mercredi 1 juin 2011

à peine une vie

Tous les êtres humains connaissent une apogée à un moment donné. Une fois qu'ils l'ont atteinte, ils ne font plus que redescendre. On n'y peut rien. Et on ne peut pas savoir non plus à quel endroit de sa vie se trouve cette apogée. On se dit que ça devrait aller encore un moment, et tout à coup, on se retrouve au niveau de la ligne de flottaison. Personne ne peut savoir. Certains atteignent leur apogée à l'âge de douze ans, et après mènent des vies sans éclat. D'autres continuent de grimper jusqu'à leur mort. D'autres encore meurent au moment de leur apogée. Beaucoup de poètes ou d'écrivains sont des malades chétifs, et meurent avant trente ans parce qu'ils ont grimpé trop vite. Mais Pablo Picasso a continué à peindre des tableaux plein de force jusqu'à plus de quatre-vingts ans, et est mort paisiblement. Jusqu'à la fin, on ne peut pas savoir.
Et moi? Je me demandais...
J'avais beau regarder en arrière, je ne voyais rien dans une vie qui ressemblât à un sommet. Ca me paraissait à peine être une vie. Il y avait bien quelques ondulations de terrain çà et là, des montées et des descentes. Mais c'était tout. Je n'avais rien fait. Je n'avais rien créé. J'avais aimé et j'avais été aimé. Mais il n'en restait rien. Le paysage était étrangement plat.

Haruki Murakami, Danse, danse, danse (1988)



Pablo Picasso, Le Pichet noir et la Tête de Mort (1946)

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