vendredi 16 juillet 2010

Un pot de Nutella pour les soirs de spleen...

- Vous avez faim?
- un peu, oui.
- Alors à moi de jouer
- Vous voulez que je vous montre...
- Laissez, je saurai me débrouiller.
Il s'en doutait. Heureusement qu'il a pensé à tout. Une vraie cuisine de célibataire, de jeune femme seule. Un frigo à vous tirer les larmes: yaourts à 0%, une demi-pomme enveloppée de film alimentaire, un zeste de riz, un coeur de laitue transi au fond du bac à légumes, un pot de Nutella pour les soirs de spleen... c'est touchant.
Bientôt les pommes de terre nouvelles se trémoussent dans l'eau bouillante, les oignons grelots légèrement caramélisés au sucre rissolent dans la poële où il va étendre les deux belles tranches de foie de veau de cent cinquante grammes chacune qu'il arrosera d'un filet de vinaigre balsamique et saupoudrera tout à la fin d'un pincée de persil frais haché menu. Le carrelage de céramique blanc des murs, peu habitué sans doute à ces fragrances, en rosit de plaisir. Le visage de Madeleine, la narine frémissante, apparaît dans l'encadrement de la porte.
- Mmm!... Ca sent bon!
- Installez-vous, j'apporte les assiettes dans une minute.
Le foie est cuit à point, les oignons fondent dans la bouche et les pommes de terre luisantes de beurre frais ont la douceur d'un matin de printemps.
- Ca fait une éternité que je n'avais pas mangé de foie de veau. Je ne pense jamais à en acheter. C'est délicieux... Et les petits oignons!...

Je t'invite à manger parce que j'éprouve de la sympathie pour toi. Je vais t'offrir des aliments, de la nourriture. Nous nous connaissons à peine et pourtant, à cinquante centimètres l'un de l'autre nous allons saliver, mâcher, déglutir ensemble de la viande, des légumes, du pain. Ton corps et mon corps vont partager la même volupté. Le même sang coulera dans nos veines. Ta langue sera ma langue, ton ventre mon ventre. C'est un rite ancien, universel, immuable.


La théorie du Panda, Pascal Garnier (2008)

Je suis bien incapable de vous parler de Pascal Garnier. A la lecture de ce livre, je peux juste supposer qu'il a été marqué par "Voyage au Bout de la Nuit" de Céline. Le style se rapproche, la trivialité mêlée de gravité de certaines expressions aussi... et le final.
Là où certains auteurs ponctuent leur roman de référence à des morceaux de musique, Pascal Garnier, lui, s'attache à décrire les mets et leur préparation.
(tout du moins dans ce roman)

[Merci à M. de Lyon]

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