Des cerfs-volants virgulaient dans un ciel si limpide qu'on pouvait en voir le fond. Certains s'élevaient tellement haut que leur retour paraissait improbable. Mais, inexorablement, la ficelle les ramenait sur la plage où ils trébuchaient, maladroits, pitoyables, en manque d'air. Des nains boursouflés, engoncés dans des anoraks aux couleurs criardes, les tiraient à eux en riant. Marc avait envie de les gifler. Entre leurs mains potelées, les cerfs-volants n'étaient plus alors que des espèces de raies anorexiques à bout de souffle. Les pères de ces mini-cosmonautes arrogants qui piétinaient le sable gris couraient vers eux, grands et cons, et tombaient à genoux, ivres d'eux-mêmes et de leur progéniture devant la dépouille de ces grands oiseaux à présent réduits à des carrés de soie crucifiés sur deux baguettes de bois. Un jour, il faudrait bien inventer le ciseau à couper les ficelles, toutes les ficelles, celles qui nous lient étroitement les uns aux autres et abolir du même coup la loi de la pesanteur.
Pascal Garnier, Le Grand Loin (2009)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire