dimanche 9 janvier 2011

Je m'enfuis de la nuit tourmentée

Avant de lire le deuxième Tome de l'intégrale de Lovecraft, j'ignorais qu'il avait également écrit des poèmes fantastiques. Plus de deux cents.

Faut-il présenter Lovecraft? Pour en avoir parlé autour de moi, j'ai l'impression que oui. Je cite la préface :

Howard Phillips Lovecraft (1890 - 1937)... sans nul doute le plus grand auteur fantastique de ce siècle, remarquable tant par sa vision et sa conception uniques du fantastique que par sa création d'une mythologie et d'une cosmologie originales, d'un univers pratiquement autonome [...]

J'ajoute que le rêve joue un rôle important dans ses récits, et qu'il est également moteur de création, dans la mesure où l'écrivain se souvient de ses songes, et les poursuit en les couchant sur le papier. Telle nouvelle aura été "commencée alors qu'[il] n'étai[t] pas encore complètement réveillé".

Sur ce thème, et pour ceux d'entre vous qui n'auraient jamais lu de "poème fantastique", voici l'un de ceux que j'ai relevés.
(malheureusement sans parvenir à trouver la VO sur internet)


Je scrute tes traits, calmes et blancs
Sous la lumière de la bougie,
Tes paupières frangées de noir ; derrière leur écran
Il y a des yeux qui ne voient pas les domaines de cette Terre.

Je te regarde et j'aimerais savoir
Sur quels sentiers t'entraînent tes rêves,
Les royaumes fantomatiques que tu contemples
Avec des yeux fermés au monde et à moi-même.

Car moi aussi j'ai contemplé dans mon sommeil
Des choses qui se sont presque effacées de ma mémoire,
Et le souvenir vague me pousse à épier de nouveau
Les scènes se déroulant devant tes yeux.

Moi aussi j'ai connu les cimes de Thok ;
Les vallons de Pnath, où s'attroupent des formes nébuleuses ;
Les caveaux de Zin... et je sais très bien
Pourquoi la lueur de cette bougie t'est nécessaire.

Mais qu'est-ce qui se glisse furtivement
Sur ton visage et tes lèvres barbues ?
Quelle peur affole ton esprit et ton coeur,
Pourquoi ces gouttes de sueur perlant à ton front?

D'anciennes visions s'éveillent... tes yeux s'ouvrent
Où brillent sombrement les nuées d'autres cieux,
Et comme pour ne pas voir un spectacle démoniaque
Je m'enfuis de la nuit tourmentée.


HP Lovecraft, A un rêveur (1920)
Rembrandt, Paysage au Château (1640)

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