dimanche 24 janvier 2010

Time line

"La Montagne Magique" était le roman du temps qui s'étire et ralentit, "100 ans de solitude" est celui du temps cyclique. On suit donc sur cette période l'histoire d'une famille (et en toile de fond, celle d'un village) aux multiples descendants, dont les destinées semblent vouées à reproduire celles de leurs aïeux. Le fait que chez les Buendia, les prénoms se transmettent à travers les générations renforce cette impression et ajoute à la confusion. Sans compter que la narration n'est pas toujours linéaire [...]

Si j'établis le parallèle avec le roman de Thomas Mann, c'est que dans les deux cas, l'écriture donne à ressentir la perception du temps que l'histoire elle aussi décrit.


Dernier extrait de ce roman dans ce blog, sans rien à voir à mon introduction.

"C'est le cirque!" s'écria-t-elle.
Au lieu de continuer en direction du châtaignier, le colonel Aureliano Buendia se dirigea lui aussi vers la porte de la rue et se mêla aux curieux qui contemplaient le défilé. Il vit une femme toute costumée d'or sur la nuque d'un éléphant. Il vit un dromadaire mélancolique. Il vit un ours vêtu en femme de Hollande qui marquait le rythme de la fanfare avec une louche et une casserole. Il vit des clowns faire des pirouettes en queue de défilé, et il vit à nouveau le misérable spectacle de sa solitude quand tout fut passé et qu'il ne resta plus rien à voir que la plage lumineuse de la rue, l'air rempli de fourmis volantes et quelques curieux penchés au bord du gouffre de l'incertitude. Il se rendit alors sous le châtaignier, pensant au cirque, et voulut continuer d'y penser tout en urinant, mais il n'en retrouva déjà plus trace dans ses souvenirs. Il rentra la tête dans ses épaules comme les poussins et demeura immobile, le front contre le tronc du châtaignier. La famille ne fut au courant que le lendemain, quand Sainte Sophie de la Piété voulut se rendre au fond du jardin pour vider les ordures et eut son attention attirée par le vol d'urubus qui descendait.

100 ans de Solitude, Gabriel Garcia Marquez (1965)

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