jeudi 23 juin 2016

Here is my prayer

En plus de m'avoir fait passer un très bon moment en guise de clôture du festival This is Not a Love Song, le concert de Shellac aura finalement eu sur moi un effet insidieux à plus long terme. Non seulement il m'est assez souvent revenu à l'esprit, mais en outre il a un temps ébranlé ma condition de spectateur. Pour employer de grands mots, j'ai eu l'impression que, de la même manière qu'après Louis-Ferdinand Céline il n'était plus possible d'écrire comme avant, après avoir vu Shellac sur scène, il n'est plus possible d'assister à un concert comme avant.

Cette pensée m'est venue lundi alors que j'assistais à la prestation de Mermonte aux 36h de St Eustache. Joliette et inoffensive. Car s'il y a bien des notions sur lesquelles j'ai mis des visages grâce à Shellac, c'est celles de d'intransigeance, intégrité et radicalité artistiques...


...incarnées par le charismatique Steve Albini, bientôt 54 ans, no look, l'assurance bonhomme de Bob Weston à la basse, et l'aura inquiétante (intimidante?) du batteur Todd Trainer.
Leur "Prayer to God" aura été particulièrement marquante.

To the one true God above:
here is my prayer -
not the first you've heard, but the first I wrote.
(not the first, but the others were a long time ago).
There are two people here, and I want you to kill them.

Her - she can go quietly, by disease or a blow
to the base of her neck, 
where her necklaces close,
where her garments come together,
where I used to lay my face...
That's where you oughta kill her,
in that particular place.

Him - just fucking kill him, I don't care if it hurts.
Yes I do, I want it to,
fucking kill him but first
make him cry like a woman,
(no particular woman),
let him hold out, hold back 
(someone or other might come and fucking kill him).
Fucking kill him.
Kill him already, kill him.
Fucking kill him, fucking kill him,
Kill him already, kill him,
Just fucking kill him!


Succédant à Mermonte sous le grand orgue de l'Eglise de St Eustache, j'imaginais continuer de m'ennuyer devant la prestation pop 80s second degré de Ricky Hollywood, avant peu à peu de trouver ce garçon fort décalé et amusant, et sa musique au final très dansante.
C'aura donc été un premier accroc à la phrase définitive que je m'étais amusé à formuler plus haut...

Le surlendemain, deux concerts me montraient à nouveau une voie autre que celle de la "radicalité" : celle de la démarche artistique personnelle et entière (on rappelle qu'il n'est désormais plus permis d'utiliser l'expression " vrai univers").

C'était à Petit Bain, pour une soirée Souterraine.
Eddy Crampes tout d'abord.
Seul sur scène, il alterne speeches pince-sans-rire et morceaux touchants, chantés sur une simple bande-son pré-enregistrée. Doté d'une présence incontestable, il arpente scène et salle muni de son micro sans fil, jouant avec les spectateurs et interagissant avec les vidéos propres à chaque chanson.
L'originalité de la démarche surprend, ce n'est qu'ensuite qu'on remarque qu'il chante très bien.



Chevalrex ensuite, puisque cette soirée correspondait finalement à la release party de son album "Futurisme". Là encore, beaucoup de consistance, un mélange de fragilité et d'assurance qui occupe l'espace sonore et scénique, résultat d'une trajectoire artistique cohérente construite sur le long terme (J'écris cela tel que ca m'est apparu).
A noter la participation dans cette formule live, de l'excellent guitariste Mocke.


Suite des concerts exaltants, mardi, avec Moonface + Sinai @ Espace B
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Chevalrex, Futurisme (Vietnam, 2016)
https://www.youtube.com/watch?v=KsAEsM20Wn4

Eddy Crampes, s/t (Objet Disque, 2016)
https://objetdisque.bandcamp.com/album/eddy-crampes-disque012

Shellac - Prayer to God
1000 Hurts (Touch and Go, 2000)

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