vendredi 28 mars 2014

I like to remember things my own way

Ed: Do you own a video camera?
Renee : No. Fred hates them.
Fred : I like to remember things my own way.
Ed : What do you mean by that?
Fred : How I remembered them. Not necessarily the way they happened.


Lost Highway, David Lynch (1997)

mercredi 26 mars 2014

Natural Bridge / une interview de Coming Soon

On a vu ces jeunes musiciens anneciens démarrer dans le courant de l'année 2007 et exceller dans une mouvance (anti-)folk-rock. Je garde d'ailleurs un très bon souvenir de la soirée Coming Soon + Stanley Brinks + the Wave Pictures en 2008 au Café de la Danse.

Leur nouvel album, Tiger Meets Lion, en écoute ici, paraît ce jour... le groupe a parcouru du chemin, et leur son prend désormais les habits d'une pop protéiforme multicolore. Lorsque j'ai eu ce disque pour la première fois entre les mains, la première chose à avoir attiré mon regard (hormis la pochette) est un discret " feat. Cassie Berman " au beau milieu de la tracklist.

Cassie Berman est l'épouse de David Berman, et l'a accompagné sur les dernières années de ce groupe que j'apprécie au plus haut point : Silver Jews. Si vous faîtes parti de mes lecteurs historiques, vous savez que j'ai beaucoup parlé du groupe dans ces colonnes, que ce soit pour citer ses textes, placer trois de leurs albums dans des tops décennaux, ou raconter leur fin (c'était en 2009).

L'occasion était trop belle, et puisque Coming Soon et moi-même semblions partager des affinités musicales, il me fallait leur proposer une interview thématique, et demander des nouvelles de ce cher David Berman.

Aux réponses :
Ben Lupus (à gauche sur la photo) et Howard Hugues (au centre)
Interview (Part. 1, ai-je envie de dire)



*
*      *

Musicalement, comment êtes-vous venus à Silver Jews ? "Directement"? Ou en suivant la piste Stephen Malkmus, par exemple?

Howard : Nous avons découvert très tôt dans notre formation la musique des Silver Jews. Nous avons eu une fascination immédiate pour le label Drag City et ses artistes principaux Bonnie Prince Billie, Bill Callahan/Smog et les Silver Jews. Pour nous ces groupes sont des influences majeures et ils représentent le mieux la scène qu'on a appelé Indie Rock.

Ben : On a découvert les Silver Jews via l'antifolk, quand on a commencé à chercher d'où venait cette musique. Et forcément on est tombé sur la musique indé et lo-fi américaine des années 90, sur K records, et Drag City. Personnellement, les Silver Jews ça a été le coup de foudre immédiat, comme Smog ; j'ai mis plus de temps à devenir fou de Pavement, mais ça a fini par arriver ! Donc on peut dire que j'ai plutôt trouvé Malkmus en suivant la piste Silver Jews...
C'était très excitant de découvrir tous ces groupes, même avec dix ans de retard, ça a énormément influencé notre son au début, toute notre esthétique, et même notre façon de travailler - et bien sûr, ça recoupait plein de choses qu'on aimait, musicales ou extra-musicales, comme le cinéma de Harmony Korine ou les comic books underground. Pour moi, ça et la découverte de la musique électronique, avec Godspeed en trait d'union, ce sont les deux moments les plus décisifs de mon éducation musicale.

Question d’initiés : Quel est votre album préféré ? (perso : Natural Bridge, puis American Water / Natural Bridge) A moins que vous préfériez citer une chanson?

Ben : Difficile d'en choisir un... Pour ma part je pense que ce serait "The Natural Bridge", parce que c'est celui que j'ai le plus souvent écouté (d'ailleurs c'est probablement le disque que j'ai le plus écouté de toute ma vie), et celui vers lequel je retourne sans cesse. Je connais tous les mots par cœur, et pourtant je suis toujours surpris par la qualité, l'intelligence de l'écriture. "Pretty Eyes", ça me bouleverse à chaque fois. Bright Flight est presque à égalité, j'adore les arrangements. C'est avec ce disque que j'ai vraiment eu envie de découvrir la country music - ça donne un regard un peu biaisé sur ce genre musical, mais je trouve que c'est une bonne porte d'entrée. Je me suis chanté "Horseleg Swastikas" des centaines de fois, tout seul dans ma chambre avec ma guitare ! Et puis une ligne comme "We're gonna live in Nashville and I'll make a career / Out of writing sad songs and getting paid by the tears", ça résonne énormément quand tu as choisi de faire de la musique ton métier. Ça résume bien le mélange de noblesse et de ridicule de l'entertainment. Et puis il y aussi cette façon d'évoquer le divin (le disque s'ouvre sur "When God was young, he made the wind and the sun / Since then, it's been a slow education"), qui est un fil rouge qui relie tous les disques des SJ, et qui à ma connaissance n'a pas vraiment d'équivalent dans la pop culture. C'est d'autant plus touchant quand on connaît un peu la vie de David Berman. Pour moi, c'est aussi ce qui confère aux SJ un statut si particulier.


Avez-vous rencontré les Joos ?

Ben : Pour ma part je ne les ai jamais rencontrés, et une suite de malheureux contre-temps a même fait que je les ai ratés lors de leurs deux seules tournées en Europe. C'est vraiment quelque chose que je regrette.

Howard : J’ai eu la chance de les voir jouer une première fois au festival MO'FO à Saint-Ouen (c'était en 2006 je crois), et de rencontrer David Berman dans les loges. On a un peu discuté, il essayait de parler le moins possible avant de jouer pour avoir des choses à raconter sur scène ! Mais la vraie rencontre avec eux a eu lieu en 2008 lors de leur dernier concert à Paris au Point Ephémère. Entre temps, je leurs avais envoyé notre musique et ils m'ont appelé la veille de leur concert pour me dire qu’on pourrait passer du temps ensemble quand ils arriveraient le lendemain à Paris. On a passé une journée inoubliable à discuter de la musique, de la vie à Paris et Nashville, du projet de David d'écrire un livre sur son père (le terrifiant Richard Berman, surnommé Dr Evil par les médias américains). Le soir, ils nous ont même dédié une chanson sur scène, c'était la consécration !


Google m'apprend que pour votre album Ghost Train Tragedy, vous avez demandé un dessin à David Berman. Vous m'en dites plus ?

Howard : Le dessin représente sept petites tombes (nous étions sept à l’époque) qui sont peut-être les victimes de l’accident du train fantôme qui nous avait inspiré pour notre deuxième album.


Pour votre nouvel album (Tiger meets Lion), comment vous est venue l’idée d'une participation de Cassie Berman ? Et pratiquement, comment ça s’est déroulé ?

Ben : Jusqu'ici, en dehors de notre tout premier EP, on a toujours eu des choeurs féminins sur nos albums. Comme le groupe s'est désormais resserré sur 5 garçons, on voulait garder une petite touche de féminité sur un titre. On a tout de suite pensé à Cassie, et Radio Broke a été imaginée un peu pour elle, même si au départ l'idée du duo n'était pas très claire - et on ne savait pas si elle accepterait ou comment cela pourrait se concrétiser.
Malheureusement, on n'a pas pu avoir Cassie avec nous en studio. Elle a enregistré sa prise de voix à Nashville, dans le studio d'un ami, en suivant les indications de notre producteur, Scott Colburn. Elle nous a envoyé plusieurs propositions, et Scott a fait son choix.




Silver Jews a donné son dernier concert en Janvier 2009, et David Berman a pris la décision d’arrêter de faire de la musique. Ca fait donc 5 ans. Je suis obligé de vous demander : Vous avez des nouvelles?

Howard : Ils vont tous les deux très bien. Je crois que David travaille toujours sur son livre et ne compte pas reprendre la musique pour l’instant, et Cassie travaille dans une radio country à Nashville et écrit ses propres chansons.



Je citais plus haut mes albums préférés de Silver Jews... En négatif, se dessine le fait que j'adhère moins au son des deux derniers. En terme de trajectoire, et vu de loin, je trouve qu'on pourrait établir un parallèle entre les évolutions de Will Oldham, Cat Power, Songs : Ohia, Darren Hayman, Herman Düne [André mis à part]. Mais ce serait trop long... et hors sujet. En tant qu'amateurs ET créateurs de musique, quel(le) regard/réflexion portez-vous sur le sujet de l'évolution musicale d'un groupe ? Ou disons de Coming Soon? D'autant que le son de votre nouvel album est quand même sacrément éloigné de celui des débuts...

Ben : Pour tous les groupes que tu cites, j'ai l'impression que la trajectoire en question est celle d'un son lo-fi vers quelque chose de mieux produit. Et il me semble que beaucoup de gens ressentent la même chose que toi (et certains même assez violemment, comme une trahison). Mais en même temps, je trouve toujours douteuse la volonté de faire du lo-fi pour du lo-fi, ou de reproduire à l'infini la même formule. En tant que musicien, c'est normal de vouloir présenter ta musique au public de la meilleure façon - et ça passe par une production soignée autant que possible. Et encore plus quand tu es également producteur de ton travail : quand tu paies pour du temps de studio, tu es content que ton album ne sonne pas tout pourri !
Les premiers enregistrements d'un groupe sont la plupart du temps soumis à tout un tas de contraintes et de restrictions, et c'est la façon de gérer celles-ci, de ne pas se laisser freiner par elles, qui ont fait l'originalité de l'indie rock US des années 90. Nous-mêmes, quand on a commencé, on n'avait même pas un quatre pistes, on enregistrait avec un micro de MD et on se plaçait dans la pièce à des distances différentes pour créer un semblant de mix... Forcément, ce genre de contraintes influent sur ta musique : tu auras plutôt tendance à utiliser des guitares acoustiques par exemple, et on te cataloguera plus facilement comme artiste folk. C'est sûr qu'on a parcouru du chemin depuis, puisqu'on a passé presque un mois en studio pour le nouvel album, à expérimenter avec des synthés et des boîtes à rythme, à essayer différents traitements de voix. Et je suis sûr qu'il y aura des gens pour critiquer la production de cet album, mais pour nous, on a jamais été aussi proche, avec un enregistrement, de notre musique telle qu'on la rêve. Et puis, il faut pas trop fantasmer non plus, le studio ça reste toujours du bricolage, de la bidouille. En plus, avec le développement du home-studio, la notion de lo-fi est devenue très floue, et un peu galvaudée : il y a un effet "lo-fi" sur mon sampler, censé reproduire une qualité d'échantillonnage médiocre ! Ca veut plus dire grand chose...
Pour revenir aux SJ, c'est vraiment une question de production, parce que les chansons sont toujours aussi bonnes : "Punks In The Beerlight", c'est un vrai tube, et "My Pillow Is The Threshold" c'est une des chansons les plus bouleversantes de David Berman, non ? Ce n'est pas souvent le cas, sur l'ensemble d'une carrière : il y a forcément des hauts et des bas. J'ai beaucoup de mal à m'intéresser aux nouveaux disques de Will Oldham par exemple, j'ai un peu laissé tomber à partir de The Wonder Show Of The World, alors que Lie Down In The Light c'est encore un highlight (c'est produit par Scott, et ça s'entend : il y a une approche très moderne, un vrai travail de textures, alors que c'est un album assez dépouillé et 100% folk). C'est aussi pour ça que j'admire des groupes comme Phoenix ou Animal Collective, capables de renouveler leur musique à chaque album, d'ouvrir de nouvelles voies, et de continuer à bâtir une identité. Ce genre de démarche, c'est terriblement motivant, ça ouvre de nouvelles perspectives, et c'est sûr que ça nous a beaucoup influencé dans notre propre évolution : on aurait pu faire un album semblables au précédent, mais on essaye d'éviter le piège de l'artisan appliqué à reproduire le même truc, on essaie de se mettre en danger. Travailler sur la B.O. d'une pièce de théâtre nous a beaucoup encouragé en ce sens, en nous libérant du format chanson ou des contraintes liées à un album. Ça nous a permis de tenter des choses plus expérimentales, et ça nous a aussi aidé à comprendre la façon dont on voulait intégrer l'électronique à notre musique.


Dans les groupes que je cite, il y a effectivement une trajectoire Lo-Fi to Hi-Fi (ou disons vers une production plus poussée). Je n'avais pas inclus Smog, parce que même si sa musique me touche moins maintenant (par rapport au sommet "The Doctor Came at Dawn"), j'aime toujours ses disques.
Pour lui, comme pour d'autres, je remarque aussi qu'il y a une progression notable au niveau du chant. Aujourd'hui, Chan Marshall  fait ce qu'elle veut avec sa voix, et la pose tout de suite à la note voulue. Will Oldham chante désormais beaucoup mieux...
Dernier angle possible pour analyser ces trajectoires (et c'est celui que je m'explique le moins) : le retour à une musique plus "traditionnelle". Exemple frappant : Will Oldham, justement, fan à ses début de groupes punk (ce qui pour moi a joué sur le son "Palace"). Du coup, son Best Of Palace, repris en mode country est juste horrible.

Ben : Je suis d'accord avec toi, au-delà d'une production plus propre, c'est vrai qu'il y a aussi ces deux tendances. D'un côté une évolution en tant que performer, ou que musicien - et ça je le comprends très bien, puisque nous-mêmes on en a fait l'expérience, on est devenu techniquement meilleur qu'avant, on a appris à jouer de nos instruments ensemble et élargi nos possibilités : je pense qu'on appartient, comme les artistes dont on parlait, à un courant ou une tradition musicale qui considère qu'il n'y a pas besoin d'être un musicien virtuose pour produire une musique digne d'intérêt. Mais c'est clair qu'au fil du temps, quand tu passes tes journées à composer et à chercher des trucs, à jouer avec tes potes, tu finis par devenir un peu plus musicien, même si tu n'as jamais appris tes gammes ou mis les pieds dans un conservatoire. Et, encore une fois c'est personnel, mais moi ça me semble très excitant cette évolution, parce qu'il y a une petite frustration qui doucement s'émousse, même si je préfère toujours le minimalisme et suis plutôt gêné par les démonstrations de virtuosité.
Et puis, dans le cas des artistes à tendance folk, il y a aussi, en effet, comme autre tendance, ce retour à une musique traditionnelle (presque une réconciliation si l'on considère que la grande originalité de cette scène dans les années 90, c'était justement la façon de distordre les codes de l'americana) : c'est vrai pour Bonnie Prince Billy (même si contrairement à toi j'apprécie le Best Of Palace, dans lequel je crois quand même discerner une certaine déviance par rapport à l'orthodoxie country... Ça vient peut-être des clips d'Harmony Korine!), mais ça marche aussi pour Bill Callahan par exemple. Difficile du coup de ne pas y voir un truc de génération, et d'attendre un peu la suivante : ce qui faisait en partie le charme de cette scène indie, ou de l'antifolk, c'était justement cette attitude de réaction face au folk chiant des aînés, face aux boy-scouts avec leurs guitares en bois. D'ailleurs c'est ce qui nous a fait flipper quand il y a eu le grand retour de la mode folk, qui a coïncidé avec la sortie de notre premier album, et dont on a pas mal bénéficié par ailleurs : c'est la rapidité avec laquelle le folk premier degré a rappliqué, cuisiné à toutes les sauces, avec ses biches, sa panoplie boisée et ses lutins. Alors forcément après ça, les synthés, la réhabilitation des années 80, ça a fait du bien ! Et ça + le hip-hop, ça nous a ouvert des chemins vers le r'n'b.. Mais je m'égare un peu...


*
*      *

Fin de cette interview. La discussion aurait sans doute pu se prolonger longtemps !

Merci à Ben Lupus et Howard Hugues, de Coming Soon.
Le plus incroyable dans cette histoire, c'est que ça n'est pas fini...
Car grâce à Howard, vous pourrez lire ici en début de semaine prochaines quelques mots de Cassie Berman (ce qu'on peut en toute nuance appeler une exclusivité planétaire ;-)


Coming Soon sera en concert le Mardi 6 mai au 104

mardi 25 mars 2014

Du contact des mains indiscrètes

Un des déguisements les plus subtils [de la souffrance] est l’épicurisme et un certain courage ostentatoire qui [la] prend avec légèreté et se défend contre tout ce qui est triste et profond. Il est des « hommes joyeux » qui se servent de leur gaieté pour qu’on les comprenne mal : ils veulent être mal compris. Il est des « esprits scientifiques » qui se servent de la science parce qu’elle donne une apparence de sérénité et que l’esprit scientifique permet de conclure que celui qui en fait profession est un homme superficiel : ces hommes veulent induire les autres à une conclusion erronée. Il est des esprits libres et insolents qui voudraient cacher et nier qu’ils sont des cœurs brisés, fiers et incurablement blessés; la bouffonnerie elle-même est quelquefois le masque d’un savoir douloureux et trop lucide. D'où il suit qu’on fera preuve de délicatesse en respectant « le masque » et en n’allant pas faire de la psychologie et placer sa curiosité au mauvais endroit.

Nietzsche, Par-delà bien et mal (1886)

dimanche 23 mars 2014

Par chez nous


" Il me semble que quand on grandit dans une grande barre de 500 mètres de long sur 100 mètres de haut, avec 5000 colocataires dans le même immeuble, et puis que de sa fenêtre, on voit 5000 autres fenêtres avec 5000 autres colocataires et puis qu'à gauche encore, il y a 5000 autres fenêtres et encore des barres, et que sa fenêtre à soi, quand on est dehors, on la voit c'est un tout petit cube parmi 5000 autres petits cubes, on n'a pas la même conscience de soi que quand on a une maison, ou tout simplement un chez soi qui ne soit pas le même chez soi que tous les gens que tu connaisses. "

Pascal Bouaziz (Mendelson) dans
"Les lieux de Mendelson" (Documentaire, 2002)


Autre "docu" mendelson (plus long, avec interview aux thématiques plus larges) :
Moindre poésie - http://dai.ly/xacuka

jeudi 20 mars 2014

Tiger meets Lion [Crossed Covers]

"Tiger meets Lion" est le titre du nouvel album de Coming Soon, à paraître lundi. Je saisis l'occasion pour ressortir de mes cartons de félines pochettes
(à rapprocher de celles exposées précédemment)


Crossed Covers.

Thanksgiving, welcome to nowhere (P.W. Elverum & Sun, Ltd., 2007)

Julian Lynch, Lines (Underwater People, 2013)

the Bronx, IV (ATO, 2013)

En plus commun
(voire un peu moche)

Coasting - You're never going back (M'lady's, 2011)
Chikinki, Bitten (Urban Caw, 2011)
Great Mountain Fire, Canopy (Sober+Gentle, 2012)
Mogwaï, Earth Division EP (Rock Action, 2011)

*
*    *

Quant à la pochette de l'album de Coming Soon, la voici.
Et... vous savez quoi ?
Le groupe sera en début de semaine prochaine dans ces colonnes, pour une interview thématique.
[...]

Coming Soon, Tiger meets Lion (Kidderminster)

mercredi 19 mars 2014

Quand tu t'en iras

C'est immuable, tous les six mois, les chansons de Mendelson m'appellent... et me font replonger dans sa discographie.
Je parcours à cette occasion les archives d'Arise Therefore, et, alors que je pensais avoir déjà surchargé le blog des textes de Pascal Bouaziz, je m'aperçois que pas du tout.

Etonnamment, les deux premiers albums, mes préférés, sont sous-représentés. De "L'avenir est devant", j'avais tout de même déjà cité "Histoire Naturelle"...
Mais jamais celle qui suit.
Alors que je l'aime beaucoup.
Notamment ses derniers mots (Si tu t'en allais...) jusqu'à l'euphémisme final 


Et tu m'as dit comme ça, je ne sais pas ce qui m'arrive, juste à l'instant tu vois, je sens là comme un vide. J'ai crié Mon amour à moi, qu'est-ce qui ne va pas ? Et là sans plus rien dire, tu m'as montré du doigt. J'ai fait semblant de rien, très à l'aise très en forme, j'ai remonté mes bretelles, réajusté mon bob, j'ai regardé derrière moi comme il n'y avait personne, j'ai compris que c'était moi là le vide où tout comme. Tu m'as dit mais surtout, surtout ne le prends pas mal, l'amour s'en est allé comme ces feuilles automnales, j'ai dit hein quoi pardon quoi les feuilles automnales ? Surtout ne le prends pas mal, alors j'ai dit ah bon. Mais s'il faut que tu partes un jour sans prévenir et bien j'aimerais autant que tu me quittes au plus vite. Le dernier train ce soir part à vingt heures vingt-huit, ne t'inquiète pas pour moi, je vais peut-être m'en sortir. Mais laisse-moi, laisse-moi t'embrasser une dernière fois, t'embrasser encore une fois, oui, sous les bras, si tu t'en allais, quand tu t'en iras, si tu t'en vas, j'ai peur d'être un peu triste.

Mendelson, Alors j'ai dit ah bon
L'avenir est devant (Lithium, 1997)


*
*     *


Mendelson sera prochainement à nouveau à l'honneur sur ce blog, dans la rubrique "La vidéo du dimanche soir"

mardi 18 mars 2014

It must end somewhere


Les fraises sauvages, Ingmar Bergman (1957)

*
*     *

Marianne Borg: I saw you with your mother, and I was panic-stricken.

Professor Isak Borg: I don't understand.

Marianne Borg: I thought: That's his mother. An old woman, cold as ice, more forbidding than death. And this is her son, and there are light years between them. He himself says he's a living corpse. And Evald is growing just as lonely, cold and dead. And I thought of the baby inside me. All along the line, there's nothing but cold and death and loneliness. It must end somewhere.

samedi 15 mars 2014

Let us be kind, generous, affectionate and good


Fanny et Alexandre, Ingmar Bergman (1982)

Beaucoup des grands films de Bergman passent en ce moment au Champollion... (et quelques uns de ses mineurs à la filmo, juste à côté). L'occasion est à saisir 
(parce que, perso, ça fait des années que je guette ça)

jeudi 13 mars 2014

L'instinct grégaire de l'obéissance

Si, depuis que les hommes existent, des troupeaux humains ont toujours existé (associations raciales, communautés, tribus, nations, États, Églises) et s'il y eut toujours une très grande majorité de sujets pour une minorité de maîtres, si par conséquent c'est l'obéissance qui a été le mieux et le plus longtemps inculquée aux hommes et pratiquée par eux, on peut en conclure légitimement que chacun, d'une manière générale, éprouve maintenant le besoin inné d'obéir, comme une sorte de conscience formelle qui ordonne : « Tu dois absolument faire telle chose, tu dois absolument t'abstenir de telle autre », bref : « Tu dois. » Ce besoin cherche à s'assouvir et à remplir sa forme par un contenu ; c'est pourquoi il entre en oeuvre selon sa force, son impatience et sa tension, sans choisir beaucoup, à la manière d'un appétit grossier, et accepte tout ce que les instances de commandement lui cornent aux oreilles - parents, maîtres, préjugés de classe, opinion publique. Le caractère limité de l'évolution humaine, ses hésitations, ses lenteurs, sa marche souvent rétrograde et aberrante provient de ce que l'instinct grégaire de l'obéissance est celui qui s'hérite le mieux et qu'il se fortifie au détriment de l’art de commander. 

Nietzsche, Par-delà bien et mal (1886)
(Contribution à l'histoire naturelle de la morale)


J'aurais pu m'arrêter ici (et prêter à ce texte des aspirations révolutionnaires). Mais par honnêteté intellectuelle, il me faut citer la suite. Le constat que dresse Nietzsche lui permet de réaffirmer la nécessité de l'émergence de "grands hommes" pour faire progresser une nation. 
A lecture de ce qui suit, on comprend qu'il est très facile sur la base de ses propos de justifier l'établissement d'un régime autoritaire (par opposition à une démocratie)


Imaginons que cet instinct se développe jusqu'à ses dernières conséquences ; du coup les chefs et les hommes indépendants viendront à manquer, ou bien ils souffriront dans leur for intérieur, auront mauvaise conscience, et se verront contraints, pour être en mesure de commander, de se tromper d’abord eux-mêmes en se faisant croire qu'eux aussi se bornent à obéir. Cet état de choses, de nos jours, est effectivement réalisé en Europe : c'est ce que j'appelle l'hypocrisie morale des hommes au pouvoir. Pour se mettre à l’abri de leur mauvaise conscience, ils n'ont rien trouvé d'autre que de se poser comme les exécuteurs de prescriptions plus anciennes ou plus élevées (celles des ancêtres, de la constitution,du droit, des lois, voire de Dieu) ou encore d'emprunter des maximes grégaires aux façons de penser du troupeau en se voulant, par exemple, « les premiers serviteurs de leurs peuples » ou « les instruments du bien public ». D'autre part, l’homme grégaire européen se plaît à se considérer aujourd'hui comme le seul type humain légitime et à glorifier les qualités qui font de lui un être docile, supportable et utile au troupeau comme les vertus humaines par excellence : esprit communautaire, bienveillance, déférence, diligence, sens de la mesure, modestie, indulgence, compassion. Dans tous les cas où l'on ne croit pas pouvoir se dispenser de têtes de file et de chefs, on s'ingénie aujourd'hui à substituer aux dirigeants un ensemble d'individus avisés du type grégaire : telle est, par exemple, l'origine de tous les régimes représentatifs. Malgré tout, quel bienfait pour ces Européens, pour ce bétail humain, quelle délivrance d'un malaise qui devenait intolérable, que l'apparition d'un maître absolu : c’est ce que montrèrent pour la dernière fois sur une vaste échelle les répercussions du phénomène napoléonien : l'histoire de ces répercussions est pour ainsi dire celle du plus haut bonheur auquel ce siècle ait pu atteindre dans ses meilleurs moments et dans ses hommes les plus remarquables.

dimanche 9 mars 2014

Guns without roses [Crossed Covers]

Il est temps de délester mon répertoire "Crossed Covers / update".
Je procéderai de manière progressive.

Avant de vous asséner un liste de liens, j'extrais une série constituant un article à part entière :
Des enfants... et des armes (rapprochement qu'on souhaiterait évidemment ne jamais voir)
Cet article s'inscrit dans la continuité de celui-là (Everyone who pretended to like me is gone, 2009), dans lequel on retrouvait des enfants dont l'attitude, la gestuelle ou le regard relevaient d'avantage de l'âge adulte.

J'en profite pour rappeler à l'attention de mes nouve(aux/lles) lect(eur/trice)s que toute suggestion de pochette d'album est la bienvenue !


Emperors, Stay frosty (s/r, 2012)
James, Hey Ma (Mercury, 2008)
My Tiger My Timing, Celeste (My tiger, my timing, 2012)
Battant, As I ride with no horse (Kill the DJ, 2011)

Les articles mis à jour sont répertoriés ci-après :


*
*      *

Children play in Tskhinvali,
capital of Georgia's breakaway province of South Ossetia
Picture: AP

vendredi 7 mars 2014

Il ne faut pas confondre...

...Herman Dune (David-Ivar + Néman)

Herman Düne (les mêmes, avec André, qui quitta le groupe en 2006)
[Sur la photo, oui, il y a Julie Doiron, mais c'est parce que les photos de ce line-up sont aujourd'hui très difficiles à trouver... Sans même parler de l'avant Néman]

Amen Dunes , le projet folk psyché de Damon McMahon

et Amon Düül II, groupe allemand fondateur du Krautrock au tout début des 70's 

mercredi 5 mars 2014

Ne plus te croire

"Ce n'est pas ton mensonge qui me bouleverse, mais de ne plus te croire."

Nietzsche, Par-delà bien et mal (1886)

*
*     *

Je souscris totalement à cette maxime de Nietzsche, et sans doute que toute personne mettant la "confiance" au premier plan d'une relation en ferait de même.
Car si la confiance a été entamée, si elle n'est pas complète, c'est donc que je ne peux plus porter entier crédit à la parole de l'autre.

Ne soyons cependant pas butés : rien n'est définitif, et le temps peut bien sûr effacer certains accrocs. Plus pernicieux sont les petits "mensonges" réguliers.
J'ai connu deux personnes systématiquement en retard. Conscientes de ce trait apparemment insurmontable et du désagrément récurrent qu'il engendrait, l'une conseillait de lui communiquer une heure de rendez-vous avancée (donc fausse), et l'autre d'arriver plus tard que convenu.
Sur le plan pratique, rien de bien différent, sur le plan dialectique, celà revenait donc à mentir sciemment ou à feindre d'acquiescer.
En de fréquentes occasions.
Solution que je me refusais d'adopter, en vertu de la maxime ci-dessus.
Et parce qu'il me semblait qu'alors, le statut de "bonnes connaissances" était pleinement indiqué.
(bonne connaissance => 0 attente envers l'autre... ce qui est bien aussi, hein)

Anybref...

Avant de citer des passages plus longs de "Par-delà bien et mal", j'avais aussi relevé la phrase suivante du chapitre "Maximes et Interludes" :
(Rien à voir avec ce qui précède)

La démence est rare chez les individus, elle est la règle en revanche dans un petit groupe, un parti, un peuple, une époque

lundi 3 mars 2014

Journal for plague lovers [Crossed Covers]

Vous ne le dîtes pas, et cette retenue pleine d'attention vous honore, mais je sais que la rubrique Crossed Covers vous manque.
J'ai une update massive à publier sur l'existant, sauf que la charge de travail me retient.
Alors, hop, j'improvise un article
(qui pourrait d'ailleurs être la suite de celui-ci, que je complète d'ailleurs au passage)


Andrew WK, I get wet (Island, 2002)
Crystal Castles, Alice Practice EP (Merok, 2006)
Katamine, Lag (Carrot Top, 2008)
Manic Street Preachers, Journal for plague lovers (Columbia, 2009)

La dernière pochette reprend une peinture de l'artiste anglaise Jenny Saville :


Elle avait déjà collaboré avec le groupe pour l'album "The Holy Bible"
(avec un petit côté Lucian Freud, dans ce triptyque, non?)


Benefits supervisor sleeping, Lucian Freud (1995)