale de 2018, la peur est montée d'un cran. Nicolas Hulot a avoué son impuissance, tandis que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ­limitaient à onze le nombre d'années restant avant des bouleversements sans précédent. Pour certains, le péril apparaît à la fois imminent et inéluctable.

« Cette angoisse a toujours existé dans le militantisme écologique, mais elle s'est récemment aggravée sous l'effet d’une réduction des horizons temporels. Le dérèglement climatique ne va plus ­affecter les générations futures mais celles d'aujourd'hui, analyse Luc Semal, maître de conférences en sciences politiques au Muséum national d’histoire naturelle. Ce sujet est tellement écrasant, d’un point de vue émotionnel, qu’il peut phagocyter la vie personnelle. »

[...] Le psychiatre Antoine Pelissolo, chef de service à l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil [renchérit]. « La crise environnementale est un parfait sujet d’anxiété. Il est potentiellement très grave, nous n’avons pas de prise directe, nous sentons le danger approcher… Il peut donc devenir envahissant, alimenter une sensibilité à la dépression, et priver les soignants de leviers pour remobiliser la personne, comme la projection dans l’avenir. »

"Eco-anxiété, dépression verte ou 'solastalgie' : les Français gagnés par l'angoisse climatique"
un article à lire sur lemonde.fr. Pour ceux qui ont choisi malgré tout d'avoir une descendance, on peut aussi potentiellement ajouter l'angoisse du jour où son enfant prendra conscience qu'il est appelé à vivre dans un contexte de "fin du monde". 

Plaque commémorative en l'honner d'un glacier disparu (Islande, 2019)

samedi 20 juillet 2019

De la polarisation de la société

Il y a quelques jours une information a été largement reprise : selon un ancien ingénieur de Google (reprenant une étude), "pour chaque mot d'indignation ajouté à un tweet, le taux de retweet augmente en moyenne de 17% [...] En d’autres termes, la polarisation de notre société fait partie du modèle commercial"

Le même jour, Samuel Laurent, à la tête cinq années durant de rubrique "Les décodeurs" du Monde, dressait, sur la base d'un ultime tweet vindicatif, le constat suivant :

Il n’y a plus de place, sur ce réseau, pour autre chose que du campisme pur et dur. Le campisme, pour faire simple, est une expression qui vient du marxisme, et qui signifie la réduction caricaturale de tout phénomène à un affrontement entre "camps", voire l’acceptation de travers venus de son propre "camp" au nom de la lutte contre l’adversaire. [...]

Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi. Il n’y a aucune place à une lecture critique ou qui bousculerait mes idées reçues : j’attends d’un média qu’il me conforte dans ce que je pense déjà. S’il ne le fait pas, il a tort et et m’a trahi, en tant que lecteur. Le contrat de confiance est donc rompu à tout jamais. Et surtout, un désaccord ne peut pas venir d’un biais de perception dû à ma propre lecture, à mes propres opinions, à mes propres biais. Non, il ne peut être qu’absence de "neutralité" et "opinion". Quel paradoxe d’ailleurs que cette injonction à la neutralité de la part de personnes dont l’activité sur ce réseau consiste à justement donner leur opinion et militer pour l’imposer.

Les réseaux sociaux sont des machines à polariser et à agréger des communautés antagonistes. On y trouve du plaisir en ferraillant, mais aussi dans l’empathie collective de partager le même « combat », les mêmes « valeurs », les mêmes cibles aussi. [...] Dans cette « royal battle », il n’est aucune place pour la neutralité pourtant constamment scandée par les acteurs de la baston : [...] le factuel n’a d’intérêt que s’il constitue un argument à opposer à l’autre camp. L’information factuelle n’est que la trame de fond sur laquelle se tisse la lutte, le prétexte à un commentaire ou à une interpellation publique pour son « camp » et contre celui d'en face.

Ce n'est plus un débat : débattre suppose d’écouter les arguments de l’autre, voire d’accepter qu’on représente soi même un point de vue et que celui-ci peut être contredit. Sur les réseaux, on ne débat plus ; on assène. On ne donne pas un point de vue, mais une vérité, et il n’y a pas d’autres points de vue, mais des mensonges ou des aveuglements. Y compris ceux des journalistes lorsqu’ils ne vont pas dans notre sens. Je n’aime pas un de tes articles ? Je te déchois à tout jamais, toi et tout ton journal, de ma confiance lectorale.

Texte intégral ici :