lundi 23 mars 2020

You've been pretty lucky in love

Eve, à Adam dans "Only Lovers Left Alive" :


How can you have lived for so long and still not get it? This self-obsession, it's a waste of living... that could be spent on surviving things, appreciating nature, nurturing kindness and friendship. And dancing. You've been pretty lucky in love, though ?

Jim Jarmusch, Only Lovers Left Alive (2013)

vendredi 20 mars 2020

Ce fichu mal des rayons

L'un des scènes les plus impressionnantes de la série Chernobyl est celle du déblaiement manuel des résidus de graphite sur le toit de la centrale. Le témoignage de ce "liquidateur", dans l'ouvrage "La Supplication" éclaire cette séquence.

Deux militaires se sont présentés à l'usine où je travaillais. J'ai été convoqué : "Sais-tu faire la différence entre l’essence et le gasoil ?" J’ai demandé aussitôt :

— Où voulez-vous m’envoyer ?
— Où ça ? Mais à Tchernobyl ! Tu partiras comme volontaire.

Ma profession militaire est spécialiste du combustible nucléaire. C'est une spécialité secrète. On m’a embarqué directement de l’usine, avec la chemisette que je portais. On ne m’a même pas autorisé à faire un saut à la maison. J’ai dit :

— Je dois prévenir ma femme.
— Nous nous en chargerons.

Dans le bus, nous étions une quinzaine, tous des officiers de réserve. Les gars m’ont plu : s’il faut y aller, on y va ; s’il faut travailler, on travaille ; si on nous envoie à la centrale, nous grimperons sur le toit du réacteur.

Près des villages évacués, il y avait des miradors avec des soldats en armes. Des barrières. Des panneaux : “Accotements contaminés. Arrêt strictement interdit.” Des arbres gris arrosés du liquide de désactivation. Tout cela m’a mis la cervelle sens dessus dessous. Les premiers jours, nous avions peur de nous asseoir par terre, sur l’herbe. Nous ne marchions pas, mais courions. Nous mettions nos masques dès qu’une voiture passait en soulevant la poussière. Et nous restions dans les tentes après le travail. Ha ! Ha ! Deux mois plus tard, nous nous comportions normalement. C’était désormais notre vie. Nous cueillions des prunes, pêchions du poisson. Il y a là-bas des brochets énormes. Et des brèmes. Nous faisions sécher les brèmes pour les manger avec de la bière. Nous jouions au foot. Nous nous baignions ! (Il rit encore.) Nous avions foi en notre bonne étoile. Dans notre for intérieur, nous sommes tous des fatalistes et non des pharmaciens. Nous ne sommes pas rationalistes. C’est la mentalité slave... Je croyais en mon étoile... Ha ! Ha ! Me voici invalide au deuxième degré... Je suis tombé malade tout de suite après mon retour. Ce fichu mal des rayons. Avant cela, je n’avais même pas de dossier au centre médical. Mais je m’en fous ! Je ne suis pas le seul... La mentalité... [...] 

Moi, je brûlais d’envie de monter sur le toit du réacteur. “Ne sois pas si pressé, m’a-t-on dit. Le dernier mois avant la démobilisation, on expédiera tout le monde sur le toit.” Notre période de service était de six mois. Le cinquième mois, notre lieu de cantonnement fut changé. Nous nous trouvions désormais tout près du réacteur. Cela a engendré pas mal de blagues, mais aussi des conversations sérieuses : nous prévoyions le passage sur le toit. Combien de temps nous resterait-il après cela ? Cela s’est passé sans bruit, sans panique.

— Les volontaires, un pas en avant.

Toute la compagnie a fait ce fameux pas en avant. Un moniteur de télévision est installé près du commandant. Il l’allume. Sur l’écran apparaît le toit du réacteur parsemé de morceaux de graphite, le bitume fondu.

— Vous voyez, les gars, il y a des décombres sur le toit. Il faut nettoyer la surface. Et ici, dans ce carré, vous allez faire un trou.

Quarante à cinquante secondes aller-retour. L’un de nous charge le bard, les autres en balancent le contenu dans le réacteur. Nous avions l’ordre de ne pas regarder en bas, mais nous l’avons fait tout de même. Les journaux écrivaient : “Au-dessus du réacteur, l’air est pur.” Nous avons ri, nous avons juré. L’air est peut-être pur, mais les doses énormes ! Nous avions des dosimètres. L’un était étalonné jusqu’à cinq röntgens : l’aiguille venait aussitôt buter au maximum. Un autre, qui ressemblait à un stylo, pouvait mesurer jusqu’à deux cents röntgens. Il ne suffisait pas, non plus. On nous a dit que nous pourrions avoir de nouveau des enfants au bout de cinq ans... À condition de ne pas mourir avant ! (Il rit.) On nous donnait des diplômes d’honneur. J’en ai deux. Avec Marx, Engels, Lénine et des drapeaux rouges... Un gars a disparu. Nous pensions qu’il s’était enfui. On l’a retrouvé dans les buissons, deux jours plus tard. Il s’était pendu. Le zampolit nous a réunis pour nous parler. Il a prétendu que le type avait reçu une lettre de sa famille : sa femme le trompait. C’était peut-être vrai. Qui sait ? Nous devions être démobilisés une semaine plus tard... Notre cuistot avait tellement la trouille qu’il vivait non pas dans sa tente, mais dans l’entrepôt : il s’était creusé une niche sous les caisses de beurre et de conserves de viande. Il y avait installé son matelas et son oreiller. Soudain arrive l’ordre de former une nouvelle équipe et de l’envoyer sur le toit. Mais nous y étions tous passés. Il fallait donc trouver des gens. Et on l'a pris. Il n’y est monté qu’une seule fois... Maintenant, il est invalide au deuxième degré. Il m'appelle souvent. Nous ne perdons pas le contact. Nous maintenons des liens les uns avec les autres. Notre mémoire vivra tant que nous vivrons.

Avant de monter sur le réacteur, le commandant nous a réunis pour le briefing. Quelques gars se sont rebellés : “Nous y sommes déjà montés. On doit nous renvoyer à la maison.” Certains se trouvaient dans le même cas que moi : mon affaire, c’était le combustible, l’essence. Et l’on m’envoyait malgré tout sur le toit. Moi, je n’ai rien dit. Je voulais y aller. Mais d’autres ont refusé. Le commandant a réglé toute l’affaire :

— Les volontaires iront sur le toit et les autres chez le procureur.

[...] Les gars étaient bien. Deux sont tombés malades, alors il s’en est trouvé un pour dire : “J’y vais !” Il y était déjà allé, ce jour-là. On l’a vraiment respecté. La prime était de cinq cents roubles. Un autre était chargé de percer un trou, sur le toit, pour insérer le tuyau qui devait permettre de faire descendre les décombres. On lui a fait signe qu’il était temps de partir, mais il a continué. Il a continué à percer, à genoux. Il ne s’est relevé que lorsqu'il a eu fini. Il a touché une prime de mille roubles. On pouvait s’acheter deux motos avec cela. Aujourd'hui, il est invalide au premier degré... Mais pour la peur, on payait tout de suite...

Lorsqu'on nous a démobilisés, nous sommes montés dans les camions et l’on a traversé toute la zone en klaxonnant. Aujourd'hui, lorsque je me remémore ces journées, je me dis que j’ai éprouvé un sentiment... fantastique. Je ne réussis pas à l’exprimer. Les mots « grandiose » ou « fantastique » ne parviennent pas à tout retranscrire. Je n’ai jamais éprouvé un tel sentiment, même pendant l’amour... »

Svetlana Aleksievitch, La Supplication (1997)

jeudi 19 mars 2020

Souls of songs

Nick Cave a toujours eu des rapports directs, francs et bienveillants avec ses fans... ceci se reflètent notamment dans la newsletter "the Red Hand Files", dans laquelle l'auteur répond librement aux questions qui lui sont adressées.
Cette fois, la question portait sur des paroles anciennes, qui pourraient, à la lumière de nos susceptibilités actuelles, être problématiques... et donc révisables?
Réponse claire de Nick Cave :


Dear Gavin,

These days, some of my songs are feeling a little nervous. They are like children that have been playing cheerfully in the schoolyard, only to be told that all along they have had some hideous physical deformity. Their little hearts sink and they piss their pants. They leave the playground burning with shame, as a scornful, self-righteous future turns around with its stone and takes aim.

But what songwriter could have predicted thirty years ago that the future would lose its sense of humour, its sense of playfulness, its sense of context, nuance and irony, and fall into the hands of a perpetually pissed off coterie of pearl-clutchers? How were we to know? 

Perhaps we writers should have been more careful with our words – I can own this, and I may even agree – however, we should never blame the songs themselves. Songs are divinely constituted organisms. They have their own integrity. As flawed as they may be, the souls of the songs must be protected at all costs. They must be allowed to exist in all their aberrant horror, unmolested by these strident advocates of the innocuous, even if just as some indication that the world has moved toward a better, fairer and more sensitive place. If punishment must be administered, punish the creators, not the songs. We can handle it. I would rather be remembered for writing something that was discomforting or offensive, than to be forgotten for writing something bloodless and bland.

Love, Nick

dimanche 15 mars 2020

A foreign disease

On se souvient pour le Onze Septembre de la résonance des paroles de Noir Désir dans le morceau "Le Grand incendie" paru le même jour
[Ça y est, le grand incendie / Y’a l’feu partout, emergency / Babylone, paris s’écroulent / New-york city [...] / [...] / Hommage à l’art pompier / T’entends les sirènes, elles / Sortent la grande échelle].

L'entame du premier single du prochain album de Protomartyr sont pas mal non plus


When the ending comes, is it gonna run
At us like a wild-eyed animal?
A foreign disease washed upon the beach
A dagger plunged from out of the shadows

A cosmic grief beyond all comprehension
All good laid low by outside evil
Against belief, a riot in the street
A giant beast turning mountains into black holes

Fiction, Fiction
No, none of that
Rolling in your heads
Reality has a far duller edge

Everybody's hunted with a smile
Being processed by the boys

They got the job when they came back to town
Why not let 'em earn a living?
Fill out the forms, download the app
Submit your face into the scanner

Everybody's hunted with a smile
Being processed by the boys


In their tatterdemalion uniforms
They look so nice
Tattoos of their children
So cool, so nice
This time will be gentle enough
Gentle enough
This time will be gentle enough
Gentle enough
Next time will be different
Different
Next time will be different
So cool, so nice
They'll be gentle enough
Gentle enough
They'll be gentle enough
Gentle enough

Protomartyr - Processed By The Boys
Ultimate Success Today (Domino, 2020)

mercredi 11 mars 2020

Nous sommes d’une étoffe particulière

Récit de Victor Latoun, photographe, mais à l'époque de Tchernobyl, soldat affecté à la reconstruction. Ce sera l'avant-dernier extrait de témoignage de "La Supplication" que je citerai ici.

Une commission est venue nous calmer. « Dans votre coin, tout va bien. Le fond de la radiation est normal. À quatre kilomètres d’ici, la vie est impossible, on va évacuer la population, mais chez vous, c’est calme. » Un dosimétriste les accompagnait. Il a mis en marche son appareil et a promené son capteur le long de nos bottes. Il a brusquement fait un bond de côté... Un réflexe...

Là commencent les choses intéressantes pour vous, en tant qu’écrivain. Combien de temps croyez-vous que nous avons conservé cela en mémoire ? À peine quelques jours. Le Soviétique est incapable de penser exclusivement à lui-même, à sa propre vie, de vivre en vase clos. Nos hommes politiques sont incapables de penser à la valeur de la vie humaine, mais nous non plus. Vous comprenez ? Nous sommes organisés d’une manière particulière. Nous sommes d’une étoffe particulière. Bien sûr nous buvions comme des trous. Le soir, plus personne n’était sobre. Après les deux premiers verres, la plupart soupiraient en se souvenant de leurs femmes et de leurs enfants ou se plaignaient du travail et pestaient contre les chefs. Mais, après une ou deux bouteilles, on ne parlait plus que du destin du pays et de l’organisation de l’univers. De Gorbatchev et de Ligatchev. De Staline. Étions-nous un grand pays ou non ? Allions-nous vaincre les Américains ? L’année 1986... Quels avions étaient les meilleurs et quelles fusées les plus sûres ? D'accord, Tchernobyl avait explosé, mais nous étions les premiers à avoir envoyé un homme dans l’espace ! Nous discutions jusqu’à l’extinction de voix, jusqu’au petit matin. Et ce n’était qu’en passant que nous nous demandions pourquoi nous n’avions pas de dosimètres, pourquoi on ne nous donnait pas de comprimés par prophylaxie, pourquoi nous n’avions pas de machines à laver pour nettoyer nos vêtements de travail tous les jours et non deux fois par mois. Nous sommes ainsi faits, que diable !

La vodka était plus appréciée que l’or. Il était impossible d’en acheter. Nous avons bu tout ce qu’on pouvait trouver dans les villages des alentours : tord-boyaux, lotions, laques, sprays... On posait sur la table un récipient de trois litres de tord-boyaux ou un sac rempli de flacons d’après-rasage et on causait... On causait. Il y avait parmi nous des profs et des ingénieurs... C’était une vraie internationale : des Russes, des Biélorusses, des Kazakhs, des Ukrainiens... Et nous tenions des conversations philosophiques... Nous sommes prisonniers du matérialisme, disait-on, et ce matérialisme nous limite au monde des objets. Or Tchernobyl est une ouverture vers l’infini. Je me souviens aussi de discussions sur le sort de la culture russe, de son penchant pour le tragique. Impossible de rien y comprendre sans l’ombre de la mort. La catastrophe n’est compréhensible qu’à partir de la culture russe. C’est la seule qui s’y prête... Nous craignions la bombe, le champignon nucléaire et les choses ont pris une autre tournure... Nous savons comment brûle une maison incendiée par une allumette ou un obus... Mais ce que nous voyions ne ressemblait à rien... Les rumeurs disaient que c’était le feu céleste. Et même pas un feu, mais une lumière. Une lueur. Un rayonnement. Le bleu céleste. Et pas de fumée. Avant cela, les scientifiques étaient des dieux. Maintenant, ce sont des anges déchus. Des démons ! La nature humaine demeure toujours un mystère pour eux. Je suis russe. Je suis né près de Briansk. Chez nous, les vieux sont assis sur le seuil de leurs maisons de guingois qui ne vont pas tarder à tomber en ruine, mais ils philosophent, réorganisent le monde. Ainsi faisions-nous, près du réacteur...

Des journalistes passaient nous voir. Ils prenaient des photos. Des sujets inventés. Ils posaient un violon devant la fenêtre d’une maison abandonnée et appelaient cela la “symphonie de Tchernobyl”. En fait, il n’y avait rien à inventer. Il y avait de quoi faire : un globe terrestre écrasé par un tracteur dans la cour d’une école ; le linge étendu sur le balcon depuis un mois, devenu tout noir, des fosses abandonnées ; l’herbe qui atteignait déjà la hauteur des soldats en plâtre sur le piédestal des monuments, et des oiseaux qui avaient fait leur nid sur les mitraillettes de plâtre ; les portes d’une maison défoncées par les pillards, mais les rideaux tirés aux fenêtres. Les habitants sont partis, mais leurs photos, chez eux, sont restées vivre à leur place. Comme leurs âmes.

Il n’y avait rien de superflu, dans tout cela. J’avais envie de tout mémoriser en détail et avec précision : l’heure à laquelle j’ai vu telle ou telle chose, la couleur du ciel, mes sensations. Vous comprenez ? L’homme s’en était allé pour toujours de ces endroits et nous étions les premiers à visiter ce “pour toujours”. Nous n’avions pas le droit de laisser échapper un seul détail... Les visages des vieux paysans qui ressemblent à des icônes... Ils ne comprennent vraiment pas ce qui s’est passé. Ils n’ont jamais quitté leur maison, leur terre. Ils venaient au monde, faisaient l’amour, gagnaient leur pain dans la sueur, assuraient la lignée, attendaient les petits-enfants et, ayant vécu leur vie, ils quittaient la terre pour rentrer en elle. La maison biélorusse ! Pour nous, citadins, l’appartement est une machine pour la vie, mais pour eux, la maison représente un monde tout entier. Un cosmos. Et passer à travers des villages vides... On éprouve tellement le désir de rencontrer quelqu'un... Avec mon groupe, nous sommes entrés dans une église abandonnée, pillée... Cela sentait la cire. J’avais envie de prier...

C’est parce que je voulais me rappeler tout cela que je me suis lancé dans la photo... Voilà mon histoire.

Svetlana Aleksievitch, La Supplication (1997)

mercredi 4 mars 2020

I'm more of a Stax girl myself

Fantastique film de Jim Jarmush dans lequel les amants Adam (Tom Hiddleston) et Eve (Tilda Swinton) promènent leur swag tout autour du globe. Il faut dire qu'être des vampires centenaires, figurer aux côtés et parmi les plus grands artistes de l'humanité et porter des lunettes de soleil en toute circonstance donne une certaine contenance.


L'ambiance sonore est une merveille, tant par ces riffs psychés cradingues chers à Jarmusch que par la voix enveloppante de Tom Hiddleston. Malgré ça, le film sait conserver une certaines légèreté, comme lors de cette virée nocturne en voiture à Détroit, territoire d'Adam

- So this is your wilderness. Detroit.
- Everybody left.
- What's that?
- It's the Packard plant where they once built the most beautiful cars in the world.Finished.
- But this place will rise again.
- Will it?
- Yeah. There's water here. And when the cities in the South are burning, this place will bloom.
- Do you wanna see the Motown Museum? Although it's not much to look at from the outside.
- I'm more of a Stax girl myself.
- Actually, there is something I could show you. It's not far.
- There. That's Jack White's house.
- Oh. I love Jack White.
- That's where he grew up.
- Oh. Little Jack White. Nice.
- Do you know he's actually his mother's seventh son?
- That figures.

Jim Jarmusch, Only Lovers Left Alive (2013)

lundi 2 mars 2020

J'apprivoise la mélancolie



Rares sont les retours en France du désormais montréalais Jérôme Minière. Si rares, que le public de l'Auguste Théâtre (courant Novembre) était constitué en bonne partie de proches, ce qui collait tout à fait avec l'aspect intimiste de ce spectacle tendre et drôle, parcellé de références autobiographiques. Le dispositif scénique voyant Jérôme Minière accompagner des vidéos de lui vieilles de plus d'une vingtaine d'années était très réussi.


De manière plus conventionnelle, il aura également égrainé des morceaux de ses deux précédents albums, notamment le très beau "Vaste".


J'apprivoise la mélancolie de la fin de l'été
Suspendue sous un grand arbre
J'ai vu le rivage entre les feuillages
Qui semblait poser une question sans réponse
L'air moite, un nuage sur ma droite
L'intensité de quelque chose de vaste
Ce paysage que l'on va laisser derrière soi
Pour retrouver des préoccupations plus étroites

J'apprivoise la mélancolie
Parce que je travaille pour une boîte et pas pour l'horizon
Dans une ville champignon
Agglomérée en strates de plastique et de béton
Loin des forêts et les lacs
J'ai déplacé le curseur de mes humeurs
La ligne de mes pensées
La ligne de mes préoccupations
Des diagrammes et des fleurs

J'ai toujours l'appétit de ce qui est juste
De ce qui est juste à coté de l'incompréhensible solitude des villes
Et semble poser une question sans réponse

Le goût de ce qui est vaste
Le goût de ce qui est vaste

Jérôme Minière, Vaste
Une clairière (Objet Disque, 2019)