C’est parfois de la nature que survient une consolation inattendue. Une lumière singulière qui sature soudain les couleurs extérieures, nappant les frondaisons figées sous le soleil. Comme un appel pressant au vagabondage. Certains jours, où malgré ma turbulente impatience, mon esprit s’accorde instinctivement à la campagne telle qu’elle s’offre à mon regard. Je sors et m’engage sur un chemin dont je sais connaître le moindre caillou, et je redécouvre alors le décor magnifiée par des jeux d’ombres inédit : un chêne moribond transcendé par le contre-jour, la rivière, habituellement grise est insignifiante, emperlée de reflets adamantins. Le paysage dont j’étais certain d’avoir épuisé toutes les ressources et enregistré toutes les variations chromatiques contredit avec aplomb mon caractère désabusé. L’œil s’ouvre, palpite, cherche, trouve, l’esprit se libère, s’aplanit, les brumes résiduelles de l’angoisse se dispersent. L’horizon, sous l’effet de l’accident épiphanie se dégage. La forêt, ces jours-là, n’est que vibrantes et contagieuses promesses. L’avenir, lorsque l’on s’échappe de l’enchantement du moment présent pour y songer, s’y décline en d’innombrables possibles. Il suffirait d’un presque rien et je me sentirais perméable au bonheur, disposé à la sérénité, invité au voyage.
Frank Beauvais, Ne croyez surtout pas que je hurle (2020)
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