dimanche 29 novembre 2009

le grand et le seul avantage des myopes

Il y a encore des tas de textes de chansons de Mendelson que je souhaiterais encore publier ici. Deux/Trois, en réalité, en étant sélectif. Comme je ne veux pas vous laisser penser que je cède à la facilité en vous balançant des copier-coller du même artiste, ces textes sont pour l'heure à l'état de brouillon dans blogspost, et je diffère leur publication.

En plus, ils sont plutôt sombres, et autant vous faire sourire. Avec le même auteur! et un texte, rédigé pour la revue annuelle MiNiMuM R0CK'N'R0LL, dont le thème cette fois est : Binocles, oeil de biche & verres fumés - Rock & Lunettes.

Un texte assez drôle (comme sait l'être Pascal Bouaziz) qui démarre au Liban, en 2003. Le narrateur, un peu saôul, fait trempette dans la mer, perd, retrouve, puis reperd ces lunettes.

La mission du lendemain: se rendre chez un opticien.
Couleur locale (ou presque)

Au milieu des immeubles à moitié reconstruits avant de se voir de nouveau re-bombardés, au milieu des trous dans les murs, des immeubles champignons pas finis, pas peints, sans fenêtre, sans dernier étage pour pas payer les impôts ou une astuce comme ça… Au milieu, t'as le « Starbucks Coffee » avec le dernier disque de McCartney. Derrière les tentes, installées sur la place des Martyrs, t'as le centre-ville refait avec les boutiques de luxe pire que avenue Montaigne. Sans compter la hype, mon ami, sans compter la hype… Des boutiques genre Colette en veux-tu en voilà… Tu débarques de Bastille direct à Beyrouth, t'es has been avant même d'avoir atterri à l'aéroport. Essaye même pas.


Et maintenant, la visite chez l'opticienne (pour le coup) qui m'amuse d'autant plus que j'étais dans ce genre de boutiques, hier.
Big up à tous les lunetteux et aux habitants du quartier de Bastille
.


Ça a toujours été, c'est vrai, le grand et le seul, d'ailleurs, avantage des myopes… Avec des lunettes on peut choisir de ne plus rien voir du tout… Suffit de les enlever. À Paris, dans le métro. Dans la rue. Au repas de Noël… Toutes ces horreurs… Si t'es myope, t'as le choix. Tu souris, t'enlèves tes lunettes. Les gens autour de toi sont contents : tu souris. Ils ne peuvent pas savoir que si tu souris, c'est parce que tu les vois pas… L'opticienne ? Faut pas que je rate. Je rase les murs. Je lis de près les enseignes. Je me cogne dans les devantures… Ah tiens c'est là. Son nom à l'opticienne, c'est Douce… C'est son nom. C'est joli comme nom, c'est tendre et c'est joli. Je ne vois pas très bien. Mais je vois bien qu'elle aussi, elle est plutôt jolie. Enfin… Jolie ? Plutôt grande. En treillis. Un peu baraquée quand même… Genre branchée. Mais pas commode. Genre comme à Bastille. Mais au Liban. T-shirt customisé. Tennis surfilées d'un genre de marque, là… Sur son poste, mini ghettoblaster, dans sa boutique elle écoute des trucs genre The Hood remixé par Busdriver avec en featuring des néofolks bouddhistes qui jouent du mélodica… ce genre. Comme à Bastille. Mais au Liban. Sur son petit bureau design elle a des bouquins sur l'architecture, des manuels de sagesse orientale… Comme à Bastille. En bien baraquée quand même. Je peux dire, même si j'ai pas mes lunettes. Enfin tout comme à Bastille mais au Liban, quoi…
Sympa ? C'est difficile à dire. Elle fait de l'aïkido. Paraît qu'elle est championne d'aïkido. C'est ma belle-mère qui m'a dit. J'ose à peine penser des trucs dans ma tête, genre « comme à Bastille mais au Liban », de peur qu'elle m'en allonge une. Comme ça pour punir. Direct. Ils sont comme ça les Chinois ! Ils pardonnent pas. (Surtout les Japonais…) Surtout ne pas penser à rien. Pas les Chinois, non. (Surtout pas les Japonais.) Tu fais rien ! Tu vois rien. Tu ne penses pas. Elle me parle. Je souris. Très, très, gentil. Je suis très gentil.
-Vous n'avez jamais essayé les lentilles ? qu'elle me dit.
Des lentilles ??? Non mais pour qui elle me prend, coconne ? Je suis pas un petit coquet, moi ! Je suis pas un petit mignon de ses petits copains de chanteurs à la con… Des lentilles ! Non mais je te jure. Elle a de la chance de faire de l'aïkido ! Moi, un mec comme moi, des lentilles ! Non mais elle m'a pris pour quelqu'un qu'habite à Bastille ou ce genre ou quoi ?
-Des lentilles… ? Ah non, j'ai jamais essayé… (Petit sourire gêné et gentil comme tout.)
-C'est dommage, ça vous irait bien, vous avez de beaux yeux…
-Ah bon?Ah oui?
Mais comme elle gentille ! C'est vrai que j'ai de beaux yeux. Comme elle est gentille ! Et puis jolie avec ça ! (Il paraît qu'elle fait de l'aïkido…)
Des lentilles ? Bah oui pourquoi pas… Après tout c'est vrai que j'ai de beaux yeux ! C'est dommage de priver les gens. Je veux dire. Ça serait pas pour moi ! Je ne suis pas coquet ou ce genre… Mais les gens ? Ils méritent mieux que ça. C'est pour eux quoi…
-Vous voulez essayer ?
-Ah bon ?
-Oh comme vous êtes courageux. Vous vous laisser toucher les yeux comme ça ! Oh vous êtes très courageux !
Mais qu'elle est gentille ! C'est pas vrai comme elle est gentille. C'est vrai que je suis courageux ! Hé, moi, les lentilles ! Rien à foutre ! Ça me fait pas peur. Hé ouais mon pote ! Je suis comme ça moi. Je suis hyper courageux. On me touche les yeux hyper facile. (Surtout quand t'es une fille et que tu fais de l'aïkido.)
-Alors voilà on commande les lentilles et puis ces lunettes là. N'est-ce pas ?
-Oui mademoiselle… Merci mademoiselle… Comme vous êtes… À demain… Mademoiselle… Merci encore…


Le traître, Mendelson extrait de
MiNiMuM R0CK'N'R0LL Tome 5 - Binocles, Oeil de Biche et verre Fumés
minimumrocknroll.free.fr

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