lundi 16 novembre 2009

De la somme intérieurement organisée des tensions voulues

En août dernier se terminait à Beaubourg la super exposition consacrée à Kandinsky, que j'évoquais alors en images.

Ses oeuvres étaient présentées dans l'ordre chronologique, ce qui laissait apprécier la trajectoire de l'artiste, autant guidée par son intuition que son raisonnement.
J'apprenais qu'il avait été professeur au Bauhaus (dans années 20), et me dis que mince ça devait quand même être bien d'avoir Kandinsky pour prof.

C'est ce qui m'a mené à la lecture de son ouvrage théorique "Point - Ligne - Plan", dont je livrerai ici quelques extraits. L'ouvrage est sous-titré "pour une grammaire des formes".

Kandinsky commence sa grammaire par le Point. Viennent ensuite la ligne, et enfin le plan, mais là, ça devient franchement difficile à suivre. Même en relisant.

Commençons par le début.



Le point s'incruste dans le plan originel et s'affirme à tout jamais. Ainsi est-il intérieurement, l'affirmation la plus concise et permanente, qui se produit brièvement, fermement et vite.
C'est pour cela que le point est au sens extérieur et intérieur l'élément premier de la peinture et spécifiquement des arts "graphiques".
La notion d'élément peut être interprétée de deux façons: comme notion extérieure ou intérieure.
Extérieurement toute forme graphique ou picturale est un élément. Intérieurement ce n'est pas la forme, mais sa tension vivante intrinsèque qui constitue l'élément.
En effet, ce ne sont pas les formes extérieures qui définissent le contenu d'une oeuvre picturale, mais les forces - tensions qui vivent dans ces formes.
Si, subitement, par un mauvais sort, les tensions disparaissaient ou s'évanouissaient, l'oeuvre vivante disparaîtrait aussitôt. D'autre part, tout assemblage fortuit de formes diverses deviendraient une oeuvre. Le contenu d'une oeuvre s'exprime par la composition, c'est-à-dire par la somme intérieurement organisée des tensions voulues.
Cette affirmation paraissant si simple a pourtant une importante signification de principe: son acception ou son refus ne divise pas seulement les artistes contemporains mais aussi tous les hommes de notre époque en deux catégories opposées:
1. ceux qui admettent le non-matériel ou le spirituel en dehors des concepts matériels et
2. ceux qui ne veulent rien admettre qui ne soit matériel

Pour cette deuxième catégorie l'art ne peut exister, et c'est pour cela qu'ils nient même le mot "art" et cherchent à le remplacer.
De notre point de vue on devrait faire une distinction entre Element et "Elément", en comprenant par "Elément" la forme dépourvue de tension, et par Element la tension contenue dans cette forme. Ainsi les éléments sont abstraits, au sens profond, et la forme même est "abstraite". S'il était effectivement possible de travailler avec des éléments abstraits, la forme extérieure de la peinture contemporaine changerait profondément, ce qui ne signifierait pas que toute peinture deviendrait superflue : car même les éléments picturaux abstraits garderaient leur valeur picturale, tout comme les éléments de la musique.



Je m'arrête sur ce passage, qui, à le relire, donne sa définition de l'art abstrait: l'intériorité des formes y priment sur leur perception.
De la "beauté intérieure"...

Point Ligne Plan, Wassily Kandinsky (1926)

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