jeudi 19 décembre 2024

2024, un palmarès

Bilan sons et lumières de 2024.

Pour la première fois, je n'ai pas réussi à distinguer UN album préféré. Je livre au final une sélection assez homogène de 10 albums (dont 4 sont chantés en français, incroyable). J'y ajoute par une pirouette deux doubles albums - que j'aime beaucoup, mais que je suis encore loin de maîtriser titre par titre.

Playlist à suivre dans les prochains jours !




Les Albums (non classés)
Coeur Joie - Réminiscences
Corridor - Mimi
This is Lorelei - Box for Buddy, Box for Star
Ha the Unclear - A Kingdom in a cul-de-sac
Bibi Club - Feu de garde
Cosmo Sheldrake - Eye to the ear
MJ Lenderman - Manning Fireworks
Touché Amoré - Spiral In A Straight Line
Gwendoline - C'est à moi ça
Office dog - Spiel / Doggerland EP


Les doubles-albums
Cindy Lee - Diamond Jubilee
Mount Eerie - Night Palace


Mais aussi
Clark - In Camera
DIIV - Frog in boiling water
Ducks Ltd. - Harm's Way
Fontaines DC - Romance
Fred Thomas - Window in the Rhythm
Godspeed You! Black Emperor - No Title as of 13 February 2024 28,340 Dead
Grandaddy - Blu Wav
Hannah Frances - Keeper of the Sheperd
Helado Negro - Phasor
Horse Jumper of Love - Disaster Trick 
Idaho - Lapse
Islands - What occurs
La Dispute - Here, Hear IV
Les Savy Fav - OUI, LSF
Lightheaded - Combustible Gems
Montañita - Dummy Light in the Chaos
Nilüfer Yanya - My Method Actor
Oneida - Expensive Air
Penny Arcade - Backwater Collage
Porridge Radio - Clouds in the Sky, they will alwaus be there for me
Vampire Weekend - Only God was above us


Les morceaux
(en plus de tous ceux figurant dans les albums ci-dessus) :
Another Dance - I try to be another dancer ; Arab Strap - Bliss ; Arab Strap - Summer Season  ; Astéréotypie - ; Bill Ryder-Jones - Christinha ; Cabane - Dead song, Pt.1 ; Clavicule - All these boys ; Crumb - Amama ; David Scrima - Comment ça va vite ; Georgie Greep - Holy, holy ; Hoorses - Movie's Architecture ; Jamie xx - Breather ; Jamie xx - Falling togetherLamplight - PlayFuture Islands - King of Sweden ; Molly Nilsson - ExcaliburOmar Rodriquez-Lо́pez - Is it the cloudsNorvik - DirtPedro the lion - Don't cry nowReal Estate - Somebody NewSinaïve - ConvenanceSUSS - MigrationUmbrellas (the) - When you find outUrika's bedroom - XTC ;  Yetsubi - Who swallowed the chimes at the random place


Des concerts
27/04 Ha The Unclear @ Hasard ludique
11/07 Don idiot @ Supersonic
25/08 LCD Soundsystem @ Rock en seine
06/10 Godspeed you! black emperor @ Trianon


Des séries
Le problème à trois corps / Il miraculo (2019)


Des films
Pendant ce temps sur terre (Jérémy Clapin)


Jeux-vidéo
Chained Echoes

mardi 3 décembre 2024

Une insatisfaction organisée


Pour la première fois de son histoire, l'enjeu pour l'humanité va être de se survivre à elle-même. Non plus à des prédateurs, à la faim ou aux maladies, mais à elle-même. Elle n'y est pas préparée. Devant ce défi suprême, elle ne répond que par des incohérences. La preuve : pourquoi, alors que nous sommes dotés d'outils extrêmement précis qui nous informent clairement de la tournure que vont prendre les événements dans quelques décennies, restons-nous impassibles ? Pourquoi, face à la catastrophe, continuons-nous à agir comme par le passé ? Qu'est-ce qui, en nous, est si dysfonctionnel ? 


C'est là le propos du livre "Le bug humain", dans lequel l'auteur cherche à comprendre et expliquer "pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l'en empêcher". Commençons par déterminer ce que cherche notre cerveau : 
 
[il] est programmé pour poursuivre quelques objectifs essentiels, basiques, liés à sa survie à brève échéance : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, le faire avec un minimum d'efforts et glaner un maximum d'informations sur son environnement. Ces cinq grands objectifs ont été le leitmotiv de tous les cerveaux qui ont précédé le nôtre sur le chemin accidenté de l'évolution des espèces vivantes. Et ce, depuis les premiers animaux qui ont vu le jour dans les océans à l'ère précambrienne, il y a un demi-milliard d'années, jusqu'au dirigeant d'entreprise qui règne sur des milliers d'employés et gère le cours de ses actions depuis son smartphone.

L'atteinte de ces objectifs active "le circuit de la récompense" (lié à la sécrétion de dopamine). Là où le bas blesse, et ce que montrent des expériences sur des rats, c'est qu'à gain égal, la récompense diminue. Nous sommes donc "programmés pour vouloir toujours plus". Cet aspect neurologique entre tragiquement en résonance avec l'une des puissants moteurs du capitalisme :

A partir des années 1920, le discours publicitaire insista justement sur la comparaison sociale. Pour amener chaque foyer américain à se procurer une automobile puissante et luxueuse alors que la sienne était amplement suffisante et que de toute façon les limitations de vitesse rendaient totalement abscons un moteur de 180 chevaux, les slogans firent vibrer la corde de l'envie et du statut : "Savez-vous que votre voisin possède déjà la Buick 8.64 sport roadster ?"

Cette stratégie s'est avérée diablement efficace. Sans le savoir, les cabinets de publicitaires avaient libéré la force profonde de nos cerveaux, une énergie primate ancienne, capable de faire tourner toute une économie. Le principe d'action de cette nouvelle incitation à consommer était presque miraculeux car il supposait une escalade permanente. Lorsque tout le monde possède un certain type de produit sophistiqué, le seul moyen de gagner un petit cran de statut supplémentaire est de s'en procurer d'encore meilleurs. Charles Kettering, alors vice-président de General Motors, déclarait ainsi dans les années 1920: «La clé de la prospérité économique, c'est la création d'une insatisfaction organisée.» Le même principe était énoncé quelques années plus tard par l'économiste John Galbraith, pour qui l'économie avait pour principale mission de « créer les besoins qu'elle cherche à satisfaire». En 1929, Herbert Hoover, alors président des États-Unis, commanda un rapport sur les changements dans l'économie. [...] extrait [...] : 

L'enquête démontre de façon sûre ce qu'on avait longtemps tenu pour vrai en théorie, à savoir que les désirs sont insatiables ; qu'un désir satisfait ouvre la voie à un autre. Pour conclure, nous dirons qu'au plan économique un champ sans limites s'offre à nous ; de nouveaux besoins ouvriront sans cesse la voie à d'autres plus nouveaux encore, dès que les premiers seront satisfaits. [...] La publicité et autres moyens promotionnels [...] ont attelé la production à une puissance motrice quantifiable. [...] Il semble que nous pouvons continuer à augmenter l'activité. [...] Notre situation est heureuse, notre élan extraordinaire. 
 
Sébastien Bohler, Le Bug humain (2019)

Je me permets de détourner le sens premier du titre de l'essai, et choisis comme illustration à cet article une image marquante d'une série marquante (dont je tais le nom pour ne pas vous spoiler) qui donne tout à coup une autre lecture du titre !