J'ai fait deux enfants. Enfin... je les ai pas vraiment faits, ils se sont faits tout seuls. Enfin... ils se sont pas vraiment fait tout seuls, on se comprend. Parfois, on est conduit pas par sa tête, pas par la raison, parfois, on est conduit par l'espèce. Par les phéromones. Par le guidon. Par l'Amour peut-être. L'Amour, c'est le piège, l'astuce, le vertige qu'a trouvé l'espèce pour qu'on soit toujours là, à se reproduire quand même. À travers et malgré l'absurde, à travers et malgré l'immensité de la saloperie humaine, à travers et malgré l'horreur de chaque fin de vie, à travers et malgré la catastrophe annoncée. Peut-être l'amour, c'est l'astuce, le piège que l'espèce a trouvé pour qu'on continue à se perpétuer.
J'ai fait deux enfants. Enfin... c'est pas vraiment moi, c'est l'Amour. C'est l'Amour dans ses débuts, c'est l'Amour dans sa fin, quand il n'y en a plus. Certains enfants sont des cadeaux "pot de départ", d'autres, des cadeaux de bienvenue, un souvenir de ce qu'un jour on s'est aimés. On fait un enfant souvenir et puis "bon courage", "longue vie", "à la prochaine", "je demanderai aux gamins un de ces jour de tes nouvelles".
Peut-être qu'on fait des enfants pour ne jamais, jamais, jamais se retrouver à écrire des chansons aussi tristes que Kinou. Nino Ferrer, le rigolo a écrit les chansons les plus tristes de la Terre : le "jardin des statues où court l'enfant qu'on n'a pas eu". La deuxième chanson la plus triste de toute la chanson française. Tu m'étonnes qu'on se tire un coup de fusil tranquille quand on est capable d'écrire ce genre de tristesse infinie, et la maison près de la fontaine, et la rua madureira, et chanson pour Nathalie. Je l'ai vu en concert ,Nino Ferrer, à Lyon en 1993, complètement dégoûté par son public à la con qui ne voulait entendre que Le téléphon.
J'ai fait deux enfants et maintenant le rapport du GIEC me dit qu'il reste trois ans à la Terre entière pour freiner à fond, "inverser la courbe" comme ils disent, repartir en arrière, redresser l'espace-temps. Trois ans pour faire tourner la Terre en arrière sur elle-même, comme Superman pour Lois Lane, autant dire, quoi... suicide direct! Il reste trois ans. Je ne vois plus qu'une dictature mondiale éclairée pour tenter de nous sauver. Je suis candidat, évidemment, bien sûr. Pourquoi pas ? Il faut bien que quelqu'un se sacrifie. Sinon, on s'en sortira pas.
J'ai fait deux enfants. C'est comme si je les avais lancés dans la fin du monde en plein dans Je suis une légende, L'armée des 12 singes, La guerre des mondes, World War Z, mélangés dans un seul film très pourri.
J'ai fait deux enfants. Et la plus grande probabilité, c'est qu'il survivent comme dans le bouquin La route de Cormac McCarthy.
J'ai fait deux enfants. Et je vois de très loin la mort arriver, mais très vite, à la vitesse d'un cheval supersonique. Qu'est-ce que je vais leur dire ? "Au revoir les enfants, adieu, courage, bonne chance mes poussins pour la guerre mondiale thermonucléaire. Go, go, go, que le meilleur survive! Évitez de vous manger l'un l'autre. Papa est désolé de vous avoir envoyés dans cette merde, pardonnez moï, je savais pas ce je faisais. C'était pas moi, c'était l'espèce qui parlait, c'était le guidon qui conduisait ".
"Souvenez-vous, quand même, si jamais.... Souvenez-vous quand même, si jamais, que papa il vous aimait."
Bruit noir - deux enfants
IV / III (2023)
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