lundi 30 janvier 2012

How can you trust your feelings when they can just disappear like that?

Les trois premiers plans de "Blue Valentine"...

... qui laissent donc tout de suite présager un beau film.

On y découvrira Ryan Gosling et Michelle Williams (que je commence à avoir vue dans une poignée de longs métrages), plus vrais que nature en couple tombant en amour puis désamour, en symbiose parfaite puis en totale incompréhension.

Ceci nous vaut d'ailleurs la question un peu flippante en titre de cet article.

Blue Valentine, Derek Cianfrance (2011)

dimanche 29 janvier 2012

Se souvenir de rien

La mer est immense
Et glacée parfois
Autant s'aligner
Se souvenir de rien
Autant planter l'aiguille
Quand les bottes font du foin
O luxuriance
O Broadway, O Byzance
O miroirs électifs
Lupanar à Sisyphe

Noir Désir - Son style (2)
Des Visages, Des Figures (Barclay, 2001)

Tandis que j'écris cet article, je m'aperçois que les compositions de Bertrand Cantat épaulé - entre autres - de Pascal Humbert (Passion Fodder / 16 Horsepower / Woven Hand) créées dans le cadre de la trilogie Le Cycle des femmes : trois histoires de Sophocle de Wajdi Mouawad sont disponibles depuis le mois de Décembre dans un livre-CD intitulé Choeurs (extrait).

Ceux qui s'intéressent à ses récentes apparitions l'auront sans doute vu récemment aux côtés de Eiffel, Brigitte Fontaine, Shaka Ponk, Amadou et Mariam.

mercredi 25 janvier 2012

We're all in our private traps

"People never run away from anything. You know what i think? I think that we're all in our private traps, clamped in them, and none of us can ever get out. We scratch and claw, but only in the air, only at each other. And for all of it, we never budge an inch."

Alfred Hitchcock, Pyschose (1960)


Le plaisir est réel à revoir ce film, mais on sent qu'il serait bien plus grand si l'on en ignorait la trame et les ressorts.
Reste qu'Anthony Perkins assure grave.
[Gif via IWDRM]

mardi 24 janvier 2012

Full Of Hell

Comme l'affirme Wikipedia, "Baroness est un groupe de sludge metal américain originaire de Savannah dans l'État de Géorgie". A la guitare se trouve un certain John Dyer Baizley, également artiste graphique.

La première fois que j'ai fait connaissance avec son oeuvre, c'est en lisant la critique du Blue Record du groupe. J'en ai d'ailleurs déjà publié la pochette dans ces colonnes suite à la visite d'une exposition sur le revival de l'Art Nouveau). Je suis sympa, je vous la mets en grand cette fois.

Elle va d'ailleurs de paire avec celle du Red Album (que j'aime moins).

Les premiers visuels étaient plus sobres (lettrage ambiance affiches @ SanFrancisco pendant les 60s):
Lien
La deuxième fois, c'était sur le tshirt d'un disquaire de Stockholm (avec le visuel de droite) :

Je ne vous cache pas que je préfère l'esthétique entre psychédélisme et Art Nouveau, que celle typée "hard rock"...

La troisième fois, ce fut à tort puisque je l'imaginais derrière ces disques


La vraie troisième fois, donc, ce fut a posteriori, puisque je me suis aperçu qu'il était l'auteur du visuel du deuxième album de Flight of the Conchords, que je reproduisais par ailleurs .

L'homme est en effet habitué à travailler pour d'autres (Blacktusk, Darkest Hour, Skeletonwitch... ...et récemment Gillian Welch)


Ceux d'entre vous qui remarqueront que cet artwork pourrait presque avoir été signé Uncle Vania me feront très plaisir, puisque c'est qu'ils auront suivi avec attention ma saga automnale consacrée à quatre talentueux designers de pochettes d'albums: Tous les liens vers les articles précédents dans la page Sagas

Baroness, Blue Record (Relapse, 2009)
Baroness, Red Album (Relapse, 2007)
Baroness, First EP (Hyperrealist, 2004)
Howl, Full Of Hell (Relapse, 2010)
Grails, Black Tar Prophecies Vol.4 (Important, 2010)
Flight of the Conchords, I told you I was freaky (Sub Pop, 2010)
Gillian Welch, The Harrow & The Harvest (Acony, 2011)

à part ça:
www.baronessmusic.com
http://aperfectmonster.com

samedi 21 janvier 2012

You'll shit wish you were dead

Sous le coup d'événements récents, et alors que ce n'est pas sa nature profonde, Jesse Pinkman s'imagine déjà revêtir le costume de bad guy, avec la crainte qu'il inspire.

Walter: How are you doing? No, I mean, you know... How are you doing? You did the only thing that you could. I hope you understand that. [...] Are you sure you're okay?
Jesse: ... At least now we all understand each other. Right?
Walter: What do you mean?
Jesse: I mean him and us, we get it. We're all on the same page.
Walter: What page is that?
Jesse: The one that says: if I can't kill you, you'll shit wish you were dead.
Breaking Bad, Box Cutter (S04E01)


Quand je vois certaines scènes de Breaking Bad (notamment celle qui aura précédé cette discussion), Le Parrain, Animal Kingdom, La nuit nous appartient ou Little Odessa, + tout un tas de films de Scorcese et Kitano qui montrent à quel point les alliances de malfaiteurs, au sein d'un même camp, sont volatiles, je ne peux m'empêcher de me souvenir du passage suivant du Discours de la Servitude Volontaire (dont je vous ai déjà servi 3 extraits. Promis, c'est le dernier)

Quand je pense à ces gens qui flattent le tyran pour exploiter sa tyrannie et la servitude du peuple, je suis presque aussi souvent ébahi de leur méchanceté qu’apitoyé de leur sottise.

Car à vrai dire, s’approcher du tyran, est-ce autre chose que s’éloigner de sa liberté et, pour ainsi dire, embrasser et serrer à deux mains sa servitude ? Qu’ils mettent un moment à part leur ambition, qu’ils se dégagent un peu de leur avidité, et puis qu’ils se regardent ;[...] Il ne faut pas seulement qu’ils fassent ce qu’il ordonne, mais aussi qu’ils pensent ce qu’il veut et souvent même, pour le satisfaire, qu’ils préviennent ses propres désirs. Ce n’est pas le tout de lui obéir, il faut encore lu complaire ; il faut qu’ils se rompent, se tourmentent, se tuent à traiter ses affaires, et puis qu’ils ne se plaisent qu’à son plaisir, qu’ils sacrifient leur goût au sien, qu’ils forcent leur tempérament et dépouillent leur naturel. Il faut qu’ils soient attentifs à ses paroles, à sa voix, à ses regards, à ses gestes : que leurs yeux, leurs pieds, leurs mains soient continuellement occupés à épier ses volontés et à deviner ses pensées.

Est-ce là vivre heureux ? Est-ce même vivre ? Est-il rien au monde de plus insupportable que cet état, je ne dis pas pour tout homme de coeur, mais encore pour celui qui n’a que le simple bon sens, ou même figure d’homme ? Quelle condition est plus misérable que celle de vivre ainsi, n’ayant rien à soi et tenant d’un autre son aise, sa liberté, son corps et sa vie ?

[...] Ces favoris devraient moins se souvenir de ceux qui ont gagné beaucoup auprès des tyrans que de ceux qui, s’étant gorgés quelque temps, y ont perdu peu après les biens et la vie. Ils devraient moins songer au grand nombre de ceux qui y ont acquis des richesses qu’au petit nombre de ceux qui les ont conservées. Qu’on parcoure toutes les histoires anciennes et qu’on rappelle toutes celles dont nous nous souvenons, on verra combien nombreux sont ceux qui, arrivés par de mauvais moyens jusqu’à l’oreille des princes, soit en flattant leurs mauvais penchants, soit en abusant de leur naïveté, ont fini par être écrasés par ces mêmes princes, qui avaient mis autant de facilité à les élever que d’inconstance à les défendre. Parmi le grand nombre de ceux qui se sont trouvés auprès des mauvais rois, il en est peu ou presque pas qui n’aient éprouvé eux-mêmes la cruauté du tyran, qu’ils avaient auparavant attisée contre d’autres. Souvent enrichis à l’ombre de sa faveur des dépouilles d’autrui, ils l’ont à la fin enrichi eux-mêmes de leur propre dépouille. [...]

Certainement le tyran n’aime jamais, et n’est jamais aimé. L’amitié est un nom sacré, une chose sainte. Elle n’existe qu’entre gens de bien. Elle naît d’une mutuelle estime et s’entretient moins par les bienfaits que par l’honnêteté. Ce qui rend un ami sûr de l’autre, c’est la connaissance de son intégrité. Il en a pour garants son bon naturel, sa fidélité, sa constance. Il ne peut y avoir d’amitié là où se trouvent la cruauté, la déloyauté, l’injustice. Entre méchants, lorsqu’ils s’assemblent, c’est un complot et non une société. Ils ne s’aiment pas mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices.

Quand bien même cela ne serait pas, il serait difficile de trouver chez un tyran un amour sûr, parce qu’étant au-dessus de tous et n’ayant pas de pairs, il est déjà au-delà des bornes de l’amitié. Celle-ci fleurit dans l’égalité, dont la marche est toujours égale et ne peut jamais clocher. Voilà pourquoi il y a bien, comme on le dit, une espèce de bonne foi parmi les voleurs lors du partage du butin, parce qu’alors ils y sont tous pairs et compagnons. S’ils ne s’aiment pas, du moins se craignent-ils. Ils ne veulent pas amoindrir leur force en se désunissant.
Mais les favoris d’un tyran ne peuvent jamais compter sur lui parce qu’ils lui ont eux mêmes appris qu’il peut tout, qu’aucun droit ni devoir ne l’oblige, qu’il est habitué à n’avoir pour raison que sa volonté, qu’il n’a pas d’égal et qu’il est le maître de tous. N’est-il pas déplorable que, malgré tant d’exemples éclatants, sachant le danger si présent, personne ne veuille tirer leçon des misères d’autrui et que tant de gens s’approchent encore si volontiers des tyrans ? Qu’il ne s’en trouve pas un pour avoir la prudence et le courage de leur dire, comme le renard de la fable au lion qui faisait le malade : « J’irais volontiers te rendre visite dans ta tanière ; mais je vois assez de traces de bêtes qui y entrent ; quant à celles qui en sortent, je n’en vois aucune. »

Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire (1581)

Illustrer ce passage, est d'ailleurs la seule vertu que j'avais trouvée à Outrage, le dernier Kitano (qui marquait son retour au film de Yakusa).

Outrage, Takeshi Kitano (2010)

mercredi 18 janvier 2012

It’s All Over, It’s Everywhere

Le prochain volume de Top Tape, ce sera Dimanche, toujours à 19h et toujours sur Radio Campus Paris (93.9FM)!

En attendant, vous pouvez (ré)écouter l'édition précédente, càd la mixtape best of 2011. Une mixtape à emporter, qui mêle quelques uns des meilleurs albums et chansons tels que je les avais listés sur ce blog courant Décembre
(feat. Bill Callahan, Dark Dark Dark, My Brightest Diamond, the Rural Alberta Advantage, the Black Keys, A$AP Rocky, Psykick Lyrikah, Snowman, WU LYF, Tape, Driver Drive Faster, Metronomy, Kakkmaddafakka, Breton, the Rapture).

L'émission et la playlist complète sont disponibles en ligne sur www.radiocampusparis.org. Vous pouvez également utiliser ce player directement (..)

Au registre des sessions, notez également qu'ont récemment été diffusées celles de Mirel Wagner, Holly Miranda, Housse de Racket, Stranded Horse et Hospital Ships (en attendant Matt Elliott, Pete and the Pirates et Battant)

Et parce que j'ai envie, j'insère ici une photo de Holly Miranda (dont j'ai pris plaisir à ré-écouter l'interview enregistrée il y a un an et demi)


Une dernière chose:
Amateurs de playlists, sachez que celle que nous formons chaque mois pour Radio Campus Paris, en plus d'etre diffusée à l'antenne, se retrouve également sur Deezer et Spotify (dans la mesure du possible et surtout du disponible).
Les liens sont là :
http://www.radiocampusparis.org/playlist/
Enjoy!

mardi 17 janvier 2012

ils sont de plus en plus nombreux

Levez un instant le nez de votre "Libération" et observez vos compagnons de métro. Lui, là, avec sa tête bizarre, c’en est un. Avisez l’autre, derrière, c’est sûr, elle en est aussi. Eh bien sachez que, sur la cinquantaine de voyageurs, il y en a au moins cinq. Ça vaut aussi pour vous, skieurs, qui nous lisez sur le tire-fesses (oui, nos lecteurs sont extrêmement habiles de leurs mains) : là, sur la centaine de personnes accrochées en même temps que vous au remonte-pente qui gravit lentement la montagne, ils sont facile dix, peut-être onze. D’année en année, ils sont de plus en plus nombreux : les téléspectateurs de M6.

La suite, ici:

Isabelle Roberts, Raphaël Garrigos
dans Libération du 16/01/2012


dimanche 15 janvier 2012

Time's price

Jeffrey Lewis sait être pragmatique face au temps qui passe...
Des paroles pas si triviales.


Time is gonna take so much away
But there's a way that time can offer you a trade

You've gotta do something that you can get nicer at,
You've gotta do something that you can get wiser at,
You'd better do something that you can get better at
'Cause that's the only thing that time will leave you with

'Cause time is gonna take so much away
But there's a way that time can offer you a trade :

It might be cabaret, it could be poetry,
It might be trying to make a new happy family,
It could be violin repair or chemistry,
But if it's something that takes lots of time, that's good

'Cause time is gonna take so much away,
But there's a way that time can offer you a trade.

Because your looks are gonna leave you
And your city's gonna change too
And your shoes are gonna wear through

Yeah time is gonna take so much away,
But there's a way that time can offer you a trade :

You gotta do something that you can get smarter at,
You gotta do something you might just be a starter at,
You better do something that you can get better at
'Cause that's the thing that time will leave you with.

And maybe that's why they call a trade a trade,
Like when they say you should go and learn a trade;
The thing you do don't have to be to learn a trade,
Just get something back from time for all it takes away.

It could be many things, it could be anything,
It could be expertise in Middle Eastern traveling,
Something to slowly sorta balance life's unraveling

You have no choice you have to pay time's price
But you can use the price to buy you something nice
Something you can only buy with lots of time
So when you're old you blow some whippersnapper's mind.

It might be a book that takes researching seven years
A book that helps to make the path we take to freedom clear
And when you're done you see it started with a good idea
One good idea could cost you thousands of your days
But it's just time that you'd be spending anyway

You have no choice you have to pay time's price
But you can use the price to buy you something nice

So I've decided recently
To try to trade more decently…

Jeffrey Lewis - Time trades
A Turn In The Dream-Songs (Beggars Banquet, 2011)

jeudi 12 janvier 2012

Un mariage

J'assistais dimanche dernier à un mariage pittoresque...

Francis Ford Coppola, Le Parrain (1972)

mercredi 11 janvier 2012

All's Well That Ends

Elle avait été "album cover of the week", la pochette de l'EP "All's Well That Ends" de Los Campesinos peut désormais faire l'objet d'un article Crossed Covers, grâce à Blouse.


Los Campesinos! - All's Well That Ends EP (Wichita, 2010)
Blouse - s/t (Captured Tracks, 2011)
A cette occasion, vous noterez la magie du bouton "play", qui permet de lancer la vidéo d'un simple clic, sans que j'aie eu à intégrer de player youtube moche dans mon article, ni d'ailleurs que la mise en page pâtisse dans le futur de l'inévitable obsolescence du lien.

Blouse sera en concert avec Active Child le 19 février au Point Ephémère.

lundi 9 janvier 2012

Des raisons d'espérer

L'année 2008 s'achève, elle a été rude [...], mais nous allons sortir renforcés de cette crise.
*
L'année qui s'achève a été difficile pour tous. 2010 sera une année de renouveau.
*
L'année 2010 s'achève, je sais qu'elle fut rude [...] L'année 2011 s'annonce comme porteuse d'espérance.
*
L'année 2011 s'achève, elle aura connu bien des bouleversements. Vous finissez l'année plus inquiets, pour vous et pour vos enfants. Et pourtant, il y a des raisons d'espérer.

Nicolas Sarkozy,
Voeux du Président de la République aux Français
des 31 décembre 2008, 2009, 2010 et 2011.


[Source: l'Edition Spéciale / Canal+]

samedi 7 janvier 2012

Le souvenir de l’inexprimable

Vous lûtes tantôt ici même tout le bien (ou disons une partie) que HP Lovecraft (1890 - 1937) pensait d'Edgar Allan Poe (1809 - 1849). Connaissant bien l'oeuvre du premier, j'ignorais pour autant à quel point - concrètement - elle pouvait avoir été influencée par le second.

Il y a en effet chez Lovecraft une récurrence de certains procédés et images qui semblent directement découler des récits de Poe. Je me contenterai ici de relever (voire illustrer) quelques parallèles. Disons que j'irai plus loin si un jour je me lance dans un mémoire sur le sujet, c'est-à-dire jamais (d'autant qu'à l'évidence le sujet a déjà été traité).


La narration:
Chez Lovecraft, elle est souvent portée par l'un des protagonistes de l'histoire, qui raconte les événements a posteriori, l'esprit encore bouleversé par la réalité entre-aperçue.

Deux exemples parmi tant d'autres :
(HPL) Sur les événements qui se déroulèrent les 18 et 19 octobre 1894 à la mine de Norton, je préférerais garder le silence. Pourtant, aujourd'hui, en ces dernières années de ma vie, je sens qu'il me faut, par devoir envers la Science, faire renaître en ma mémoire ces souvenirs chargés d'une indicible horreur.
La transition de Juan Romero (1919)

(HPL) Que ma mémoire soit défaillante, je ne m'en étonne pas ; car mon équilibre, physique et mental, subit de rudes coups pendant toute l'époque de mon séjour rue d'Auseil.
La musique d'Erich Zann (1921)

Du côté de Poe :
(EAP) Relativement à la très étrange et pourtant familière histoire que je vais coucher par écrit, je n'attends ni ne sollicite la créance. Vraiment, je serai fou de m'y attendre, dans un cas où mes sens eux-mêmes rejettent leur propre témoignage. Cependant je ne suis pas fou, - et très certainement je ne rêve pas.
Le chat noir (1843)


Ce qui marque, dans beaucoup d'histoires, ce sont les phénomènes si extraordinaires qu'ils échappent à toute description : il peut s'agir de couleur, odeur, son, d'une construction défiant la géométrie euclidienne, de créature ou végétaux...
(HPL) [...]
procédé qu'on trouvait déjà ici:
(EAP) A l'expiration de cette période, des mâchoires distendues et immobiles jaillit une voix, - une voix telle que ce serait folie d'essayer de la décrire. Il y a cependant deux ou trois épithètes qui pourraient lui être appliquées comme des à-peu-près : ainsi, je puis dire que le son était âpre, déchiré, caverneux ; mais le hideux total n'est pas définissable, par la raison que de pareils sons n'ont jamais hurlé dans l'oreille de l'humanité.
Sur le cas de M. Valdemar (1845)


Quelques images, maintenant:
Les arbres qu'on voit bouger, en l'absence de vent.
(HPL) Soudain, devant la fenêtre, l'un des détectives eut un vif et bref sursaut. Les autres s'en aperçurent et suivirent aussitôt son regard jusqu'au point, là-haut, où après avoir erré au hasard il s'était brusquement fixé. Les paroles étaient inutiles. Ce dont on avait discuté dans les bavardages de pays n'était plus discutable, et c'est à cause de ce fait, dont tous les assistants convinrent de parler plus tard à voix basse, qu'il n'est jamais question à Arkham de ce diable de temps. Il faut d'abord préciser qu'il n'y avait aucun vent à cette heure de la soirée. Il se leva peu après, mais il n'y en avait absolument pas jusque-là. Même les pointes desséchées des dernières herbes-aux-chantres grises et flétries, et la frange sur le toit de la charrette anglaise à l'arrêt, restaient immobiles. Pourtant, dans ce calme tendu, impie, les rameaux dénudés bougeaient à la cime de tous les arbres de la cour. Dans une agitation morbide et spasmodique, un délire de convulsions épileptiques, comme pour agripper les nuages éclairés par la lune ; griffant en vain l'air empoisonné, on les eût dit secoués par quelque chaîne de transmission étrangère et immatérielle, au rythme de souterraines horreurs luttant et se débattant sous leurs noires racines.
La couleur tombée du ciel (1927)

(EAP) Mais il y a une frontière à leur empire, et cette frontière est une haute forêt, sombre, horrible. Là, comme les vagues autour des Hébrides, les petits arbres sont dans une perpétuelle agitation. Et cependant il n'y a pas de vent dans le ciel. Et les vastes arbres primitifs vacillent éternellement de côté et d'autre avec un fracas puissant.
Silence (1837)


les tapisseries le long des murs qui semblent se mouvoir:
(HPL) Au moment où les ampoules s'illuminaient, je vis une ondulation hideuse parcourir toute la tapisserie, entraînant ses motifs assez étranges dans une singulière dans macabre
Les rats dans les murs (1923)

(EAP) Le vent courait activement derrière les tapisseries, et je m'appliquais à lui démontrer, - ce que, je le confesse, je ne pouvais pas croire entièrement, - que ces soupirs à peine articulés et ces changements presque insensibles dans les figures du mur n'étaient que les effets naturels du courant d'air habituel
Ligeia (1838)


Je pourrais également mentionner les descriptions architecturales qui provoquent une forte et inquiétante impression (ce dont je retrouve des traces chez Poe dans La chute de la maison Usher)...

Dernier exemple: en guise d'élément de contexte, beaucoup d'histoires de Lovecraft se déroulent dans des zones reculées, pour ne pas dire "arriérées" ou dégénérées. Je pense notamment à la Nouvelle-Angleterre, et à la ville (fictive) d'Arkham, évoquée pour la première fois dans la nouvelle (mais pas dans l'extrait) ci-dessous.

(HPL) Ceux qui sont à la recherche de l’horreur hantent les pays étrangers et lointains. Les catacombes de Ptolémée, les mausolées sculptés des pays de cauchemar, voilà ce qu'il leur faut. Ils escaladent au clair de lune les tours des châteaux ruinés de la vallée du Rhin, descendent en chancelant des marches couvertes de toiles d’araignées au milieu de pierres éparses, vestiges de cités d’Asie dont le nom a sombré dans l’oubli. Les bois hantés, les montagnes désolées sont leurs sanctuaires, ils flânent autour des monolithes sinistres dans des îles désertes. Mais le véritable amateur de terreur, celui qui trouve la justification de son existence dans la recherche d'un frisson nouveau, insurpassable, ne connaît rien de mieux que les fermes isolées dans les bois de la Nouvelle-Angleterre. Les éléments les plus sombres — solitude, ignorance, absurdité — concourent à l’instauration d’une atmosphère hideuse qui touche à la perfection.

Le spectacle le plus affreux est offert par les petites maisons de bois nu à l’écart des routes fréquentées, généralement tapies sur un versant humide couvert d’herbe ou adossées à quelque roche gigantesque affleurant la surface. Elles se trouvent là depuis deux cents ans ou d'avantage ; pendant ce temps les plantes grimpantes ont tout envahi, les arbres ont développé leurs frondaisons en surface et en épaisseur. Elles sont presque cachées sous des luxuriances de verdure qui n’obéissent à aucune discipline, protégées sous des linceuls d’ombre ; mais les fenêtres à petits carreaux semblent toujours vous lancer des regards sinistres à travers l’immobilité de la mort qui éloigne la folie parce qu’elle étouffe le souvenir de l’inexprimable.

Dans ces maisons ont vécu des générations de gens étranges, comme le monde n’en a jamais vu de semblables. Possédés par une croyance téné­breuse et fanatique qui les a fait bannir du sein de leurs semblables, leurs ancêtres étaient venus chercher la liberté dans la nature sauvage. Les reje­tons d’une race aventureuse se développèrent ainsi à l’abri des tracasseries de leurs compatriotes mais se réfugièrent dans un consternant esclavage à l’égard des sombres fantasmes de leurs propres esprits. La vitalité de ces Puritains qui se trouvaient à l’écart des lumières de la civilisation prit des chemins étranges ; dans leur isolement, leur besoin morbide de pénitence, la lutte pour la vie qu’ils étaient obligés de mener contre une Nature inflexible, il se trouva que certains traits sombres de leur caractère remontèrent sournoiement des profondeurs préhistoriques de leur ascendance nordique.
L'image dans la maison deserte (1920)

Dans Ligeia (EAP), il y a cette simple phrase, à propos d'une abbaye construite "dans une des parties les plus incultes et les moins fréquentées de la belle Angleterre".



Fin de cet article au format inhabituel pour ce blog. Peut-être les extraits ici rapportés vous auront-ils donné en vie de (re)lire l'un ou l'autre de ces auteurs. Il semble en tout cas que les images puissantes de Poe aient à tel point impressionné Lovecraft, qu'il se les ait appropriées, tout en parvenant à les développer.
Il leur ajoutera par la suite une cosmogonie propre (feat. Cthulhu), qui aujourd'hui reste comme sa marque caractéristique.

mercredi 4 janvier 2012

the Silence of Love

J'entamais, le 17 décembre dernier, le troisième volet de ma sélection des plus belles pochettes 2011 par l'album Tough Cookie de Samantha Savage Smith. Il montre le visage d'une femme, vu de haut, entouré d'une chevelure blonde fournie.
Un visuel qui m'a rappelé le travail de l'artiste argentine Irana Douer, pour l'album de reprises d'Alela Diane, the Silence of Love (ainsi que pour les singles qui en furent extraits).

Crossed Covers :

Headless Heroes - Hey, Who Really Cares [Jon Hopkins Remix] (Names, 2008)
Samantha Savage Smith - Tough Cookie (autoproduit)
Headless Heroes - The North Wind Blew South (Names, 2008)
Headless Heroes - the Silence of love (Fargo, 2008)

lundi 2 janvier 2012

Jumping on a grenade, yo

Breaking Bad again.
Ca spoile léger (à l'échelle de l'épisode, S02E02)

Walter: We need a plan.
Jessie: Think, think! Let's just bum-rush him, man. You know, you crack him over the head with something, and I'll go for his gun.
Walter: "Crack him over the head... with something"?
Jessie: And you got the C-bomb ['cancer", ndlr], man. All right? You're as good as checked out already. Okay? You should be, like, all sacrificial, jumping on a grenade, yo.
Walter: Just... Oh, so my life is not the priority here, because I'm going to be dead soon anyway. That's your point?
Jessie: Uh... yeah!
Breaking Bad, Grilled (S02E02)

N'oubliez pas :
(en "Comic Sans MS" dans le texte)

dimanche 1 janvier 2012

Pour la nouvelle année

Je vis encore, je pense encore : il faut encore que je vive, car il faut encore que je pense. Sum, ergo cogito : cogito, ergo sum. Aujourd’hui chacun se permet d’exprimer son désir et sa pensée la plus chère : et, moi aussi, je vais dire ce qu’aujourd’hui je souhaite de moi-même et quelle est la première pensée que j’ai prise à cœur cette année - je veux dire quelle est la pensée qui devra devenir la raison, la garantie et la douceur de toute ma vie! Je veux apprendre toujours davantage à voir le beau dans la nécessité des choses : - c'est ainsi que je serai toujours de ceux qui rendent les choses belles. Amor fati : que cela soit désormais mon amour. Je ne veux pas entrer en guerre contre la laideur. Je ne veux pas accuser, même les accusateurs. Je détournerai mon regard, ce sera là ma seule négation! Et, somme toute, pour voir grand : je veux ne plus, de ce jour, être jamais qu'un affirmateur!

Friedrich Nietzsche, Le gai savoir (1882)