J'ai lu Salammbô l'hiver dernier. Ou plutôt relu. Sortant de 1000 pages de Schopenhauer (sur lesquelles je reviendrai ultérieurement), je devais avoir envie de plonger dans un roman particulièrement visuel (et exotique).
De ma première lecture (sans doute au collège), j'avais gardé deux ou trois images fortes. En réalité, elles sont innombrables, et je me faisais la réflexion en somme, qu'il s'agissait d'un roman prêt à adapter en BD (pour adulte, vu la violence de certains épisodes). Le contexte, pour rappel : "la Guerre des Mercenaires (IIIe siècle av. J.-C.), qui opposa la ville de Carthage aux Mercenaires barbares qu’elle avait employés pendant la première Guerre punique". (je cite Wikipedia par paresse).
Après une scène mémorable de banquet, ainsi que la première apparition de Salammbô, on accompagne un peu plus loin une colonne de mercenaires quittant Carthage, dans une longue et pénible marche.
Les cultures se firent plus rares. On entrait tout à coup sur des bandes de sable, hérissées de bouquets épineux. Des troupeaux de moutons broutaient parmi les pierres : une femme, la taille ceinte d'une toison bleue, les gardait. Elle s'enfuyait en poussant des cris, dès qu'elle apercevait entre les rochers les piques des soldats.
Ils marchaient dans une sorte de grand couloir bordé par deux chaînes de monticules rougeâtres, quand une odeur nauséabonde vint les frapper aux narines, et ils crurent voir au haut d'un caroubier quelque chose d'extraordinaire : une tête de lion se dressait au-dessus des feuilles.
Ils y coururent. C'était un lion, attaché à une croix par les quatre membres comme un criminel. Son mufle énorme lui retombait sur la poitrine, et ses deux pattes antérieures, disparaissant à demi sous l'abondance de sa crinière, étaient largement écartées comme les deux ailes d'un oiseau. Ses côtes, une à une, saillissaient sous sa peau tendue ; ses jambes de derrière, clouées l'une contre l'autre, remontaient un peu ; et du sang noir, coulant parmi ses poils, avait amassé des stalactites au bas de sa queue qui pendait toute droite le long de la croix. Les soldats se divertirent autour ; ils l'appelaient consul et citoyen de Rome et lui jetèrent des cailloux dans les yeux, pour faire envoler les moucherons.
Cent pas plus loin ils en virent deux autres, puis, tout à coup, parut une longue file de croix supportant des lions. Les uns étaient morts depuis si longtemps qu'il ne restait plus contre le bois que les débris de leurs squelettes ; d'autres à moitié rongés tordaient la gueule en faisant une horrible grimace ; il y en avait d'énormes ; l'arbre de la croix pliait sous eux et ils se balançaient au vent, tandis que sur leur tête des bandes de corbeaux tournoyaient dans l'air, sans jamais s'arrêter. Ainsi se vengeaient les paysans carthaginois quand ils avaient pris quelque bête féroce ; ils espéraient par cet exemple terrifier les autres. Les Barbares, cessant de rire, tombèrent dans un long étonnement. «Quel est ce peuple, pensaient-ils, qui s'amuse à crucifier des lions !»
Salammbô, Gustave Flaubert (1862)
Ton voeu est (presque) exaucé :
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La couverture du truc d'Appolo ici :
http://grandehotelkinshasa.blogspot.se/2013/03/les-voleurs-de-carthage.html