vendredi 30 avril 2010

Il ne faut pas confondre...

...Sébastien Tellier, Sébastien Schüller, et Sébastien Martel.




(il ne faut pas non plus confondre Sébastien Tellier avec David Ivar Herman Düne, ni d'ailleurs avec Emmanuel Tellier, mais ça, c'est une autre histoire).

Celui qui ajoute "ni avec ma grand-mère" est viré.

mercredi 28 avril 2010

un vide plein de promesses

Au fil des heures, des jours, des semaines, des saisons, tu te déprends de tout, tu te détaches de tout. Tu découvres, avec presque, parfois, une sorte d'ivresse, que tu es libre, que rien ne te pèse, ne te plaît, ni ne te deplaît. Tu trouves, dans cette vie sans usure et sans autre frémissement que ces instants suspendus que te procurent les cartes ou certains bruits, certains spectacles que tu te donnes, un bonheur presque parfait, fascinant, parfois gonflé d'émotions nouvelles. Tu connais un repos total, tu es, à chaque instant, épargné, protégé. Tu vis dans une bienheureuse parenthèse, dans un vide plein de promesses et dont tu n'attends rien. Tu es invisible, limpide, transparent. Tu n'existes plus: suite des heures, suite des jours, le passage des saisons, l'écoulement du temps, tu survis, sans gaieté et sans tristesse, sans avenir et sans passé, comme ça, simplement, évidemment, comme une goutte d'eau qui perle au robinet d'un poste d'eau sur un palier, comme six chaussettes trempées dans une bassine de matière plastique rose, comme une mouche ou comme une huître, comme une vache, comme un escargot, comme un enfant ou comme un vieilliard, comme un rat.

George Perec
, Un homme qui dort (1967)

Deuxième extrait du roman de Pérec, c'est le passage clef, dans lequel l'expérience de l'indifférence absolue arrive à son paroxysme, et s'apprête à révéler ces effets nuisibles.

mardi 27 avril 2010

live and let dive

A la fin de l'année dernière, lors d'une soirée de désoeuvrement, j'ai entrepris de reconstituer, dans la mesure du possible, mon agenda concert de ces dernières années. Moins en raison d'un tropisme prononcé pour toute forme de liste, que dans le souci de les consigner et de ne rien oublier.

Il m'a fallu plus qu'une simple soirée, pour recouper mes souvenirs, le contenu d'une vieille boîte à tickets de concert, la base de données de B. de Genève, et surtout mon agenda en ligne (big up à magnetophone), mais je ne suis pas loin d'y être arrivé.

J'ai donc publié ça sur une page spéciale de ce blog, ici:
http://arise-therefore.blogspot.com/p/agenda.html
Bien sûr, elle sera mise à jour régulièrement.

Tant que j'y étais, je me suis livré au jeu idiot mais amusant des statistiques.
Quel groupe/artiste ai-je le plus vu sur scène??

Je commence par QUATRE occurences
Why?, Placebo, Nick Cave, Interpol, Sixteen Horsepower / Woven Hand, Okkervil River (+1 session), !!! (+1 session), Troy Von Balthazar / Chokebore (+2 sessions)

__________CINQ__
Mendelson, Cat Power, Matt Elliott / Third eye Foundation (+1 session), Adam Green (+1 session), Dominique A (+ 2 sessions)

__________SIX__
Hood / Bracken / Declining Winter (4+1+1),
Dose One / Themselves / Subtle / 13&God (1+2+2+1),
Angil / Jerri / John Venture (4+1+1;+1 session),
Arab Strap / Malcolm Middleton / Aidan Moffat (3+2+1;+2 sessions)

__________HUIT__
RIEN / Câlin (6+2)
Herman Düne / Stanley Brinks (+2 sessions)
J'en ai oublié, pour HD, c'est sûr...

__________NEUF__
Notwist / Lali Puna / Ms. John Soda / 13&God (4+2+2+1)

Dans quelle salle ai-je vu le plus de concerts?

Cigale (17), Mains d'Oeuvre (20), Café de la Danse (23), Flèche d'Or (24), Point Ephémère (24), Nouveau Casino (26), La Maroquinerie 1 (35)

Pour la Maroquinerie, je m'en doutais (d'autant que c'est dans cette salle que les concerts sont généralement les plus réussis).
Le reste est assez équilibré... Je ne me rappelais tout de même pas être allé autant de fois à la Cigale.

Quant au Nouveau Casino, ca me surprend, car je n'y vais quasi plus.

Bon, sauf ce soir, OK, c'était pour Crystal Castles.

Un concert bien énergique (avec, il faut bien le dire, beaucoup de sons pré-enregistrés), porté par la prestation de la chanteuse, Alice Glass.
Tantôt bondissante, tantôt pantin désarticulé semblant dans un état second, elle incarne un peu la femme qu'il faut protéger d'elle-même et de ses excès.
A peine récupérée avec difficullté des bras du public par la sécurité, qu'elle s'y rejetait aussitôt.

Allez, une photo, pas de moi, hein, ni même de ce concert.



Alice Glass, c'est un peu Lily Allen meets Blade Runner.

dimanche 25 avril 2010

You wanted a hit

L'émission de Samedi est en ligne.

Vous y entendrez entre autres choses, pas mal de sorties attendues, genre LCD Soundsystem, Black Keys, Caribou, Crystal Castles, Foals ou encore CocoRosie...

(on se croirait dans une compile Inrocks ^_^
)


Bonne écoute!

jeudi 22 avril 2010

Children of the Beast

Deux albums parus ces jours-ci, et reprenant dans des tons similaires le visuel classique
de la photo de déguisement...
(Pas moyen de trouver un tumblr sur le sujet, alors que ça existe forcément!)


Fang Islands, s/t (Sargent House, 2010)
the Get Up Kids, Simple Science (Vagrant, 2010)

Allez, et puisqu'Arise Therefore aime (un peu) les enfants,
deux chouettes photos vintage sur ce thème, pour accompagner ce vendredi!




[Edit: J'ajoute après coup la pochette du prochain album de Wolf Parade, rendue publique il y a quelques temps]



Wolf Parade, Expo 86 (Sub Pop, 2010)
Active Child, Curtis Lane (Beggars Banquet, 2010)
Magic Kids, Memphis (Merok, 2010)

Voir aussi les photos de Christophe Beauregard ici.

[Edit: a posteriori, j'ajoute M83 à cette sélection]

mercredi 21 avril 2010

Le sentiment de ton existence se met à te faire défaut

En février dernier, Arnaud Fleurent-Didier se voyait confié, par Trois Couleurs, la programmation de cinq soirées cinéma au MK2 Quai-de-Seine. Chacune d'elle était précédée d'un mini-concert (avec un ou plusieurs invités).
Si j'ai choisi celle du 15 février, c'est parce que je comptais bien y voir Katerine (finalement retenu).
En réalité, le bénéfice de cette soirée aura vraiment été le film projeté ce soir-là, plus que les deux trois morceaux d'AFD, dont "France Culture" chantée en espagnol par un pote à lui, c'est malin.

Le film, c'était "Un homme qui dort" de Perec. A mesure qu'il avançait, je me suis rendu compte qu'ilm était tiré de ce livre entamé quelques années plus tôt, que je n'avais jamais terminé, rebuté par un style trop monocorde.

Or c'est là un texte marquant, dans lequel le personnage central passe lentement et de manière imperceptible d'un état pyschologique à un autre, en se détachant de plus en plus du monde extérieur qui l'entoure, jusqu'à atteindre une indifférence absolue.
D'abord synonyme de plénitude, elle s'avèrera vite destructrice.


Le film met en image le texte de Perec, lu par Ludmila Mikaël. La progression du personnage est donc soulignée par les variations d'intonations de la narratrice, tandis que la lecture du livre nécessite une attention particulière, ou peut-être simplement la clef que je viens de donner.

Extrait n°1:

Quelque chose se cassait, quelque chose s'est cassé. Tu ne te sens plus - comment dire? - soutenu: quelque chose qui, te semblait-il, te semble-t-il, t'a jusqu'alors réconforté, t'a tenu chaud au coeur, le sentiment de ton existence, de ton importance presque, l'impression d'adhérer, de baigner dans le monde, se met à te faire défaut.
Tu n'es pourtant pas de ceux qui passent leurs heures de veille à se demander s'ils existent, et pouquoi, d'où ils viennent, ce qu'ils sont, où ils vont. Tu ne t'es jamais sérieusement interrogé sur la priorité de l'oeuf ou de la poule. Les inquiétudes métaphysiques n'ont pas notablement buriné les traits de ton noble visage. Mais, rien ne reste de cette trajectoire en flèche, de ce mouvement en avant où tu as été, de tout temps, invité à reconnaître ta vie, c'est-à-dire son sens, sa vérité, sa tension : un passé riche d'expériences fécondes, de leçons bien retenues, de radieux souvenirs d'enfance, d'éclatants bonheurs champêtres, de vivifiants vents du large, un présent dense, compact, ramassé comme un ressort, un avenir généreux, verdoyant, aéré. Ton passé, ton présent, ton avenir se confondent: ce sont la seule lourdeur de tes membres, ta migraine insidieuse, ta lassitude, la chaleur, l'amertume et la tiédeur du Nescafé.

George Perec, Un homme qui dort (1967)

mardi 20 avril 2010

the keep on keeping on

Godspeed strikes back!
(pas tout de suite, mais prochainement)

Peut-être avez-vous déjà eu l'information (qui date de la semaine dernière)... Voici en tout cas l'annonce telle qu'elle a été publiée sur le site du collectif.
(Cliquez pour agrandir)


lundi 19 avril 2010

De l'indélicatesse d'une éruption volcanique

Journée tranquille aujourd'hui, au "métier". Rendez-vous annulé, les Suédois que je devais recevoir ont reporté leur déplacement.
Motif : éruption volcanique intempestive.


J'aime assez l'idée qu'une simple réunion puisse être annulée par un motif aussi fondamental, aussi constitutif de notre Planète, que cette conséquence de la tectonique des plaques. C'est évidemment moins drôle pour ceux qui n'ont pas pu partir en vacances ou week-end.
Car bien sûr, c'est un événement global.
Etrange d'ailleurs, que personne n'ait songé à rendre les éruptions illégales. Quel manque à gagner pour les compagnies aériennes ! Tout celà du fait d'un pays, en plus!


C'est dans ces moments que les petites lignes des contrats d'assurance prennent leur importance. Les billets d'avions seront-ils remboursés, telle annulation sera-t-elle prise en charge? Et ces concerts qui n'auront pas lieu, alors ! (Comme the Cribs ou Frightened Rabbits à Coachella, par exemple)

Evidemment, c'est là que ca devient moins drôle : exit Basia Bulat, ce mercredi au Café de la Danse, exit Holly Miranda Samedi au point FMR. Et dire que je devais la rencontrer. Session annulée, donc, sur Radio Campus Paris.
Motif : éruption volcanique intempestive.

Avec un peu de malchance, la situation pourrait perdurer ! On anticiperait donc la situation de pénurie de Kérozène. On devrait se contenter d'écouter les groupes nord-américains sur leurs sorties digitales. On ne pourrait applaudir que la scène locale. On ne verrait plus Florent Pagny (puisqu'en Patagonie). Peut-être qu'on finirait par aimer les concerts de Cali (qui, pour le coup, prendrait le train)?

Motif : éruption volcanique intempestive.
Il fallait au moins ça.



dimanche 18 avril 2010

No one is ever really powerless

Nous sommes en 2010, et13 ans après la sortie de "Whiplash" qui témoignait déjà d'un certain essoufflement, je continue d'écouter chacun des nouveaux disques de James, un de mes anciens groupes préférés.
Je ne m'attends pas à apprécier l'album, mais, j'espère toujours y trouver une ou deux chansons à sauver, voire un morceau extraordinaire, parce que quand même, c'est Tim Booth.
Rien de tout celà dans The Night Before.

Tant pis.
J'écoutais ça tout à l'heure dans un parc baigné dans la lumière dorée du soleil déclinant, cette lumière qui rend les gens beaux.

Celle qu'on voit par exemple sur la pochette des Strange Boys, dont la session est d'ailleurs diffusée sur Radio Campus Paris au moment où j'écris ces lignes.



Celle qui teinte pas mal d'images (photoshopées, certes) de sites de partages de photos...




(une bière au lecteur ou à la lectrice qui m'oriente vers le tutoriel adéquat)

Celle qu'on retrouve dans la dernière vidéo des Flaming Lips, powerless.
Oui, car c'est là que je voulais en venir!

Parce que les Flaming Lips, en 2010, c'est tout de même autre chose que James. Je ne sais pas si tout le monde a pris la mesure de leur album paru l'an passé, mais plus ça va, plus je pense qu'il "restera". Avec le recul, il pourrait bien intégrer dare-dare mon top30 2010, édité à la sortie de la décennie.
Ce morceau et ce clip en témoignent.


Honey, you're just paranoid
You should do what you enjoy
No one is ever really powerless
That's what she said and she gave me a kiss
No one is ever really powerless
Now I think I know what that really is

It only happens if you try
Pain and pleasure both get you high
No one is ever really powerless
That's what she said, now I can't forget
No one is ever really powerless
Now I think I know what that really is

Flaming Lips, Powerless
Embryonic (Warner Bros, 2009)

James, Night so long (Mercury, 2010)

samedi 17 avril 2010

L'être et le Guéant

Comme vous l'avez peut-être suivi, certains articles de presse intègreront désormais les colonnes de ce blog. Bien sûr, il ne s'agira pas de longues interviews ou analyses, mais de courts extraits, écrits avec un angle intéressant (voire caustique).
Le Canard Enchaîné est évidemment tout indiqué.

Après l'Arithmétique électorale, l'actualité métaphysique.

A propos des rumeurs conjugalo-élyséennes, Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, a déclaré: "La vérité d'hier n'est pas celle d'aujourd'hui". Une phrase étonnante... Mais est-elle absurde?

Bien avant le déficit de la Grèce, le grand sophiste Protogras avait déclaré: "L'homme est la mesure de toute chose." Bien avant l'Union européenne, Blaise Pascal constatait: "Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà." Regardons l'histoire des sciences. La vérité géocentrique ("La Terre est au centre de l'Univers") ne vaut plus un clou aujourd'hui. Même Claude allègre sait que la vérité physique d'aujourd'hui n'est pas la vérité d'hier.

Donc Guéant n'a pas tort. Ce qui cloche, c'est qu'il est trop pressé. A cause de son patron, il ne donne pas de temps au temps. La vérité du Polonais Copernic a mis quatorze siècles à détrôner la vérité de Claudius Ptolémée, latino-greco-égyptien (comme Dalida). Mais avec Guéant, la vérité du lundi n'est pas celle du mardi, qui ne présage rien de bon pour celle du mercredi. Peut-être même la vérité sarkozyenne n'est-elle pas la même entre la fin de la matinée et le début de l'après-midi. Mais dire que la vérité définitive n'existe pas, est-ce dire une vérité absolue?

Pour Guéant, la vérité ne vaut guère mieux qu'une rumeur. Ni absolutiste, ni relativiste, c'est un grand rumoriste.


Frédéric Pagès,
dans Le Canard Enchaîné du 14 avril 2010

jeudi 15 avril 2010

We are Blood

Alors, non, Arise Therefore n'est pas que nourriture intellectuelle, les corps aussi s'y expriment, il y a de le sueur et du sang, comme sur les pochettes de ces disques tout récemment reçus à la radio...



et comme dans ce clip de Health
(attention, ça éclabousse)



V/A, Grab Bag (debonton, 2010)
Thomas White, the Maximalist (Cooking Vinyl, 2010)
Health, We are Water (CitySlang, 2009)

mercredi 14 avril 2010

Under the Bushes, Under the Stars

Top Tape Vol.15 (S2) est dans la boîte.
Et la boîte est , sur le site de Radio Campus Paris.

Une émission 100% pure indie-rock, avec Guided by Voices, Tokyo Police Club, Black Francis, une reprise de Cure par les Hot Rats (ex-Supergrass) et des tas de groupes à découvrir, puisque c'est quand même le but premier de l'émission (mais il faut bien lâcher des noms connus, c'est ainsi, bref) Aloha, Grooms, Future Islands...

(re)Play it loud!
sachant que le summum, c'est cette chanson de Titus Andronicus qui tue.

Il y a des albums des Strange Boys à gagner, avec qui d'ailleurs j'ai enregistré tant bien que mal en session ce mardi, durant ma pause déj'.

Sinon, juste avant l'émission, Samedi, je recevais Emmanuelle de Hericourt (aka EDH, déjà venue précédemment en compagnie d'Hypo), cette fois pour elle-même, parce que j'aime décidément bien son album, et qu'elle est sympa.


mardi 13 avril 2010

Zone de Montagne (4)

C'était le 25 mars dernier, je publiais, dans le cadre de la rubrique Crossed Covers, une floppée de pochettes d'album sur le thème de la Montagne. Un après, en voici de nouvelles, puisque ce large thème est inépuisable.




J'en viens maintenant à la pochette de l'album "Black Noise", au sujet de laquelle j'avais contacté Hendrik Weber, aka Pantha du Prince, afin d'en savoir plus à son sujet.
(les crédits figurant dans le livret n'étant pas très explicites)


Elle représente la chapelle St Bartholomée, située au bord du KönigSee. C'est un sujet bien connu, rattaché au Romantisme allemand, et d'ailleurs récupéré plus tard pour promouvoir le nationalisme.
Pour ceux que ca intéresse (et qui parlent allemand), je reproduis dans les commentaires de cet article la totalité du propos, parce qu'il témoigne d'un choix réfléchi, allant bien au-delà de la simple considération esthétique que j'avais imaginée...

On termine cette fois, non pas en citant Cézanne, mais l'école dauphinoise (à voir au musée de Grenoble)





Loma Prieta, Dark Mountain 12" (Slave Union, 2009)
the Go Find, Everyobody knows it's gonna happen, only not tonite (Morr Music, 2010)
the Slow Life, be not afraid (Trace, 2008)
Mt Eerie, Eleven old songs by Mt Eerie
(P.W. Elverum & Sun, 2005)
School of Seven Bells, Alpinisms (Ghostly, 2008)
Shalabi Effect, pink abyss (Alien8, 2004)
Tindersticks, Falling Down a Mountain (4AD, 2010)
Lost In Hildurness, Mount A (12 Tónar, 2006)
Pantha du Prince, Black Noise (Rough Trade, 2010)
Charles Bertier, Vallée Vénéon au plan du Lac (1894)
Matt Pond PA, the dark leaves (Altitude, 1894)

jeudi 8 avril 2010

Même la chartreuse était authentique

Petite journée tranquillou hier, dans le XVème, chez un client pas très pressé qui m'a octroyé une pause déjeuner de 2h30.
Le temps donc, de continuer d'explorer cet arrondissement loin de tout, d'aller voir la Statue de la Liberté, et surtout de déjeuner au Café du Commerce (le vrai, celui de l'expression).

Quel meilleur endroit pour finir mon livre de Raymond Queneau que ce restaurant, non, franchement, on est pile dans le Paris de Queneau (non loin, d'ailleurs, de la Source).

Extrait gastronomique (pour un restaurant d'un autre "standigne", tout de même) :

Cidrolin s'attendait à ce qu'on lui proposât une table dans un courant d'air ou près d'une desserte. Il n'en fut rien. C'était une belle et bonne table bien large déjà toute chargée de vaisselle et de couverts. Cidrolin en fut impressionné. En tendant la carte d'une superficie d'environ seize cents centimètre carrés, le maître d'hôtel lui demanda s'il désirait prendre un apéritif. Cidrolin opta pour l'essence de fenouil. [...]

Puis il regarda d'un air autoritaire le nom des différents plats. [...] Lorsque Cidrolin eut décidé de commencer par du caviar frais gros grain, la conversation devint des plus amicales. Elle devint franchement cordiale lorsqu'il envisagea d'affronter ensuite un coulibiac de saumon que suivrait un faisan rôti qu'accompagneraient des truffes du Périgord. A la réflexion, Cidrolin, qui était friand de vol-au-vent financière, estima qu'il pourrait en insérer un entre le coulibiac et le faisan. Après le fromage, il prendrait un soufflé aux douze liqueurs.

Le sommelier apportait l'essence de fenouil [...] ; il repartit avec la mission de ramener un carafon de vodka russe, une bouteille de chablis 1925 et une bouteille de château d'arcins 1955.

- [...] Voilà votre caviar gros grain extra-standigne arrivé cet après-midi même par avion supersonique; avec une vodka bien glacée, vous allez vous régaler.

Cidrolin effectivement se régala.

Comme le restaurant était à peu près désert, le maître d'hôtel de temps à autre revenait voir si tout allait bien. Le coulibiac fut apprécié et le vol-au-vent financière dévoré. En attendant la suite, Cidrolin fit un peu la conversation.[...]

L'arrivée d'un couple de clients imprévus débarrassa Cidrolin de la présence du farceur. Il put achever en paix son gibier et ses ascomycètes, se taper dans le calme quelques tranches de fromages variés, déguster dans la sécurité le soufflé aux douzes liqueurs et s'envoyer en toute quiétude derrière la cravate un verre de chartreuse verte. Il demanda l'addition qu'il paya. Il laissa quelques francs supplémentaires pour ne pas décevoir le maître d'hôtel qui le salua bien bas. Et lorsqu'il fut dans la rue, alors il s'émerveilla.
- Ce n'est pas croyable, dit-il à mi-voix, tout était au poil.
- Pardon? demanda le passant.
Comme il faisait nuit noire, Cidrolin ne put le reconnaître.
- Rien, répondit-il. Je me parlais à moi-même. Une habitude que...
- Je sais, je sais, dit le passant un peu agacé. Je vous ai déjà conseillé d'essayer de la perdre, cette habitude.
- Ce n'est pas tous les jours fête.
- C'est fête pour vous, aujourd'hui? En quel honneur?
- J'ai bien dîné.
- Et alors?
- Cela ne m'était pas arrivé depuis bien longtemps. Ou bien c'était franchement mauvais, ou bien il y avait toujours quelque chose de raté. Là, c'était parfait. Au fur et à mesure que le repas avançait, j'étais pris d'angoisse. Je me disais: Ce n'est pas possible, ça ne peut pas durer comme ça, il y a quelque chose qui va louper. Mais non. Le faisan, succulent. Les fromages, de première bourre. Les truffes, entières et bien brossées. Alors j'ai pensé : Ca va être le soufflé - un soufflé aux douze liqueurs, monsieur, - ça va être le soufflé qui va être manqué. Pas du tout: gonflé comme une montgolfière, onctueux, savoureux. Rien à redire. Même la chartreuse était authentique.

Les Fleurs Bleues, Raymond Queneau (1978)

mardi 6 avril 2010

We're all mad here

Beaucoup de dessins/gravures, tiens, récemment sur Arise Therefore. Celle-ci représente le chat du Cheshire, d'Alice au Pays des Merveilles. Sans lui, bien sûr, pas de Monsieur Chat, pour qui d'ailleurs j'ai beaucoup d'affection.



Voici un court extrait du roman de Lewis Carroll (ces jours-ci au cinéma, vous aurez noté), il s'agit de la première rencontre du matou avec Alice.

Je ne suis pas un grand amateur de cet univers, mais
j'admire la manière dont l'auteur a conçu et restitué ce long rêve, avec ce subtile dosage de réalisme et d'extrapolations, d'"à propos" et de "coq à l'âne", de cohérence et d'incohérence, qui rend le tout plausible.

The Cat only grinned when it saw Alice. It looked good-natured, she thought: still it had very long claws and a great many teeth, so she felt that it ought to be treated with respect.

Cheshire Puss, she began, rather timidly, as she did not at all know whether it would like the name: however, it only grinned a little wider. Come, it's pleased so far, thought Alice, and she went on. Would you tell me, please, which way I ought to go from here?

- That depends a good deal on where you want to get to, said the Cat.

- I don't much care where, said Alice.

- Then it doesn't matter which way you go, said the Cat.

- So long as I get somewhere, Alice added as an explanation.

- Oh, you're sure to do that, said the Cat, if you only walk long enough.

Alice felt that this could not be denied, so she tried another question.
- What sort of people live about here?

- In that direction, the Cat said, waving its right paw round, lives a Hatter: and in that direction, waving the other paw, lives a March Hare. Visit either you like: they're both mad.

- But I don't want to go among mad people, Alice remarked.

- Oh, you can't help that, said the Cat: we're all mad here. I'm mad. You're mad.

- How do you know I'm mad? said Alice.

- You must be, said the Cat, or you wouldn't have come here.

Alice didn't think that proved it at all; however, she went on : And how do you know that you're mad?

- To begin with, said the Cat, a dog's not mad. You grant that?

- I suppose so, said Alice.

- Well, then, the Cat went on, you see, a dog growls when it's angry, and wags its tail when it's pleased. Now I growl when I'm pleased, and wag my tail when I'm angry. Therefore I'm mad.

- I call it purring, not growling, said Alice.

- Call it what you like, said the Cat. Do you play croquet with the Queen today?

- I should like it very much, said Alice, but I haven't been invited yet.

- You'll see me there, said the Cat, and vanished.

Alice was not much surprised at this, she was getting so used to queer things happening.



Alice's Adventures in Wonderland, Lewis Carroll (1865)
Alice in Wonderland, Tim burton (2010)

jeudi 1 avril 2010

Je t'enverrai l'aube par ricochet

Je t'enverrai l'aube par ricochet
Nous mangerons des clémathytes
Des silences noieront la journée

Tu seras parée d'accalmie
La lumière voilera tes yeux
Et des rafales fendront nos rêves

Je t'enverrai l'aube par ricochet
Nous récolterons des fléaux
La paille brûlera sous nos pieds
Nous rapporterons des pépites

D'un coup le soir s'écartera
Des algues encerclerons nos murs

L'aurore, le paon-du-jour, le flambé, le souci,
Le satyre, la lunaire, le nacré de la ronce

Je t'enverrai l'aube par ricochet
Nous subirons de lourdes pertes
Des pierres glisseront sur les toits
Tu brandiras des floraisons
Tes éclats crierons nos murmures
Et tu diras encore ton nom

A l'endroit où le sol aride est calciné,
Où des nymphes en essaim de fumée s'évanouissent,
Sur le flan du velours de l'aurore irisée,
Je rappelle à la peau mon amour chyroptère

Chaque seconde est un commmencement
Je sens mon corps se déchirer
Eclater dans ses certitudes
J'invoque le sceau des héloises
Le génie de l'antre de l'ombre
Mes doigts velus se racornissent
Mon tronc cotoneux se resserre
Mes fibres pétaradent
Mon coeur bat la chamade
Quand j'apercois au loin ma beauté mécanique
Dans une courbe lente
Ma fleur oracle arrive en cercles concentriques

Je repense à Se Repulen
Et j'ajuste d'un geste les plis de ma voile
J'arrache mes esquilles et soigne mes contours
Et je rejoins l'azur qui nous ouvre sa toile
Aux paillettes céruléennes
J'étreins mon oréade
Et filtre la lumière
Et nous allons des clefs
de la voûte aurifère
pilonner la garde du rêve
gêner la forêt des étoiles

Je t'enverrai l'aube par ricochet
Nous mangerons des clémathytes
Des silences noieront la journée

Tu seras parée d'accalmie
La lumière voilera tes yeux
Et des rafales fendront nos rêves



Un texte de Jull sur un morceau de Rien.
Rien, c'est ce groupe grenoblois, que je commence à avoir vu un paquet de fois sur scène avec un plaisir croissant. La prochaine fois, ce sera le 30 avril à l'élysée montmartre (!) (avec nlf3 et 65days of static). Ca va être grand.
Leur prochain EP sort le 10 avril. Il est en écoute ici tout comme leurs précédents albums, téléchargeables à prix libre.

RIEN - Se Repulen
Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir
(amicale underground, 2007)
http://rien.bandcamp.com



Goya, Se Repulen (1799)