"Les choses" est le premier roman de Georges Perec. Par certains aspects (austérité de la narration, thématiques), il préfigure "Un Homme qui Dort", livre que j'ai longuement loué dans ces colonnes.
Dans une France qui ne connaît pas la crise (puisqu'en pleines Trentes Glorieuses), ce livre voit Jérôme et Sylvie, un jeune couple, tenter de trouver sa place dans la société de consommation de l'époque.
Si certaines données contextuelles nécessitent d'être "transposées", les problématiques abordées restent pleinement contemporaines.
Dans une France qui ne connaît pas la crise (puisqu'en pleines Trentes Glorieuses), ce livre voit Jérôme et Sylvie, un jeune couple, tenter de trouver sa place dans la société de consommation de l'époque.
Si certaines données contextuelles nécessitent d'être "transposées", les problématiques abordées restent pleinement contemporaines.
Si l'on admet aisément de la part d'individus qui n'ont pas encore atteint la trentaine, qu'ils conservent une certaine indépendance et travaillent à leur guise, si même on apprécie parfois leur disponibilité, leur ouverture d'esprit, la variété de leur expérience, ou ce que l'on appelle encore leur polyvalence, on exige en revanche, assez contradictoirement d'ailleurs de tout futur collaborateur, qu'une fois passé le cap des trente ans (faisant ainsi, justement, des trente ans un cap), il fasse preuve d'une stabilité certaine, et que soient garantis sa ponctualité, son sens du sérieux, sa discipline. Les employeurs, particulièrement dans la publicité, ne se refusent pas seulement à embaucher des individus ayant dépassé trente-cinq ans, ils hésitent à faire confiance à quelqu'un qui, à trente ans, n'a jamais été attaché. Quant à continuer, comme si de rien n'était, à ne les utiliser qu'épisodiquement, cela même est impossible: l'instabilité ne fait pas sérieux; à trente ans, l'on se doit d'être arrivé, ou bien l'on est rien. Et nul n'est arrivé s'il n'a trouvé sa place, s'il n'a creusé son trou, s'il n'a ses clés, son bureau, sa petite plaque.
Jérôme et Sylvie pensaient souvent à ce problème. Ils avaient encore quelques années devant eux, mais la vie qu'ils menaient, la paix, toute relative, qu'ils connaissaient, ne seraient jamais acquises. Tout irait en s'effritant; il ne leur resterait rien. Ils ne se sentaient pas écrasés par leur travail, leur vie était assurée, vaille que vaille, bon an mal an, tant bien que mal, sans qu'un métier l'épuise à lui seul. Mais cela ne devait pas durer
Jérôme et Sylvie pensaient souvent à ce problème. Ils avaient encore quelques années devant eux, mais la vie qu'ils menaient, la paix, toute relative, qu'ils connaissaient, ne seraient jamais acquises. Tout irait en s'effritant; il ne leur resterait rien. Ils ne se sentaient pas écrasés par leur travail, leur vie était assurée, vaille que vaille, bon an mal an, tant bien que mal, sans qu'un métier l'épuise à lui seul. Mais cela ne devait pas durer
George Perec, Les choses (1965)
Une phrase dans ce bouquin m'avait marqué, exprimant, si je me souviens bien, l'adhésion totale de Jérôme et Sylvie à une vie et des valeurs de consommateurs riches alors que leur ressources étaient finalement assez limitées : "Ils étaient enfoncées jusqu'au cou dans un gâteau dont ils n'auraient jamais que les miettes."
RépondreSupprimerOui... Jérôme et Sylvie sont décrits comme ni riches ni pauvres, ce qui - à l'époque, selon Pérec - reflétait la position sociale de la majorité de la population.
RépondreSupprimerOn ne dirait probablement pas la même chose aujourd'hui.
Ceci me fait d'ailleurs penser qu'il faudrait que je trouve sur ce blog un espace pour les citations brèves de ce genre...