Un des déguisements les plus subtils [de la souffrance] est l’épicurisme et un certain courage ostentatoire qui [la] prend avec légèreté et se défend contre tout ce qui est triste et profond. Il est des « hommes joyeux » qui se servent de leur gaieté pour qu’on les comprenne mal : ils veulent être mal compris. Il est des « esprits scientifiques » qui se servent de la science parce qu’elle donne une apparence de sérénité et que l’esprit scientifique permet de conclure que celui qui en fait profession est un homme superficiel : ces hommes veulent induire les autres à une conclusion erronée. Il est des esprits libres et insolents qui voudraient cacher et nier qu’ils sont des cœurs brisés, fiers et incurablement blessés; la bouffonnerie elle-même est quelquefois le masque d’un savoir douloureux et trop lucide. D'où il suit qu’on fera preuve de délicatesse en respectant « le masque » et en n’allant pas faire de la psychologie et placer sa curiosité au mauvais endroit.
Nietzsche, Par-delà bien et mal (1886)
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