A lire dans la rubrique Checknews de libération.fr, la réponse du critique musical Olivier Lamm, interpellé par certains lecteurs et - apprend-on - certains journalistes de la rédaction sur sa critique négative (voire "violente") de l'album d'Eddy de Pretto.
Tout journaliste musical, professionnel ou amateur, s'est un jour posé la question s'il était préférable de critiquer des albums jugés mauvais ou de les omettre poliment. S'agissant d'un album sujet à une telle unanimité de la part des médias spés comme généralistes, j'aurais tendance à dire que ne pas en parler est suffisamment signifiant en soi. Pour autant, je soutiens plutôt Olivier Lamm, et ne peut que louer son intégrité.
[...] Je prends la discipline de la critique très au sérieux, parce que je prends l'art très au sérieux, à la fois pour ce qu’il est, pour l’importance qu’il joue encore, dieu merci, dans notre société. Pour la grande plupart des articles que j’écris, qui sont positifs pour une grande majorité et dont la vertu est de défendre des œuvres fragiles – fragilisées par un état de fait médiatique où trop peu de journalistes prennent la responsabilité, à mon avis, de s’engager –, j’ai très à cœur de communiquer de manière simple et pédagogique, sans exclure aucun lecteur. La critique négative n’est pas le revers de ce travail, tout au contraire. Il s’agit de préciser un goût et, si j'ose dire, des priorités. Surtout dans le cas d'œuvres d'obédience populaires et/ou médiatisées dont nous nous faisons une tâche sérieuse, au sein du service Culture, de signaler non seulement l’existence mais l'importance éventuelle et les particularités.
La violence, je la perçois dans l’extrême complaisance avec laquelle certains collègues dépassionnés d’autres médias voient leur activité, qui consisterait à se faire l'écho de tous les objets qu’on leur «vend» comme importants, et dont ils énumèrent les particularités tels que fournis par les attachés de presse de maisons de disque toujours plus cyniques et désinvestis de leur mission première, la découverte de talents (ce sont eux dont je parle en évoquant ces gens effrayés d’écrire sur le rap parce qu’ils n’en écoutent pas).
Concernant ce premier album d’Eddy de Pretto, je l'ai critiqué avec sincérité, en mon âme et conscience et avec les connaissances qui sont les miennes, mes outils d’analyse, j'ose espérer une certaine expertise liée à mon expérience professionnelle, en espérant que mes arguments seraient compris. Certains m’en ont félicité, très heureux de lire un article dont ils estimaient qu’il avait été rédigé de manière indépendante et en toute liberté. D'autres ont été blessés qu’un artiste qu’ils estiment puisse être ainsi critiqué. Je n'écris ni pour les premiers, ni pour les deuxièmes. Si je le faisais, je perdrais tout discernement. J'écris la critique d’une œuvre d’art qui paraît dans un contexte particulier, sur pièces, en essayant de me détacher des chantages qu’on fait de plus en plus à la critique et aux artistes – une responsabilité «morale» vis-à-vis des possibles vexations et sensibilités des uns et des autres et dont nous savons pour la plupart qu’il n’y a aucune limite à leur action néfaste.
Le mot «monstrueux» dont on m’a reproché l’usage ne concerne qu’une œuvre composée d'éléments que j'estime disparates et dont j’ai pris le soin d’énumérer les différentes parties pour exposer leur incompatibilité. Le reste, les invectives personnelles, sociales, physiques etc. sont hors-sujet et absentes de mon texte, à l’exception de la manière dont certains traits distinctifs de l'artiste sont «mises à profit» dans sa promotion. Ce qui n’est pas une mince affaire, je vous le rappelle, puisque la critique d’un objet de musique pop concerne toujours plus que de la musique – une image, un personnage, un plan marketing etc. Il n'y a du mépris dans ce texte pour personne. Seulement de l'exigence dont j'espère qu’elle ne se tarira pas trop vite pour que je puisse continuer à faire mon travail correctement.
Olivier Lamm,
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