dimanche 27 février 2011

I'm thirty two and fading fast

Ca faisait une éternité que je n'avais pas écouté Piano Magic.
La rédaction d'un article "Crossed Covers" à paraître prochainement m'en a donné l'occasion, via l'album Artists'Rifles.

My password is a dead aunt's name,
a monument, a testament,
My password is a dead aunt's name,
a cenatoph, a shallow grave

I'm thirty one and fading fast
Forget the past, repeat the past
I'm thirty two and fading fast
I started last and I finished last

Piano Magic, Password
Artists' Rifles (rocket girl, 2000)

samedi 26 février 2011

L’amour est à réinventer



Jim: Je pense comme toi qu'en amour le couple n'est pas l'idéal. Il suffit de regarder autour de nous. Tu as voulu construire quelque chose de mieux en refusant l'hypocrisie et la résignation. Tu as voulu inventer l'amour. Mais les pionniers doivent être humbles et sans égoïsme. Non, il faut regarder les choses en face, Catherine: Nous avons échoué, nous avons tout raté.



Jules et Jim, François Truffaut (1962)

jeudi 24 février 2011

Humaine, donc faillible

Avec l'accumulation de faits divers, il n'est pas rare qu'on entende çà ou là une remise en cause de l'abolition de la peine de mort.

Il est alors toujours bon de ré-affirmer ce que Robert Badinter défendait le 17 septembre 1981 devant l'assemblée :

Il s'agit bien, en définitive, dans l'abolition, d'un choix fondamental, d'une certaine conception de l'homme et de la justice. Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction : qu'il existe des hommes totalement coupables, c'est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu'il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir.

A cet âge de ma vie, l'une et l'autre affirmations me paraissent également erronées. Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n'est point d'hommes en cette terre dont la culpabilité soit totale et dont il faille pour toujours désespérer totalement. Aussi prudente que soit la justice, aussi mesurés et angoissés que soient les femmes et les hommes qui jugent, la justice demeure humaine, donc faillible.

Et je ne parle pas seulement de l'erreur judiciaire absolue, quand, après une exécution, il se révèle, comme cela peut encore arriver, que le condamné à mort était innocent et qu 'une société entière — c 'est-à-dire nous tous — au nom de laquelle le verdict a été rendu, devient ainsi collectivement coupable puisque sa justice rend possible l'injustice suprême. Je parle aussi de l'incertitude et de la contradiction des décisions rendues qui font que les mêmes accusés, condamnés à mort une première fois, dont la condamnation est cassée pour vice de forme, sont de nouveau jugés et, bien qu'il s'agisse des mêmes faits, échappent, cette fois-ci, à la mort, comme si, en justice, la vie d'un homme se jouait au hasard d'une erreur de plume d'un greffier. 0u bien tels condamnés, pour des crimes moindres, seront exécutés, alors que d'autres, plus coupables, sauveront leur tête à la faveur de la passion de l'audience, du climat ou de l'emportement de tel ou tel.

Cette sorte de loterie judiciaire, quelle que soit la peine qu'on éprouve à prononcer ce mot quand il y va de la vie d'une femme ou d'un homme, est intolérable. [...] Parce qu'aucun homme n'est totalement responsable, parce qu'aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable . Pour ceux d'entre nous qui croient en Dieu, lui seul a le pouvoir de choisir l'heure de notre mort . Pour tous les abolitionnistes, il est impossible de reconnaître à la justice des hommes ce pouvoir de mort parce qu'ils savent qu'elle est faillible.

Le choix qui s'offre à vos consciences est donc clair : ou notre société refuse une justice qui tue et accepte d'assumer, au nom de ses valeurs fondamentales - celles qui l'ont faite grande et respectée entre toutes — la vie de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c'est le choix de l'abolition ; ou cette société croit, en dépit de l'expérience des siècles, faire disparaitre le crime avec le criminel, et c'est l'élimination.

Cette justice d'élimination, cette justice d'angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu'elle est pour nous l'anti-justice, parce qu'elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l'humanité.

J'en ai fini avec l'essentiel, avec l'esprit et l'inspiration de cette grande loi. [...] Parce que l'abolition est un choix moral, il faut se prononcer en toute clarté . Le Gouvernement vous demande donc de voter l'abolition de la peine de mort sans l'assortir d'aucune restriction ni d'aucune réserve.

L'une des idées qui revient souvent, en effet, est de n'appliquer la peine de mort que lorsqu'il s'agit, par exemple, de crimes perpétrés sur des enfants.
A cela, le Garde des Sceaux répond:

Quant aux propositions d'exclusion de l'abolition au regard de la qualité des victimes, notamment au regard de leur faiblesse particulière ou des risques plus grands qu'elles encourent, le Gouvernement vous demandera également de les refuser, en dépit de la générosité qui les inspire.
Ces exclusions méconnaissent une évidence : toutes, je dis bien toutes, les victimes sont pitoyables et toutes appellent la même compassion. Sans doute, en chacun de nous, la mort de l'enfant ou du vieillard suscite plus aisément l'emotion que la mort d'une femme de trente ans ou d'un homme mûr chargé de responsabilités, mais, dans la réalité humaine, elle n'en est pas moins douloureuse, et toute discrimination à cet égard serait porteuse d'injustice!

Une fois qu'on a répondu celà, on entend alors immanquablement : "Diriez-vous la même chose si vos enfants étaient concernés?". C'est évidemment une absurdité, puisqu'on attend de la justice qu'elle soit régie par la raison, plutôt que par la passion. La raison d'être de la Justice est d'ailleurs précisément d'éviter qu'elle soit rendue par les victimes.

Le compte-rendu intégral de la séance est disponible ici:

mardi 22 février 2011

Random Rules

Dimanche soir, 19h05, après une journée (sur laquelle je reviendrai) passée à Radio Campus Paris, le TGV Paris-Brest quitte la gare Montparnasse.

Avant de profiter pleinement de ces 4h40 de train, il aura tout de même fallu que je m'extirpe du petit compartiment en bout de train que m'avait assigné la SNCF: mon vis-à-vis, un ado les yeux rivés sur "Y-a-t-il un pilote dans l'avion?", ressortant une à une les frites de son sac Quick, après en avoir soigneusement enrobé l'extrémité d'un mélange ketchup-mayo. Mon voisin de droite, un type disons assez volumineux, qui, de fait, avait tendance à "déborder". Dans le carré d'en face, un couple et leur jeune enfant. De mon siège, je ne voyais que la mère, en plein concours d'expressions faciales (en mode repeat).

Ne réussissant pas à me concentrer totalement sur l'activité de sur-lignage consciencieux entrepris par la jeune femme complétant notre "carré" sur sa brochure intitulée "Guide du militant - SOS Racisme", je décidais de prendre mes cliques ainsi que mes claques, et d'aller voir ailleurs.

Je remarque à nouveau que dans un train faisant route pour la Bretagne, la probabilité de croiser des ados à dreads, des bâtons de pluie ou des militaires augmente sensiblement.

Je finis par trouver un peu plus loin l'emplacement idéal pour entamer "à la recherche du temps perdu", achever le visionnage de "Jules et Jim", et écouter (enfin) l'album de PJ Harvey, conclusion idéale pour un weekend musical qui aura débuté de belle manière :

Vendredi soir, concert de Suuns et La Sera. Si la prestation de Suuns était bien meilleure, visuellement, celle de La Sera était plus "intéressant" (merci Katy).

N'empêche, ca y est, j'ai tout compris aux Vivian Girls et à ses side projects. Les Vivian Girls, c'est à la base trois nanas. La première batteuse est partie assez tôt jouer dans Best Coast. Elle a aujourd'hui été remplacée. A ma droite, à la basse, Katy Goodman, très mimi, donc.



Son groupe à elle, c'est donc La Sera, ambiance pop californienne (bof). J'en déduis que c'est elle qui apporte la douceur musicalité aux compositions des Vivian Girls, qui lorgnent dans le même temps vers le rock garage (le groupe est tout de même signé sur le label In the Red). C'est clairement cet aspect que j'aime le plus, à coup sûr porté par Cassie Ramone (à ma gauche, à la guitare).



Pour les avoir vues sur scène en aôut, le contraste était assez saisissant, entre Katy, avenante, souriante et volubile, au côté de Cassie, habillée no-look, en retrait derrière sa chevelure blonde.
Cassie est donc celle qui joue par ailleurs dans the Babies (ça s'entend)... et qui publiera prochainement un album solo.

J'espère que les choses sont plus claires ainsi !


Je termine cet article confus en mentionnant Dean&Britta que j'ai eu la chance de recevoir en session et interview ce dimanche. Dean Wareham, ex-Galaxie 500, ex-Luna, un type qui a la classe, je trouve. Très intéressant, très accessible, aussi.



Session à suivre bientôt sur Radio Campus Paris (feat. une reprise de Silver Jews). De mon côté, j'ajoute de ce pas le livre de Dean Wareham à ma wishlist amazon :



Dean & Britta se produiront le 19 avril à la Cité de la Musique
"13 Most Beautiful... Songs for Andy Warhol's Screen Tests"
(tout est dans le titre)

Bande Annonce:

lundi 21 février 2011

Le bonheur se raconte mal

Je poursuis sur la lancée Jules et Jim.
D'une part pour rapidement remplacer en page d'accueil l'article "le tourbillon de la vie", de peur d'avoir irrémédiablement cette chanson dans la tête (en réalité, je ne l'aime pas du tout. C'était le plan et le cadrage qui m'intéressaient d'avantage).

D'autre part, pour faire plaisir à Fabienne Tabard (dont j'attends de voir la prestation dans "Baisers Volés" pour saisir la portée de son commentaire ;-).

Instant narratif :



Ils firent tous les quatre une ballade à pied autour d'un lac caché dans la brume au fond d'un vallon, humide et gras. L'harmonie entre eux était complète. Catherine eut une courte migraine. Jim, après de grandes fatigues, en avait de pires.
Ils pensaient: "Si nous avions des enfants ensemble, ils seraient grands, minces et ils auraient des migraines".
Ils descendirent sur le bord du lac et jouèrent avec des cailloux blancs. Catherine leurs en fit lancer jusqu'à épuisement. Elle et Jule apprirent à faire des richochets. Le ciel était tout prêt.



Jules et Jim, François Truffaut (1962)

le tourbillon de la vie



Quand on s'est connus,
Quand on s'est reconnus,
Pourquoi se perdre de vue,
Se reperdre de vue ?

Quand on s'est retrouvés,
Quand on s'est réchauffés,
Pourquoi se séparer ?

Alors tous deux on est repartis
Dans le tourbillon de la vie
On a continué à tourner
Tous les deux enlacés.

Jules et Jim, François Truffaut (1962)

samedi 19 février 2011

El consumo te consume

La vidéo du WeekEnd. Un documentaire en fait.

Fil rouge, la réparation d'une imprimante domestique, dont le moindre revendeur informatique conseille le remplacement, plutôt que la réparation. On s'apercevra en fin de reportage, qu'en plus d'une faiblesse de conception de l'un de ses composants mécaniques, une puce limite sa durée d'utilisation en nombre d'impressions.



Puis les exemples historiques s'enchaînent. On part à Livermore, Californie. Là, dans une caserne de pompier se trouve l'ampoule la plus âgée du monde. Pensez, elle brille depuis 1901, soit 110 ans (webcam).
Ca, c'était avant qu'un cartel occulte ne s'efforce de limiter la durée de vie des ampoules à 1000h. Des ingénieurs ont dû travailler à cette fin. Même chose pour le nylon, utilisé pour les bas, au départ trop solide pour assurer une fréquence de renouvellement suffisamment élevée. Etc, Etc... jusqu'à l'ipod première génération, et sa batterie qu'on ne pouvait remplacer.



"Un produit qui ne s'use pas est une tragédie pour les affaires"

On parle ici d'obsolescence programmée, concept né dans les années 1920 (à un moment où les ressources de la planète étaient considérées comme illimitées).

Documentaire à voir dans son intégralité pendant quelques jours encore (genre jusqu'à mercredi), ici:
http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/Pret-a-jeter/3714422.html

Prêt à Jeter, Cosima Dannoritzer (2010)

jeudi 17 février 2011

Quelque part en Haute-Savoie



...plus précisémment, sur le chemin du Cirque de Sixt-Fer-à-Cheval. M'est avis que ça vaudrait le coup d'y retourner au printemps ou en été.



Une ballade située à 1h10 de Genève, où je passais le Week-End. Entre autres réjouissances, et après avoir découvert l'Usine lors d'un précédent séjour, j'ai notamment eu enfin la chance d'aller au cinéma attenant: le Spoutnik.

Outre sa programmation, le gros gros intérêt de cette salle est d'avoir prévu canapés, fauteuils, bières et tables basses sur les flancs de la salle: de quoi profiter pleinement d'une projection. Quel bonheur!



Surtout que ce Samedi soir, j'ai pu y voir "Aniki, mon frère" que je cherchais à me procurer depuis un moment.
(faites-moi d'ailleurs penser à publier l'article sur "Hana-Bi" qui stagne dans mes brouillons depuis le mois de Janvier)





Aniki, mon frère, Takeshi Kitano (2000)

mercredi 16 février 2011

what's this magical?


De manière exceptionnelle, il n'y aura pas eu d'émission dimanche dernier...

Dans l'attente de la prochaine, vous pouvez toujours patienter en ré-écoutant la précédente, où figure un fort concentré de disques trop bien parus en 2011 (feat. celebration, smith western, destroyer, ensemble). Avec aussi quand même des oldies (apartments, auteurs).




L'émission s'écoute ici :
http://www.radiocampusparis.org/rock_and_pop/toptape/top-tape-vol-8-s3-whats-this-magical/

Album cover of the Week



Aidan John Moffat, ten short songs for modern lovers
(Chemikal Underground, 2010)

lundi 14 février 2011

Ces secrets de l'abîme

Du 25 janvier au 5 février dernier se jouait à la Maison des Arts de Créteil le "Richard III" monté par la compagnie de l'unijambiste... Cette même compagnie qui avait présenté "Hamlet, Thèmes & Varisations" càd une adaptation de la pièce de Shakespeare, mise en musique par Tepr, Robert le Magnifique et My Dog is Gay, avec des comédiens, certes, mais aussi par interludes Arm, le emcee de Psykick Lyrikah.

La pièce que j'avais pu voir en 2005 était une telle réussite qu'évidemment je me suis précipité pour découvrir cette version de Richard III. Toujours avec Arm, mais cette fois, la musique est signée Olivier Mellano.



A dire vrai, je regretterai presque de n'avoir pas fait l'effort d'aller la voir en région l'an passé tant je voudrais revoir / revivre certaines scènes.

L'une d'elle est le récit par (George, duc de) Clarence, d'un cauchemar qu'il a eu lors d'un de ses nuits de captivité.

Pour re-situer: George, duc de Clarence, enfermé sur ordre de son frère le roi Edouard IV, manipulé par leur troisième frère Richard duc de Gloucester, un poil porté sur le meutre, et avide de pouvoir.

Extrait, en français, puis en anglais, comme j'avais fait la dernière fois. Ca n'est pas ici la traduction de Markowicz, mais celle du fils d'Hugo, donc c'est bien aussi. Car évidemment, avec Shakespeare, la moindre phrase est géniale.


CLARENCE: Oh! j'ai passé une nuit misérable, pleine de rêves si effrayants et de visions si horribles que, foi de chrétien, fût-ce pour acheter un monde d'heureux jours, je ne voudrais pas en traverser une pareille, tant j'ai éprouvé d'épouvantables terreurs.

BRAKENBURY: Quel était votre rêve, milord? Dites-le moi, je vous en prie.

CLARENCE: Il me semblait que j'étais échappé de la Tour et embarqué pour passer en Bourgogne, en compagnie de mon frère Gloucester. Il m'avait engagé à aller de ma cabine sur le pont: là, nous regardions du côté de l'Angleterre, et nous nous rappelions mille mauvais moments que nous avions eus durant les guerres d'York et de Lancastre. Comme nous marchions sur le plancher chancelant du tillac, il m'a semblé que Gloucester faisait un faux pas et tombait, et que, comme je cherchais à le retenir, il me poussait par-dessus le bord au milieu des vagues bouleversées de l'Océan. O Dieu! quelle douleur s'était de se noyer! Quel affreux bruit d'eau dans mes oreilles! Quels spectacles hideux de mort devant mes yeux! Il me semblait voir mille effrayante épaves: des milliers d'hommes que rongeaient les poissons; des lingots d'or, de grandes ancres, des monceaux de perles, des pierres inestimables, des joyaux sans prix, épars au fond de la mer. Il y en avait dans des têtes de morts, et, dans des pierreries étincelantes qui de leurs regards dérisoires couvaient le fond boueux de l'abîme et narguaient les ossessements dispersés près d'elles.

BRAKENBURY: Aviez-vous donc, au moment de la mort, le loisir de contempler ces secrets de l'abîme?

CLARENCE: Il me semblait l'avoir. Maintes fois je tâchais de rendre l'esprit; mais toujours le flot jaloux refoulait mon âme, l'empêchait de gagner l'espace vide et libre de l'air, et l'étouffait dans ma poitrine pantelante qui crevait presque pour la cracher.

BRAKENBURY: Et vous de nous êtes pas réveillé dans cette cruelle agonie?

CLARENCE: Non! non! Mon rêve se prolongeait au-delà de la vie. Oh! alors la tempête commençait pour mon âme! Je croyais franchir le fleuve mélancolique avec le sinistre batelier dont parlent les poètes, et entrer dans le royaume de l'éternelle nuit. [...] Aussitôt, il m'a semblé qu'une légion d'affreux démons m'environnait, en me hurlant aux oreilles des cris tellement hideux, qu'au bruit je me suis réveillé tout en tremblant, et, pendant quelques temps je n'ai pu m'empêcher de croire que j'étais en enfer tant mon rêve m'avait fait une impression terrible!

BRAKENBURY: Il n'est pas étonnant, milord, qu'il vous ait épouvanté: je suis effrayé moi-même, il me semble, de vous l'entendre raconter.

En anglais, et décasyllabe dans le texte:

CLARENCE
O, I have pass'd a miserable night,
So full of ugly sights, of ghastly dreams,
That, as I am a Christian faithful man,
I would not spend another such a night,
Though 'twere to buy a world of happy days,
So full of dismal terror was the time!

BRAKENBURY
What was your dream? I long to hear you tell it.

CLARENCE
Methoughts that I had broken from the Tower,
And was embark'd to cross to Burgundy;
And, in my company, my brother Gloucester;
Who from my cabin tempted me to walk
Upon the hatches: thence we looked toward England,
And cited up a thousand fearful times,
During the wars of York and Lancaster
That had befall'n us. As we paced along
Upon the giddy footing of the hatches,
Methought that Gloucester stumbled; and, in falling,
Struck me, that thought to stay him, overboard,
Into the tumbling billows of the main.
Lord, Lord! methought, what pain it was to drown!
What dreadful noise of waters in mine ears!
What ugly sights of death within mine eyes!
Methought I saw a thousand fearful wrecks;
Ten thousand men that fishes gnaw'd upon;
Wedges of gold, great anchors, heaps of pearl,
Inestimable stones, unvalued jewels,
All scatter'd in the bottom of the sea:
Some lay in dead men's skulls; and, in those holes
Where eyes did once inhabit, there were crept,
As 'twere in scorn of eyes, reflecting gems,
Which woo'd the slimy bottom of the deep,
And mock'd the dead bones that lay scatter'd by.

BRAKENBURY
Had you such leisure in the time of death
To gaze upon the secrets of the deep?

CLARENCE
Methought I had; and often did I strive
To yield the ghost: but still the envious flood
Kept in my soul, and would not let it forth
To seek the empty, vast and wandering air;
But smother'd it within my panting bulk,
Which almost burst to belch it in the sea.

BRAKENBURY
Awaked you not with this sore agony?

CLARENCE
O, no, my dream was lengthen'd after life;
O, then began the tempest to my soul,
Who pass'd, methought, the melancholy flood,
With that grim ferryman which poets write of,
Unto the kingdom of perpetual night.
[...]
Seize on him, Furies, take him to your torments!'
With that, methoughts, a legion of foul fiends
Environ'd me about, and howled in mine ears
Such hideous cries, that with the very noise
I trembling waked, and for a season after
Could not believe but that I was in hell,
Such terrible impression made the dream.

BRAKENBURY
No marvel, my lord, though it affrighted you;
I promise, I am afraid to hear you tell it.

William Shakespeare - Richard III (1597)

mercredi 9 février 2011

Le contraire de la mode

"L’orange illuminera notre dressing dès le printemps. Seulement à la sortie de l’hiver, peu d’entre nous osent passer le cap de cette nouvelle tendance. Pour passer à l’orange sans se fashion griller, créateurs et people nous montrent le chemin."


Trouvée à l'instant sur le site de Elle (la phrase, pas la photo, chipée à AA). Le orange, qui suit le kamel, le rose chair, le kaki, les rayures, le gris, le bleu, l'écossais, etc... Un peu naïvement, j'imaginais "la mode" passer naturellement par imprégnation inconsciente des trend setters aux early adopters, puis gagner le main stream.
(Le mainstream, c'est quand il est déjà trop tard, comme cet été où la densité de marinières au m² avait atteint son paroxysme)

Le fait que la presse spécialisée (féminine en tête) ait un discours aussi ouvertement prescripteur ("habillez-vous comme ceci"), et que cela fonctionne m'étonne encore aujourd'hui. Oui, parce que moi par exemple, je n'aime pas tellement acheter ce qu'on me dit d'acheter, être comme on me dit d'être, ni - pour prendre un exemple dans un autre domaine - écouter et apprécier ce qu'on me dit d'écouter et apprécier.

Evidemment, je conçois aisément que suivre ces prescriptions et tendances, c'est signifier à toute personne réceptive: "regarde, je fais l'effort d'être à la mode".

Soyons clairs :

Il n'y a pas grand chose à attendre d'un procès de la mode. La mode existe. On le sait. Elle se fait et se défait, elle se fabrique et se diffuse, elle se consomme. Elle intervient dans la plupart de nos activités quotidiennes.
Tous les phénomènes de mode convergent vers une constatation élémentaire : la mode ne produit ni des objets ni des faits, mais seulement des signes : des points de repère auxquels une collectivité se rattache. La seule question est alors celle-ci : pourquoi a-t-on besoin de ces signes? Ou, si l'on préfère: ne peut-on les chercher ailleurs?

[...]

Le contraire de la mode, ce n'est évidemment pas le démodé; ce ne peut être que le présent : ce qui est là, ce qui est ancré, permanent, résistant, habité : l'objet et son souvenir, l'être et son histoire.

Ca ne sert pas à grand chose d'être ou de vouloir être contre la mode. Tout ce que l'on peut vouloir, peut-être, c'est être à côté, en un lieu où les exclusions imposées par le fait même de la mode (à la mode / démodé) cesseraient d'être pertinentes.

Georges Perec, Penser/Classer (1978)

lundi 7 février 2011

The Comforts Of Madness

J'ai déjà parlé ici du groupe brooklynite Asobi Seksu pour leurs artworks très réussies. Ca fait un moment que ce groupe existe, et du coup, ils ont fait de la dream pop avant que le revival batte son plein comme aujourd'hui.

Assumant leur filiation, le groupe a fait appel pour la conception de la pochette de leur nouvel album à Oliver Vaughan, l'homme par qui l'identité visuelle du label 4AD est arrivée.



Best of de ses créations, pour ce label:
(en commençant, bien entendu, par Cocteau Twins)





Belly, rappelez-vous, en 1995, Super Connected...

Suite:



Pour finir, cet album des Pale Saints, qui de loin, rappelle terriblement le Desintregration de the Cure.



Asobi Seksu, Fluorescence (Polyvinyl, 2011)

Cocteau Twins, Iceblink Luck (4AD, 1990)
Lush, Gala (4AD, 1990)
The Breeders, Pod (4AD, 1992)
Lisa Germano, Excerpts From A Love Circus (4AD, 1996)
Belly, King (4AD, 1995)

the Pixies, Bossanova (4AD, 1990)
Kristin Hersh, Strange Angels (4AD, 1998)
Mountain Goats, Tallahassee (4AD, 2002)
Piano Magic, Writers Without Home (4AD, 2002)

Pale Saints, The Comforts Of Madness (4AD, 1994)

Quelque part dans le Jura



Si je m'écoutais, je passerais bien du temps à photographier des friches industrielles (d'ailleurs sans doute avec un autre appareil que mon téléphone portable)...
bien qu'évidemment, ça ait déjà été entrepris, notamment par les allemands Bernd et Hilla Becher (qui y ont en plus apporté un traitement documentaire, classant leurs clichés par série).



Pour ma part, je préfère voir leurs photos une par une, que dans les planches telles qu'elles sont généralement exposées.



jeudi 3 février 2011

Crystal Café

Non mais, est-ce que quelqu'un ici savait que le Manneken-Pis, à Bruxelles, avait une petite soeur? (même qu'elle s'appelle Jeanneke Pis).

Bon, sinon je décerne à "Follow" de Crystal Fighters le titre de meilleure chanson pour rester éveillé durant un trajet Bruxelles - Paris de nuit, en voiture.
(notez-le, ça peut sauver des vies)

La voici :


Je devance les questions, et donc complète cet article d'un volet pédagogique.

Car en effet, il ne faut pas confondre...

Crystal Fighters,
les Espagnols établis à Londres, qui font de l'électro-pop très électro:


Crystal Castles, le duo mixte de Toronto, qui a commencé en mariant 8-bit et énergie punk.
Musicalement facilement reconnaissable (quoique le deuxième album peut aisément induire en erreur), et en tout cas, forcément identifiable par la chanteuse Alice Glass, qu'on imagine bien jouer dans Blade Runner.


Ne reste ensuite qu'à distinguer:
Crystal Stilts [NYC]
(ambiance Joy Division
)


et Crystal Antlers,
dans une veine un peu garage/psyche/rock qui envoie.



Crystal Fighters sera en concert le 19 février au Point Ephémère

mercredi 2 février 2011

L'illusion de l'achevé. Le vertige de l'insaisissable

Si vous n'êtes pas venus ici depuis quelques temps, STOP, cette série d'articles commence à peine plus pas, ici (et d'ailleurs, limite, , comme me le fait remarquer "Poitrilomirtiop").

Toujours en vous rapportant les propos de Perec, j'étais donc parti pour vous exposer le §2.1, "Manières de ranger les livres"

classement alphabétique
classement par continent ou par pays
classement par couleurs
classement par date d'acquisition
classement par date de parution
classement par formats
classement par genres
classement par grandes périodes littéraires
classement par langues
classement par priorité de lecture
classement par reliures
classement par séries

Aucun de ces classements n'est satisfaisant à lui tout seul. Dans la pratique, toute bibliothèque s'ordonne à partir d'une combinaison de ces modes de classements : leur pondération, leur résistance au changement, leur désuétude, leur rémanence, donnent à toute bibliothèque une personnalité unique.


Il convient d'abord de distinguer les classements stables et les classements provisoires ; les classements stables sont ceux qu'en principe on continuera à respecter ; les classements provisoires ne sont censés durer que quelques jours ; [...]

En ce qui me concerne, près des trois quarts de mes livres n'ont jamais été réellement classés. Ceux qui ne sont pas rangés d'une façon définitivement provisoire le sont d'une façon provisoirement définitive, comme à l'OuLiPo. [...]

Comme les bibliothécaires borgésiens de Babel qui cherchent le livre qui leur donnera la clé de tous les autres, nous oscillons entre l'illusion de l'achevé et le vertige de l'insaisissable? Au nom de l'achevé, nous voulons croire qu'un ordre unique existe qui nous permettrait d'accéder d'emblée au savoir ; au nom de l'insaisissable, nous voulons penser que l'ordre et le désordre sont deux mêmes mots désignant le hasard.

Georges Perec, Penser/Classer (1978)


Ma bibliothèque personnelle est assez peu fournie: J'ai en effet l'opportunité de pouvoir facilement emprunter... De plus, j'ai pris le parti de vendre tout livre que je ne relirai pas.

Ma discothèque est en revanche bien plus étendue.
Description.

Ma toute première tentative de rangement (au collège, donc) fut alphabétique. Un classement simple, et lisible pour les personnes extérieures (càd autres que moi). Trop terne, trop prévisible. J'optai donc rapidement pour un classement chromatique, qui fit son effet un long moment. Il atteignit ses limites lorsque la masse des CDs à tranche noire ou blanche devint trop importante. Enfin, je me résolus à adopter un classement thématique, avec au sein d'une catégorie, un sous-classement de proche en proche, soit par analogie de style, identité de label, proximité géographique / temporelle, ou tout simplement parce que tel et tel artiste auront collaboré ensemble. Un classement chronologique parachève le tout. Aujourd'hui cet ordre demeure.

Les disques que je reçois pour la radio sont quant à eux provisoirement classés par ordre de date de publication, puis par priorité d'écoute, avant de rejoindre les archives... par ordre d'archivage. Ce dernier classement est idéal pour qui rejette l'idée de devoir déplacer ses disques : en revanche, il se double nécessairement d'un étiquettage et d'une base de données.

Dans un prochain article, je vous exposerai comment sont rangés mes T-Shirts (de groupe).

Blague à part, je profiterai de ce que Perec cite Borges pour revenir sur le vertigineux concept constitutif de sa bibliothèque de Babel.

mardi 1 février 2011

La tentation mesquine de la bureaucratie individuelle

Penser/Classer est un recueil de textes (légers) de Georges Perec publiés dans diverses revues, entre 1976 et 1982. Ou comment création et organisation peuvent cohabiter dans un esprit.

L'un d'eux s'intitule
"Notes brèves sur l'art et la manière de ranger ses livres".
Bien sûr, ce qui suit peut sans difficulté s'étendre à votre discothèque.

Dans une brève introduction, Perec discute du nombre d'ouvrages pouvant constituer une bibliothèque, "sinon idéale, du moins suffisante" (nombre évalué à 361). De recueils en oeuvres complètes, les réalités que recouvre le mot "ouvrage" nous orientent rapidement vers l'idée moins contraignante d'une bibliothèque limitée à 361 "thèmes".


Ainsi donc, l'un des principaux problèmes que rencontre l'homme qui garde les livres qu'il a lus ou qu'il se promet de lire un jour est l'accroissement de sa bibliothèque. Tout le monde n'a pas la chance d'être le capitaine Nemo:
"...le monde a fini pour moi le jour où mon Nautilus s'est plongé pour la première fois sous les eaux. Ce jour-là, j'ai acheté mes derniers volumes, mes dernières brochures, mes derniers journaux, et depuis je veux croire que l'humanité n'a plus ni pensé ni écrit."
Rapidement donc, se pose un problème d'espace, puis un problème d'ordre. Une brève inspection de votre appartement / maison vous permettra d'envisager des réponses au premier problème, je tenais moi à vous sensibiliser à l'importance du second point :

Une bibliothèque que l'on ne range pas se dérange: c'est l'exemple que l'on m'a donné pour tenter de me faire comprendre ce qu'était l'entropie et je l'ai plusieurs fois vérifié expérimentalement.
Le désordre d'une bibliothèque n'est pas en soi une chose grave; il est de l'ordre du "dans quel tiroir ai-je mis mes chaussettes?" : on croit toujours que l'on saura d'instinct où l'on a mis tel ou tel livre ; et même si on le ne sait pas, il ne sera jamais difficile de parcourir rapidement tous les rayons.
A cette apologie du désordre sympathique, s'oppose la tentation mesquine de la bureaucratie individuelle : une chose pour chaque place et chaque place à sa chose et vice versa; entre ces deux tensions, l'une qui privilégie le laisser-aller, la bonhomie anarchisante, l'autre qui exalte les vertus de la tabula rasa, la froideur efficace du grand rangement, on finit toujours par essayer de mettre de l'ordre dans ses livres : c'est une opération éprouvante, déprimante, mais qui est susceptible de procurer des surprises agréables, comme de retrouver un livre que l'on avait oublié à force de ne plus le voir, et que, remettant au lendemain ce qu'on ne fera pas le jour même, on redévore enfin à plat ventre sur son lit.

Nous verrons sous peu (demain?) les différents classements envisageables, en dépit du provisoirement définitif et du définitivement provisoire.

Georges Perec, Penser/Classer (1978)