Tu crois que je ne te comprends pas? Rêver vainement d'être. Pas de paraître, mais d'être, réellement. À chaque instant, consciente, vigilante. Pourtant un abîme sépare ce qu'on est pour les autres et pour soi-même. Sensation de vertige et désir constant d'être enfin découverte, d'être mise à nu, découpée en morceaux et peut-être même anéantie. Chaque intonation, un mensonge, chaque geste, une tromperie, chaque sourire, une grimace. Se suicider? Oh non, c'est affreux. Ca ne se fait pas. Mais on peut refuser de parler. Ne plus bouger. Au moins, on ne ment pas. On peut se replier, se refermer sur soi. Alors plus de rôle à jouer, plus de grimace à faire, plus de geste faux. Du moins, on croit. Mais la réalité est obstinée. Ta cachette n'est pas étanche. La vie s'infiltre de l'extérieur et tu es obligée de réagir. Personne ne se demande si c'est réel ou non, si tu es authentique ou fausse. Il n'y a qu'au théâtre que ces questions comptent. Et encore... Je te comprends, Elisabet. Je comprends que tu te taises, que tu sois immobile, que tu aies créé une partition imaginaire à partir de cette apathie. Je te comprends et je t'admire. Tu devrais jouer ce rôle jusqu'à l'avoir épuisé. Qu'il ait perdu tout son intérêt pour toi. Ensuite tu l'abandonneras. Comme tu as quitté tes autres rôles les uns après les autres.
Ingmar Bergman, Persona (1966)
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