Je me souviens à la fin du mois de décembre 2012 être ressorti de Gibert Jeune très satisfait de mes achats, et enthousiaste à l'idée de relire "Le château" de Kafka - oui, je RElis des livres.
Je gardais un très bon souvenir de ce roman, et surtout de l'atmosphère qui s'en dégage. Qui plus est, l'histoire se déroule en hiver, donc la période était propice.
Le Château narre l'histoire d'un arpenteur (K.), ayant reçu un ordre de mission de la part de l'Administration d'un village. Venu de loin, il devra se familiariser avec les us locaux, et rencontrera toutes les difficultés du monde pour contacter le fonctionnaire l'ayant sollicité.
Le personnage principal évolue dans un périmètre géographique restreint, de telle sorte qu'on devient vite familier des quelques lieux et habitants décrits.
La progression temporelle est continue : On accompagne K. en chaque instant, chaque jour comme chaque nuit (qu'il soit hébergé chez des hôtes ou revienne au logement temporaire dont il bénéficie).
Il s'agit donc d'un livre immersif.
A ceci s'ajoute l'aspect kafkaïen. Dans "Le Château", comme dans un (mauvais) rêve, tout est incroyablement difficile et laborieux, alors même que la situation paraît triviale : les méandres bureaucratiques bien sûr, mais également le moindre dialogue avec les autochtones... ou même parfois le simple fait de se mouvoir, comme en témoigne l'extrait suivant :
K. restait distrait, fâché de l’entretien. Pour la première fois depuis son arrivée il ressentait une vraie fatigue. Le long chemin qu’il avait dû faire pour venir ne l’avait pas épuisé pendant l’effort lui-même ; comme il avait marché patiemment ces jours-là, pas après pas, sur cette longue route ! Les suites de ce surmenage se faisaient sentir maintenant, et c’était au mauvais moment. Il éprouvait un irrésistible besoin de faire de nouvelles connaissances, mais toutes celles qu’il trouvait augmentaient sa fatigue. S’il se contraignait dans son état présent à poursuivre sa promenade jusqu'à l’entrée du Château, ce serait plus que suffisant.
Il poursuivit donc son chemin ; mais que ce chemin était long! En effet la route qui formait la rue principale du village, ne conduisait pas à la hauteur sur laquelle s’élevait le Château, elle menait à peine au pied de cette colline, puis faisait un coude qu’on eût dit intentionnel, et, bien qu’elle ne s’éloignât pas davantage du Château, elle cessait de s’en rapprocher. K. s’attendait toujours à la voir obliquer vers le Château, c’était ce seul espoir qui le faisait continuer ; il hésitait à lâcher la route, sans doute à cause de sa fatigue, et s’étonnait de la longueur de ce village qui ne prenait jamais de fin ; toujours ces petites maisons, ces petites vitres givrées et cette neige et cette absence d'hommes... Finalement il s'arracha à cette route qui le gardait prisonnier et s’engagea dans une ruelle étroite ; la neige s’y trouvait encore plus profonde ; il éprouvait un mal horrible à décoller ses pieds qui s’enfonçaient, il se sentit ruisselant de sueur et soudain il dut s’arrêter, il ne pouvait plus avancer.
Franz Kafka, Le château (1935)
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