— Quand nous sommes venus à Milan, j'étais à peine plus âgé que toi, et c'est Simone qui m'a expliqué ce que Vincenzo n'a jamais compris. Il m'a expliqué que chez nous, là-bas, au pays, les hommes vivent comme des bêtes, à qui on apprend seulement deux choses, travailler et obéir. Alors que les hommes doivent vivre libres, sans être esclaves de qui que ce soit, et sans jamais oublier leur devoir. Seulement Simone a oublié tout cela, tu sais comme moi où ça l'a mené. Il a gâché sa vie, et il a amené la honte sur notre famille. Il a fait du mal à Rocco. Simone avait des racines robustes et saines. Seulement les mauvaises herbes les ont très vite étouffées. La trop grande bonté de Rocco est aussi dangereuse que la méchanceté de Simone. Rocco est un sain. Et que peut faire dans ce monde quelqu'un comme lui qui refuse de se défendre. Rocco est toujours prêt à pardonner à tous. On ne doit pas toujours pardonner.
— Si Rocco retourne au pays, moi j'irai avec lui.
— [...] Que crois tu trouver là-bas de différent ? Même chez nous la vie changera pour tous, parce que même chez nous les hommes sont en train d’apprendre que le monde doit changer. Il y en a qui disent que ce monde nouveau ne sera pas meilleur. Moi, je suis sûre du contraire et je sais que ta vie sera plus juste et plus honnête.
Luschino Visconti, Rocco et ses frères (1960)