Tour d'Italie, 1949. La rivalité Coppi-Bartali, entamée en 1940, est à son comble. Le premier, ancien co-équipier du second, devait l'égaler puis le dépasser au nombre de "Giro" remportés. Coppi est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands coureurs de l'histoire du cyclisme, ce qui lui vaut le surnom de « campionissimo ». Quant à Bartali...
C'est un vaincu, Bartali, aujourd'hui. Pour la première fois. voilà qui nous remplit d'amertume, car cela nous rappelle intensément notre sort commun à tous. Aujourd'hui, pour la première fois, Bartali a compris qu'il était arrivé à son crépuscule. Et pour la première fois il a souri. C'est de nos propres yeux que nous avons constaté le phénomène lorsque nous sommes passés à côté de lui. Quelqu'un l'a salué sur le bord de la route. Et lui, tournant légèrement la tête dans cette direction-là, il a souri : l'homme hargneux, distant, antipathique, l'ours intraitable aux incessantes grimaces de mécontentement, lui, précisément : il a souri. Pourquoi as-tu fait cela, Bartali ? Ne sais-tu pas qu'en agissant ainsi tu as détruit cette sorte d'enchantement revêche qui te protégeait? Les applaudissements, les vivats des gens que tu ne connais pas commencent-ils à t'être chers ? Est-il donc si terrible le poids des ans? Tu t'es rendu, enfin.
Dino Buzzati, Sur "le Giro" (1949)
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