"Scènes de violence conjugales" montre avec justesse, à travers deux couples d'âges et de milieux socio-professionnels différents, la manière dont la violence peut s'immiscer dans une relation amoureuse durable, au détriment des femmes (les chiffres sont parlants). Cette violence s'exprime d'abord dans la bouche de leur conjoint sous forme de remarques insidieuses, grignotant peu à peu l'estime de soi. Elle finira par éclater en propos ostensiblement dépréciants et destructeurs... jusqu'à ce que le premier coup soit porté.
Emotionnellement impliquante, la pièce trouve sa justesse dans son écriture, ancrée dans le réel.
L'auteur Gérard Watkins a assisté à des séminaires, à des procès, et rencontré des professionnels ou bénévoles en prise avec une telle violence.
Il raconte par exemple sa entrevue avec Ernestine et Carole, de l'Observatoire de la violence envers les femmes du 93.
Dans le bureau rempli de dossiers, Ernestine et Carole me reçoivent. Nous entrons très rapidement dans le vif du sujet. Elles veulent connaître le contenu de mon projet. Je m'engage directement dans le récit de ce que j'envisage. Et j'en arrive au moment où, dans mon scénario initial, une des femmes se fait tuer. Je finis le récit. Un grand silence... Ernestine me regarde droit dans les yeux et me dit simplement et fermement: -Il NE FAUT PAS QUE LA FEMME MEURE-. Elle dit qu'elle comprend les règles de la tragédie, l'impact de cette mort, la nécessité de rendre compte du fléau, elle comprend tout ça. mais elle répète: «IL NE FAUT PAS QUE LA FEMME MEURE ». Je souris, j'écoute; Ernestine développe son argumentation: une femme doit penser qu'elle ne doit pas mourir. Qu'elle ne doit pas être battue. Qu'elle n'a aucun ordre à recevoir, de personne. Qu'elle peut s'en sortir en ouvrant une porte. En prenant la parole. Donc: LA FEMME NE DOIT PAS MOURIR. Elle ne doit pas répondre aux règles de la tragédie.
Géard Watkins, Scènes de violences conjugales (2016)
Jusqu'au 11 décembre au Théâtre de la Tempête
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