Il y a quelque chose de poignant dans la position de l'homme assis au bord d'un lit. Les épaules sont rentrées, le buste affaissé. Le lit n'est pas fait pour cette station. Un tableau célèbre d'Edward Hopper montre un homme presque entièrement habillé dans cette situation irrésolue. Ses mains pendent entre ses jambes, il regarde le sol. Derrière lui, mais on ne la voit pas tout de suite, une femme à moitié nue dort tournée vers le mur. Si je pense à l'image, je ne me souviens pas d'elle. L'homme est seul, d'une solitude qui s'exprime de jour comme de nuit, qui n'a rien à voir avec d'autres présences, la lumière ou le décor. La solitude c'est le lit et l'attitude rompue. C'est l'attente de rien. L'homme n'est vu de personne. Le corps inobservé consent à l'abattement. C'est cette particularité de n'être vu de personne qui renvoie à l'enfance, au possible vide de l'avenir. Mon frère qui était toujours grand autrefois s'est amenuisé. Je l'ai laissé en slip, replié au bord du lit [...]. Il me donne l'idée d'une vague responsabilité. Je l'ai dépassé en force, je devrais veiller sur lui.
Yasmina Reza, Serge (2021)
Edward Hopper, excursion into philosophy (1959)
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