mercredi 8 décembre 2010

une promesse intime de résonance

Trèves de geekerie, je reprends mon essai de Peter Sloterdijk un peu plus loin que là où je l'avais laissé. La bonne nouvelle, c'est que j'ai dépassé la (longue) introduction.

L'auteur s'attache maintenant à "penser l'espace intérieur", et après avoir abordé le coeur (c'est vrai, ça, d'où vient qu'il soit encore le symbole majeur et central de notre humanité?), il disserte dans un deuxième chapitre du Visage.

A partir de quand, dans l'histoire de l'Homme peut-on parler de Visage? On y parle Beauté (telle que l'a décrite / expliquée Platon - p156/157), premiers exemples de communication interfaciale (entre mère et enfant - p185), apparition des visages dans l'Art (car vous aurez noté que les hommes préhistoriques ne les représentaient pas), ce qui nous amène à la religion.

S'en suit ici une analyse comparative très intéressante des visages de Jesus (souffrant) et Bouddha (souriant), que je vous livre ici en partie.



Pour ce qui concerne l'univers de l'Asie orientale à l'époque des civilisations hautement avancées, on ne saurait surestimer l'importance des représentations de Bouddha pour la constitution d'icônes directrices. Tout comme, dans le cercle culturel chrétien, les crucifix et les icônes de la transfiguration ont imprimé leur forme, au fil de longs processus de modélisation sur les visages et les visions des Européens, les mondes indien, indochinois, chinois et japonais ont eux aussi reçu une profonde impulsion de protraction de la plastique faciale à travers les portraits du "Pleinement éveillé". Au fil d'un processus de modelage physionomique qui s'est étalé sur au moins soixante générations, le Bouddha représenté en méditation a entraîné dans son sillage les visages des moines et des méditatifs de tout état ; son icône nirvanique a gravé sur tout un cercle culturel le message de la dignité de la posture assise, en méditation, les yeux fermés. Cette position représente la forme la plus sublime qu'ait prise le paradoxe ontologique de l'ouverture au monde en l'absence du monde. [...] Bien qu'il soit constamment représenté comme un visage silencieux, il contient, pour chaque observateur, une promesse intime de résonance parce que, dans son calme vivant et alerte, il montre le visage de la compassion et de la joie partagée. Sa concentration communique une forme démultipliée de la joie [...] Contrairement au visage du Christ, qui se donne pour objectif ou bien la souffrance finale, ou bien la représentation de la transcendance, le visage de bouddha montre le pur potentiel d'une possibilité absolumment immanente d'être touché par ce qui se passe devant lui.

Peter Sloterdijk, Sphères (1998)

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