jeudi 29 octobre 2020

Peur, insécurité, ignorance


– Sommes-nous en proie à un désarroi total?
– Toi et moi ?
– Non. Nous tous. 
– Qu'entends-tu par désarroi ?
– Peur, insécurité, ignorance... Le désarroi, quoi. Crois-tu que nous soyons entrain de dévaler une pente et chuter, sans savoir comment réagir ?
– Oui, je le crois.
– Il est peut-être déjà trop tard ?
– Oui. Mais ça, il faut le penser. Pas le dire.

Scènes de la vie conjugale, Ingmar Bergman (1974)

vendredi 23 octobre 2020

10 ans, 40 albums (Part.8)

Aujourd'hui s'achève l'énumération thématique de ma sélection de quarante albums des années 2010. Un volet de six albums, à rapprocher du quatrième


Woods y est à l'honneur, puisque représentés par deux albums. Sans doute le groupe que j'aurai suivi avec le plus de plaisir au cours de cette décennie. C'est d'ailleurs ce groupe que David Berman aura fini par retenir pour réaliser son ultime album de Silver Jews, sa "fucking suicide note" comme le dira Jeffrey Lewis. On termine avec du solide, Phil Elverum aka Mt Eerie dont je retiens Clear Moon plutôt que les tristes albums de fin de décennie, Scout Niblett et enfin PJ Harvey.

Purple Mountains – s/t (2019)
Woods  City sun eater in the river of light (2016)
Woods  with Light and with Love (2014)
Mount EerieClear Moon (2012)
Scout Niblett  it's up to Emma (2013)
PJ Harvey  Let England Shake (2011)

Je tâcherai de publier tantôt une synthèse.
D'ici là, vous pouvez commencer à recenser les grands "oubliés" !

dimanche 18 octobre 2020

Are you lonely at night?

Visionnant le film "I, Tonya" qui relate la trajectoire de la patineuse américaine connue pour avoir été liée à l'agression de sa rivale Nancy Kerrigan, je m'attendais à y entendre le morceau "Tonya Harding" de Sufjan Stevens... Sauf que non, les deux projets sont disjoints. L'écriture de cette chanson aurait même été en germe depuis une retransmission TV de 1991.

Tonya Harding, my star
Well this world is a cold one
But it takes one to know one
And God only knows what you are

Just some Portland white trash
You confronted your sorrow
Like there was no tomorrow
While the rest of the world only laughed

Triple axel on high
A delightful disaster
You jumped farther and faster
You were always so full of surprises

Are your laces untied?
What’s the frown on your face for?
And just what are the skates for now?
Tell me which is your good side?

Are you lonely at night?
Do you miss all the glory
And the mythical story
Of the Olympian life?

Yamaguchi in red
She had high rise and roses
And red-carpet poses
And her outfit was splendid

Nancy Kerrigan’s charm
Well she took quite a beating
So you’re not above cheating
Can you blame her for crying?

Tonya, you were the brightest
Yeah you rose from the ashes
And survived all the crashes
Wiping the blood from your white tights

Has the world had its fun?
Yeah they’ll make such a hassle
And they’ll build you a castle
Then destroy it when they’re done

Tonya Harding, my friend
Well this world is a bitch, girl
Don’t end up in a ditch, girl
I’ll be watching you close to the end

So fight on as you are
My American princess
May God bless you with incense
You’re my shining American star

Sufjan Stevens, Tonya Harding (2017)
I, Tonya, Craig Gillespie (2017)

samedi 17 octobre 2020

10 ans, 40 albums (Part.7)

Avant dernier volet de mon top décennal, cette fois dans une veine prog / psyche / dream pop / shoegaze


Imaginez le bonheur de découvrir a posteriori une grande et belle réussite, side project d'un auteur/compositeur/interprète que vous adorez et que vous pensiez à tout jamais reclus. C'est ce qui m'est arrivé avec Fontarabie, aka Julien Mineau de feu-Malajube. Superbe album, qui plus est doublé d'un EP tout aussi convainquant (Eclipse EP). Autre francophone, autre rescapée, Melody Prochet avec ce deuxième album sous l'appellation Melody’s Echo Chamber, dreamy à souhait et d'une richesse musicale remarquable. Choix moins personnels mais auxquels je tiens tout autant, Beach House et Diiv. On finit par un groupe que je m'en veux de n'avoir pas suffisamment distingué, surtout vu le génie parolier et musical de la personne qui l'incarne (Kevin Barnes) : Of Montreal. Pour cette décennie, je retiens Paralytic Stalks, disque psyche pourtant mal aimé parmi la discographie pléthorique du groupe (16 albums), mais avec à mon sens une très grande réécoutabilité rejouabilité.

Fontarabie  st (2014)
Of MontrealParalytic Stalks (2012)
DIIVDeceiver (2019) 
Beach House  Bloom (2012)
Melody's Echo Chamber  Bon Voyage (2018) 

 A très vite, pour la clôture de cette série d'articles (et avant une synthèse éventuelle)

Bonus Tracks :
Non retenus, dans une veine pas trop éloignée :
Candy Claws – Ceres and Calypso in the Deep Time
Frànçois and the Atlas MountainsPiano Ombre
WhirrPipe Dreams

vendredi 9 octobre 2020

10 ans, 40 albums (Part.6)

Palmarès des 2010's, hip-hop édition. Ils auraient dû être cinq, je n'en ai in extremis gardé que quatre (même si ça nuit à l'homogénéité de mes vignettes)

Au premier rang de cette sélection, Kanye West bien sûr, avec l'incontournable "My beautiful dark twisted fantasy", sommet de sa carrière ? En tout cas selon moi, puisque je n'ai finalement que moyennement accroché aux albums précédents et suivants. Vient ensuite Talib Kweli, ancien complice de Mos Def au sein de Blackstar. Autre new-yorkais, quoique d'origine dominicaine, Homeboy Sandman ! Enfin, un pur représentant de l'abstract hip-hop à son meilleur, Marlow, aka l'alliance du emcee Solemn Brigham et du producteur l'Orange. Ce dernier a d'ailleurs bien failli placer deux albums dans ma sélection (cf. non-retenus ci-dessous) 

Kanye west  My beautiful dark twisted fantasy (2010)
Talib Kweli – Gutter Rainbows (2011)
Homeboy Sandman – Hallways (2014)
Marlow - Marlow (2018)

à bientôt pour connaître les 10 ou 11 albums restants !

Bonus Tracks
Non-retenus dans ce groupe :
L'Orange and Kool Keith - Time? Astonishing (2015)
L'Orange and Jeremiah Jae - Complicate your life with violence (2019)
Psykick Lyrikah - Derrière moi (2011)

jeudi 8 octobre 2020

Epiphanie

C’est parfois de la nature que survient une consolation inattendue. Une lumière singulière qui sature soudain les couleurs extérieures, nappant les frondaisons figées sous le soleil. Comme un appel pressant au vagabondage. Certains jours, où malgré ma turbulente impatience, mon esprit s’accorde instinctivement à la campagne telle qu’elle s’offre à mon regard. Je sors et m’engage sur un chemin dont je sais connaître le moindre caillou, et je redécouvre alors le décor magnifiée par des jeux d’ombres inédit : un chêne moribond transcendé par le contre-jour, la rivière, habituellement grise est insignifiante, emperlée de reflets adamantins. Le paysage dont j’étais certain d’avoir épuisé toutes les ressources et enregistré toutes les variations chromatiques contredit avec aplomb mon caractère désabusé. L’œil s’ouvre, palpite, cherche, trouve, l’esprit se libère, s’aplanit, les brumes résiduelles de l’angoisse se dispersent. L’horizon, sous l’effet de l’accident épiphanie se dégage. La forêt, ces jours-là, n’est que vibrantes et contagieuses promesses. L’avenir, lorsque l’on s’échappe de l’enchantement du moment présent pour y songer, s’y décline en d’innombrables possibles. Il suffirait d’un presque rien et je me sentirais perméable au bonheur, disposé à la sérénité, invité au voyage.

Frank Beauvais, Ne croyez surtout pas que je hurle (2020)

lundi 5 octobre 2020

10 ans, 40 albums (Part.5)

Reprenons le cours de ma sélection musicale des années 2010.
Cette fois dans une veine électronique.


... en mode sono mondiale, avec l'électro minimale mélodique de l'anglais Jon Hopkins et celle de l'allemand Hendrik Weber aka Pantha du Prince. Depuis le Mexique, vient Nicholas Jaar, l'homme capable de faire danser les foules à 70 bpm (souvenir ému de son concert parisien pour son side project Darkside). Impossible de passer à côté de Matt Elliott, rescapé du Bristol des 90s, non pas sous son nom propre (désolé pour lui), mais pour la résurrection de Third Eye Foundation, avec un disque tellement dense, profond et beau. Magistral. Electro, mais surtout pop, Metronomy, pour la somme impressionnante de tubes qu'ils ont produit au cours de la décennie, dont English Riviera offre une belle concentration.

Third Eye Foundation – the Dark (2010)
MetronomyEnglish Riviera (2011)
Pantha du Princethe Triad (2016)
Nicolas JaarSpace Is Only Noise (2011) 
Jon HopkinsImmunity (2013)

Bonus Tracks
Finalement écartés dans cette catégorie :
Darkside – Psychic (2013)
the NotwistClose to the glass (2014)
Who Made WhoBrighter (2012)

jeudi 1 octobre 2020

The Election That Could Break America

Article à lire pour anticiper un tant soit peu ce qui pourrait se passer avec les élections américaines (c'est-à-dire à partir du 3 Novembre). Rien n'est écrit, mais il y a quand même un alignement notoire de planètes pour que ce soit le chaos. Et encore, de l'aveu même d'un conseiller juridique de Trump : "Any scenario that you come up with will not be as weird as the reality of it".

Le risque vient de l'attitude de Trump d'une part, et tient au processus de transition post-élection d’autre part (en gros de novembre à janvier) dans la mesure où il n'offre quasiment pas de garde-fou : "Our Constitution does not secure the peaceful transition of power, but rather presupposes it" (Lawrence Douglas, juriste, auteur du récent essai "Will He Go?")

Revue non exhaustive des menus obstacles à une élection sereine.


Il y a d'abord la question de la reconnaissance des résultats. Ce n'était déjà pas acquis en 2016 (déclaration du candidat Trump au meeting de Delaware, OH) :
“Ladies and gentlemen, I want to make a major announcement today. I would like to promise and pledge to all of my voters and supporters, and to all the people of the United States, that I will totally accept the results of this great and historic presidential election.” He paused, then made three sharp thrusts of his forefinger to punctuate the next words: “If … I … win!”

(lol)
(non)

On se rappelera d'ailleurs que même vainqueur, il aura contesté l’avantage d’Hillary Clinton au vote populaire (çàd au nombre global de votes) avec un excédent de 2,868,692 voix (Il estimait les votes irréguliers d'immigrants sans-papier au bas mot à trois millions). La rhétorique de défiance envers les résultats des votes se poursuit encore aujourd'hui.

L'éventualité de la fraude électorale (au demeurant négligeable dans les faits) donnerait un bon prétexte à de zélées milices (armées) républicaines de "sécuriser" les abords des bureaux de vote stratégiques (cf. Ballot Security Task Force). De la "sécurisation" à "l'intimidation" (des populations plus enclines à voter démocrate), il n'y a bien sûr qu'un pas. Le parti recrute par ailleurs actuellement 50'000 "poll watchers". Comment cela est-il possible?

Le "consent degree", pour résumé un accord de bonne conduite à valeur juridique et signé en 1982 entre Republican National Committee (RNC) et Democratic National Committee (DNC) a pris fin en... 2017. Et son renouvellement, souhaité par les Démocrates, a été rejeté en 2018.
  • Voter Caging : mailing de masse servant à détecter - en français - des NPAI ("N'habite plus à l'adresse indiquée"), permettant de mettre ultérieurement en doute puis d'invalider le vote des personnes concernées.
  • Lying Flyers / Robocalls : distribution de prospectus mensongers (date de vote erronée, fausse allégation "impossibilité de voter si un membre de la famille a été reconnu coupable d'un crime"...), appels ciblés, par exemple envers les afro-américains leur disant que le candidat démocrate été déjà qualifié et qu'il ne servait à rien de se déplacer...
  • Ceci s'ajoute aux dispositions légales de purge de liste électoral (qui parfois excluent des électeurs valides), de restriction du droit de vote (visant par exemple à exclure des anciens prisonniers) ou de définition de la liste des justificatifs d'identité valables (on pourra par exemple accepter les permis de port d'arme, et refuser les cartes d'étudiants)

Combinés et ciblés, ces dispositifs peuvent bien sûr avoir un impact sensible... Et encore, on ne parle ici que de vote "physique", sur place. La pandémie actuelle va favoriser le vote par correspondance... que Donald Trump s'applique également à sapper.

En affaiblissant l'US Postal Service de l'intérieur tout d'abord. En évoquant la menace de votes frauduleux orchestré par des nations étrangères. Alors que 60% des partisans démocrates sont prêts à voter par correspondance contre seulement 28% de républicains, on voit tout de suite les répercussions... D'autant qu'un bulletin de vote par correspondance, même dépouillé dans les temps, est beaucoup plus facile à invalider pour vice de forme.

Objectifs : Alimenter le chaos, la défiance. Ce que pourrait tout à fait finir de provoquer un "blue shift", le soir des élections : premières estimations largement en faveur des Républicains, avant que le dépouillement des votes ne fasse glisser le verdict en faveur des Démocrates.

Partant de là, tout est possible. Manifestations, violences, émeutes... Etat d'urgence, etc...


The worst case is not that Trump rejects the election outcome. The worst case is that he uses his power to prevent a decisive outcome against him. If Trump sheds all restraint, and if his Republican allies play the parts he assigns them, he could obstruct the emergence of a legally unambiguous victory for Biden in the Electoral College and then in Congress. He could prevent the formation of consensus about whether there is any outcome at all. He could seize on that un­certainty to hold on to power.
[...]

The Twentieth Amendment is crystal clear that the president’s term in office “shall end” at noon on January 20, but two men could show up to be sworn in. One of them would arrive with all the tools and power of the presidency already in hand.

“We are not prepared for this at all,” Julian Zelizer, a Prince­ton professor of history and public affairs, told me. “We talk about it, some worry about it, and we imagine what it would be. But few people have actual answers to what happens if the machinery of democracy is used to prevent a legitimate resolution to the election.”

The Election That Could Break AmericaBarton Gellman