lundi 28 octobre 2019

Du rêve

Très bonne BD de Fabcaro (Zaï Zaï Zaï Zaï), qui mérite son succès... un peu dans l'esprit des dessins du blog de Bastien Vives, mais les saynettes caustiques servent la narration d'une histoire (absurde) sur toute la longueur du recueil.







Fabcaro, Zaï zaï zaï zaï (2015)

mardi 22 octobre 2019

Un théâtre de marionnettes

Tchernobyl est souvent considéré comme le début de la fin de l'URSS. Dans la série du même nom, on y voit un pouvoir arc-bouté sur un discours officiel, des voies dissonantes menacées d'élimination (administrative, sociale ou physique), des livres interdits ou amputés de pages gênantes...
Autant de pratiques à leur paroxysme à l'époque des procès de Moscou sous Staline, et qui font du roman "le Zero et l'Infini" un complément idéal du visionnage de la série.

C'était au moment où se préparait le second grand procès de l'opposition. L'air de la légation s'était étrangement raréfié. Photographies et portraits disparaissaient des murs du soir au matin ; ils y étaient depuis des années, personne ne les regardait, mais à présent les tâches claires sautaient aux yeux. Le personnel bornait ses conversations aux affaires du service ; on se parlait avec une politesse prudente et pleine de réserve. Aux repas, à la cantine de la légation, où les conversations étaient inévitables, on s’en tenait aux clichés officiels, qui, dans cette atmosphère familière, semblaient gauches et grotesques ; on aurait dit qu'après s’être demandé le sel et la moutarde, ils se hélaient mutuellement avec les slogans du dernier manifeste du Comité central. Il arrivait souvent que quelqu'un protestât contre une fausse interprétation de ce qu’il venait de dire, et prît ses voisins à témoin, avec des exclamations précipitées : « Je n'ai pas dit cela », ou : « Ce n'est pas ce que je voulais dire. » Tout cela donnait à Roubachof l'impression d'un théâtre de marionnettes bizarre et cérémonieux dans lequel les pantins, montés sur fil de fer, récitaient chacun sa tirade. Seule Arlova, avec son allure silencieuse et endormie, semblait rester elle-même.
Non seulement les portraits sur les murs, mais aussi les rayons de la bibliothèque furent décimés. La disparition de certains livres se faisait discrètement, généralement le lendemain de l'arrivée d’un nouveau message d’en haut.
Arthur Koestler, le Zéro et l'Infini (1945)

jeudi 17 octobre 2019

Light from within

Très belle exposition de photos de Todd Hido (jusqu'à Samedi à la Galerie Les Filles Du Calvaire), avec notamment son célèbre projet "House Hunting" (1999), qui montre l'Amérique des lointaines banlieues, sous un jour une nuit brumeuse et mystérieuse. Sélection.






Todd Hido, House Hunting

lundi 7 octobre 2019

Monologue... ou dialogue intérieur ?

Rien de tel qu'un bon séjour en captivité pour approfondir la question...

Roubachof avait toujours pensé qu'il se connaissait assez bien. Dépourvu de préjugés moraux, il n’avait pas d’illusions sur le phénomène appelé « première personne du singulier ». Il avait admis, sans émotion particulière, le fait que ce phénomène était doué de certains mouvements impulsifs que les humains éprouvent généralement quelque répugnance à avouer. À présent, lorsqu'il collait son front contre la vitre ou qu'il s’arrêtait soudain sur le troisième carreau noir, il faisait des découvertes inattendues. Il s’apercevait que le processus incorrectement désigné du nom de « monologue » est réellement un dialogue d’une espèce spéciale ; un dialogue dans lequel l’un des partenaires reste silencieux tandis que l’autre, contrairement à toutes les règles de la grammaire, lui dit « je » au lieu de « tu », afin de s'insinuer dans sa confiance et de sonder ses intentions ; mais le partenaire muet garde tout bonnement le silence, se dérobe à l’observation et refuse même de se laisser localiser dans le temps et dans l'espace.

Mais maintenant, il semblait à Roubachof que le partenaire habituellement muet parlait de temps en temps, sans qu’on lui adressât la parole et sans prétexte apparent ; sa voix paraissait totalement étrangère à Roubachof qui l'écoutait avec un sincère émerveillement et qui s’apercevait que c'étaient ses lèvres à lui qui remuaient. Il n’y avait là rien de mystique ni de mystérieux ; il s'agissait de faits tout concrets ; et ses observations persuadèrent peu à peu Roubachof qu'il y avait dans cette première personne du singulier un élément bel et bien tangible qui avait gardé le silence pendant toutes les années écoulées et qui se mettait maintenant à parler.

Arthur Koestler, le Zéro et l'Infini (1945)

jeudi 3 octobre 2019

What is the cost of lies ?


Les travaux de décontamination ont commencé dans les écoles autour de Notre-Dame. L'opération concerne quatre écoles où des taux de plomb supérieurs à la moyenne recommandée ont été mesurés après l’incendie. Des hommes masqués en combinaison blanche pulvérisant un liquide bleuâtre sur la marelle, des engins de chantier circulant autour du toboggan…, cette scène étrange marque le début des travaux de décontamination, jeudi 8 août, dans les écoles maternelle et élémentaire de Saint-Benoît, dans le 6e arrondissement de Paris. Le groupe scolaire, qui accueillait des enfants en centre de loisirs durant la période estivale, avait fermé ses portes le 25 juillet, en raison de taux de plomb élevés mesurés dans les cours de récréation extérieures.

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Prendre le risque de partir, de perdre sa maison ou son travail. Prendre le risque de rester et d'avoir à assumer, dans une semaine ou dans dix ans, d'avoir mis en danger sa santé, celle de sa famille ou de ses élèves… Une semaine après l'incendie de l'usine de produits chimiques Lubrizol, à Rouen, de nombreux voisins de l’usine et des habitants survolés par le nuage de fumée noire s'interrogent encore sur l’attitude à adopter face à la catastrophe.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/10/03/nous-avons-pris-nos-decisions-seuls-a-rouen-des-habitants-racontent-l-absence-de-communication_6014124_3244.html

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Un mystérieux accident dans le Grand Nord russe. Un projet de missile nucléaire secret. Des déclarations contradictoires sur les risques de contamination radioactive. Tout semble flou dans les déclarations des autorités russes, cinq jours après l’accident survenu sur une plate-forme militaire offshore au large du village de Nionoksa, à plus de 1 200 kilomètres au nord de Moscou, et qui a coûté la vie à au moins cinq ingénieurs nucléaires.

Mardi dans la journée, les 450 habitants du village voisin de l’explosion ont été prévenus qu’ils devraient évacuer leur logement pendant deux heures, le lendemain, et étaient invités à se réfugier dans la forêt. Sans explications sur les raisons de cette « opération planifiée » – curieuse mesure préventive six jours après l’accident. Mais cette évacuation a été soudainement annulée mardi dans la soirée, sans plus d’explications de la part du pouvoir russe.

Dans les grandes villes voisines, Severodvinsk et Arkhangelsk, la population s’est précipitée dans les pharmacies pour acheter des comprimés d’iode stable (protégeant la thyroïde en cas de rejet accidentel d’iode radioactif dans l’atmosphère), épuisant les stocks disponibles. Les médecins qui ont soigné les victimes de l’explosion ont, eux, été envoyés à Moscou. Ils doivent y passer des examens – après avoir dû auparavant signer un accord de confidentialité leur interdisant de divulguer toute information sur l’accident.

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L'actualité résonne différemment, après avoir visionné Chernobyl, le série dont les images, la bande-son (signée Hildur Ingveldardóttir) et les personnages marquent durablement.