vendredi 1 octobre 2010

La nausée

Moi qui suis assez branché "auteurs russes", je n'avais jamais lu jusqu'alors "Le Maître et Marguerite" de Mikhaïl Boulgakov. Jusqu'à cet été.

Pas vraiment de réflexion à portée existentielle, métaphysique ou sociologique à vous citer, mais des passages intéressants pour ce qu'ils me rappellent du roman, ou pour ce qu'ils décrivent.

En ce début de septième chapitre, on découvre pour la première fois le personnage secondaire qu'est Stephan Likhodieïev, en proie à un mal de tête que je partage ce soir.

Si le matin du lendemain, on avait dit à Stephan Likhodieïev: Stepan, tu seras fusillé si tu ne te lèves pas à l'instant même!
Stepan aurait répondu, d'une voix languissante et à peine perceptible:
- Fusillez-moi, faites de moi ce que vous voudrez, mais je ne me lèverai pas.

Se lever? Il avait l'impression qu'il ne pouvait même pas ouvrir les yeux, parce que, si jamais il s'en avisait, un éclair allait fulgurer et faire voler sa tête en éclats. Dans cette tête carillonnait une lourde cloche, entre les globes des yeux et les paupières closes flottaient des tâches brunes frangées d'un vert éblouissant, et, pour comble, Stepan sentait monter en lui une nausée, et cette nausée lui semblait avoir un rapport étroit avec les sons obsédants d'un phonographe.

[...] quelle heure il était, et quel jour était-on, et quel mois - Stepan l'ignorait absolumment, et, qui pis est, il ne parvenait pas à savoir où il se trouvait. Il voulut tirer au clair, tout au moins, cette dernière question, et pour ce faire il décolla, non sans peine, sa paupière gauche. Dans la pénombre, quelque chose lui envoya un reflet blafard. Stepan, à la longue, reconnut le trumeau, et comprit qu'il était étalé de tout son long dans son propre lit, dans la chambre à coucher. A ce moment, il ressentit un choc si douloureux dans sa tête qu'il ferma les yeux et poussa un gémissement.

Le Maître et Marguerite, Mikhaïl Boulgakov (1940)


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