dimanche 14 décembre 2008

Suit the action to the word, the word to the action

Il y a, dans Hamlet, cette scène de la pièce dans la pièce. Hamlet s'apprête à faire jouer devant son oncle (le nouveau Roi) l'histoire du meurtre de son père. "J'ai oüi dire que des créatures coupables, assistant à une pièce de théatre, ont, par l'action seule de la scène, été frappées dans l'âme, au point que sur le champ, elles ont révélé leurs forfaits."
Avant la représentation, il s'adresse aux comédiens, dispense ses recommandations
et donne sa vision du jeu "juste"
(Acte III, Scène 2)

[version française ci-dessous]

Be not too tame neither, but let your own discretion be your tutor: suit the action to the word, the word to the action; with this special observance, that you overstep not the modesty of nature: for any thing so overdone is from the purpose of playing, whose end, both at the first and now, was and is, to hold the mirror up to nature; to show virtue her own feature, scorn her own image, and the very age and body of the time his form and pressure. Now this overdone, or come tardy off, though it make the unskilful laugh, cannot but make the judicious grieve; the censure of the which one must in your allowance overweigh a whole theatre of others. O, there be players that I have seen play, and heard others praise, and that highly, not to speak it profanely, that, neither having the accent of Christians nor the gait of Christian, pagan, nor man, have so strutted and bellowed that I have thought some of nature's journeymen had made men and not made them well, they imitated humanity so abominably.
And let those that play your clowns speak no more than is set down for them; for there be of them that will themselves laugh, to set on some quantity of barren spectators to laugh too; though, in the mean time, some necessary question of the play be then to be considered: that's villanous, and shows a most pitiful ambition in the fool that uses it. Go, make you ready.

S'en suivra la représentation...


William Shakespeare - Hamlet (1602)
Abbey Edwin Austin - The Play Scene in "Hamlet" (1897)

[Version française, selon la traduction d'André Markowicz]

Ne soyez pas trop timorés, laissez votre jugement vous diriger. Faites concorder l'action et la parole, la parole et l'action, avec une attention particulière, celle de ne pas outrepasser la modestie de la nature ; car tout ce qui surjoue ainsi s'éloigne du propos du théâtre, dont la seule fin, du premier jour jusqu'au jour d'aujourd'hui, reste de présenter comme un miroir à la nature ; de montrer son visage à la vertu, sa propre image au ridicule : au corps et à l'âge même du temps, sa forme et son reflet. Mais surjouer ou jouer trop faible, même si cela fait rire les ignorants, ne pourra qu'affliger les hommes de goût, dont l'opinion d'un seul doit avoir plus de poids pour vous que celle d'une salle entière. Oh, j'ai vu jouer des acteurs qui, je le dis sans blasphème, n'avaient ni l'accent, ni l'allure de chrétiens, de païens, d'êtres humains, et qui beuglaient et plastronnaient si fort que je les imaginais créés par je ne sais quels manouvriers de la nature, et créés de travers, tant leur imitation de l'homme était abominable. Et que ceux parmi vous qui jouent les bouffons n'en disent pas plus que leur rôle écrit, car j'en connais qui rient tout seuls pour entraîner le rire de quelques spectateurs pauvres d'esprit au moment même ou telle ou telle question cruciale de la pièce se trouve en jeu. C'est une chose vile qui montre la plus pitoyable des ambitions chez le fou qui s'en sert. Allez vous préparer.

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