— J'ai habité une rue un peu comme celle-ci. Un jour, j'ai vu un Chinois tomber du sixième.
— Un Chinois ?... Mais c'est terrible !
— Sur le coup, je n'ai pas vu que c'était le Chinois du sixième, il est passé trop vite. Il faisait beau, la fenêtre était ouverte. J'ai plus senti que vu quelque chose, comme un gros oiseau ou une ombre. Ensuite j'ai entendu des cris. Je me suis penché. Un corps formait une sorte de croix gammée au milieu de la chaussée. Sur le trottoir d'en face il y avait un couple de personnes âgées. C'est la femme qui criait. Toutes les fenêtres se sont ouvertes en même temps. J'ai entendu : "C'est le Chinois du sixième !"
— Qu'est-ce que vous avez fait ?
— J'ai fermé la fenêtre, je crois. Je ne le connaissais pas beaucoup. Nous nous croisions parfois dans l'escalier. Plus tard un voisin m'a confié qu'il était un peu dérangé, qu'il faisait partir d'une secte, je ne sais quoi...
— Ça a dû vous faire un drôle d'effet.
— On se sent toujours un peu voyeur, même si c'est malgré soi. Toute la journée j'ai eu l'impression d'avoir une poussière dans l'œil dont je n'arrivais pas à me débarrasser, une sorte d'image subliminale qui revenait sans cesse. C'était assez désagréable... Mais je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça, c'est idiot.
Gabriel s'en veut d'avoir évoqué cette anecdote. A présent il semble pleuvoir des Chinois partout dans le salon.
Pascal Garnier, La théorie du panda (2008)
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