Freud, suite et fin.
Vous connaissez forcément cette sensation du souvenir du rêve qui se dérobe en un éclair au réveil, emportant ainsi de précieux fragments qu'on voit partir sans pour autant pouvoir les retenir.
Nous faisons l'hypothèse que notre appareil psychique comporte deux instances formatrice de pensée, dont la seconde possède le privilège de voir ses produits trouver libre accès à la conscience, tandis que l'activité de la première instance est en soi inconsciente et ne peut parvenir à la conscience que par l'intermédiaire de la seconde. A la frontière de deux instances, au passage de la première à la seconde, se trouverait une censure ne laissant passer que ce qui lui est agréable mais retenant le reste. En ce cas, ce qui est écarté par la censure se trouve, selon notre définition, dans l'état de refoulement. Dans certaines conditions dont l'une est l'état de sommeil le rapport des forces entre les deux instances se modifierait de telle manière que le refoulé ne peut plus être entièrement retenu. Dans l'état de sommeil cela aurait lieu probablement par le relâchement de la censure; alors ce qui a été refoulé jusqu'à ce moment réussir à se frayer un chemin à la conscience.
Lorsque l'état de sommeil est surmonté, la censure se rétablit rapidement dans sa pleine vigueur et peut à présent détruire ce qui lui a été arraché au temps de sa faiblesse. Une expérience vérifiée d'innombrables fois montre que l'oubli du rêve s'explique au moins en partie par là. Pendant le récit d'un rêve, ou pendant son analyse, il n'est pas rare de voir surgir subitement un fragment qu'on croyait oublié. Ce fragment arraché à l'oubli contient régulièrement l'accès le meilleur et le plus direct à la signification du rêve. C'est vraisemblablement pour cette raison seulement qu'il est tombé victime de l'oubli, c'est-à-dire de la nouvelle répression.
Sigmund Freud, Sur le rêve (1901)
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