lundi 27 juin 2022

La longue et lente expiration

Second extrait de "Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes". On passera sur les péripéties et déboires rencontrées par Remington, pour terminer sur cette réflexion de fin de roman sur la vieillesse.

Bien que Serenata trouve étonnant le fait de vieillir, elle savait que ce sentiment était ordinaire ; en revanche, ce qui était extraordinaire, c'étaient les rares vieux qui acceptaient leur désintégration comme inéluctable. Par ailleurs, ne pas avoir existé avant d'avoir été conçu était étonnant aussi ; exister alors qu'on n'existait pas auparavant était étonnant; puis ne plus exister : d'accord, oui, bon, c'était étonnant aussi. Allez savoir si le néant n'était pas l'état le plus facile à concevoir, l'état le plus naturel - celui qui n'exigeait pas d'imagination. Auquel cas, ne pas avoir existé auparavant n'était pas étonnant alors que le fait d'exister l'était ; et, par la suite, ne plus exister de nouveau n'était pas étonnant non plus. Le passage difficile se situait entre deux : la longue et lente expiration qui allait du fait d'exister au néant. Il aurait été tellement plus gentil de pouvoir tourner le bouton comme sur un appareil. L'interminable altération graduelle du corps alors que son hôte restait toujours prisonnier à l'intérieur était comme une torture qui aurait pu être imaginée à Guantanamo ou à Bergen-Belsen. Tout grand âge était une nouvelle d'Edgar Allan Poe.

Lionel Shriver, Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes (2021)

vendredi 24 juin 2022

Le département du Cantal

 Elections législatives 2022, 89 députés "Rassemblement National"... Banalisation/normalisation de leurs idées, stratégie de dédiabolisation menée par MLP depuis de nombreuses années, siphonnage des partis traditionnels de gauche et droite menée par EM, on en est donc là.

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Un dimanche dans une famille française, désespérée de ne trouver aucun sujet de conversation.
Vu par l'excellent Fabcaro.





Fabcaro, Formica: Une tragédie en trois actes (2019)

jeudi 16 juin 2022

Beginning to end

Dans la rubrique "Que sont-ils devenus?", voici des nouvelles de Jordan Geiger (Minus Story, Hospital Ships), à qui j'écrivais initialement pour obtenir les paroles d'une chanson. Bien sûr, si vous ignoriez son existence jusqu'alors, ceci ne vous intéressera guère. Je publierai cependant d'ici peu un parcours d'écoute de sa discographie, ce qui permettra aux novices de s'initier à sa musique.

Voici une partie de ce qu'il m'écrit, avec, tenez-vous bien, du contenu audio "Minus Story" à côté duquel j'étais passé, puisque publié sur un bandcamp alternatif !


As you see from my website, I've been focusing on making art. I returned to college to finish my undergraduate degree last year, and this coming fall I'm going to be starting my graduate studies for visual arts. [...]

Although I've made a fair amount of music since then, I haven't had the drive to release it or play shows I used to have for a number of reasons. Here's a bit of the more experimental music I've made: https://joriya.bandcamp.com/

My favorite is probably "The Land Of Dreams" (I was very into synthesizers at the time, and still am) and "The Soul Of A Whale Sessions" is a Minus Story E.P. that we began but never finished, for a number of personal and financial reasons. [...]

Below you'll find the lyrics to Joyless, Joyless [...]

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We’re driving the voice out,
We’re driving the ghosts out
We’re so tired we’re making something from nothing
And I can’t believe that, but you’ll never see it

It’s joyless, it’s joyless,
it’s joyless, it’s joyless.

We’re driving the voice out,
We’re driving the ghosts out
We’re so tired we’re making something from nothing
You’re kicking and screaming, the feeling is fleeting

We’re so tired, the beating,
The captain is bleeding.

Say it again,
I give and I give,
It’s joyless, joyless,
The place we’re at.

It’s joyless, joyless,
Joyless, joyless, 
Joyless, joyless
Joyless joyless.

Say it again,
Beginning to end,
It’s joyless, joyless,
The place we’re in.

Joyless, joyless,
The state we’re in.
It’s joyless, joyless,

It’s joyless, joyless,
The place we’re at. 
Joyless, Joyless

Minus Story - Joyless, joyless
The Captain Is Dead, Let the Drum Corpse Dance (2004)

vendredi 10 juin 2022

Personne n'aime courir

Nouveau roman dont je m'en vais consigner des extraits ici. Son pitch est simple : Un couple de sexagénaires. Elle, ancienne sportive désormais empêchée par des genoux douloureux. Lui, qui n'a jamais pratiqué la course à pied et se met tout à coup en tête de courir un marathon. Une opposition de phase bien sûr génératrice de tensions, le tout sur un fond de culte de la performance, et vieillissement inéluctable des corps.

Avant toute chose, petite mise à point de Renata à son mari :

Un tuyau pour toi : personne n'aime courir. Les gens font semblant, mais ils mentent. La seule satisfaction, c'est d'avoir couru. Sur le moment, c'est ennuyeux et pénible, dans le sens où il faut fournir un effort et non parce que c'est difficile de savoir le faire. C'est répétitif. N'espère pas y trouver la révélation de quoi que ce soit. Je suis probablement ravie d'avoir eu une excuse pour abandonner. Et c'est sans doute ça que je ne peux pas me pardonner. Mais j'ai au moins la joie de ne plus faire partie de la masse des abrutis qui soufflent de concert en pensant tous être tellement différents.

Lionel ShriverQuatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes (2021)