Quand pour la dernière fois vous êtes-vous senti plongé dans les "ténèbres"?
Les ténèbres étaient d'une densité terrifiante.
Impossible de discerner le moindre contour dans cette muraille d'encre. Je ne voyais pas mon propre corps. Il était difficile d'imaginer qu'il pût y avoir quoi que ce fût derrière ce néant noir.
Dans des ténèbres aussi totales, on ne peut envisager sa propre existence autrement que comme un pur concept. Mon corps s'était dissous dans les ténèbres, et ce concept de "moi" sans substance flottait dans l'air comme un ectoplasme. Libéré de mon corps physique mais sans nouveau lieu où m'incarner, j'errais dans un univers de néant, sur l'étrange frontière entre rêve et réalité.
Je restai un moment figé sur place. Privé de mes sens habituels, je me sentais paralysé. Brusquement plongé au fond de l'océan. J'essayai d'adapter un peu ma vision à l'obscurité, en vain. Les ténèbres auxquelles les yeux s'habituent ne sont pas de vraies ténèbres. Ici, j'avais à faire à des ténèbres totales, sans le moindre interstice lumineux, comme d'innombrables couches de peinture noire.
Danse, danse, danse - Haruki Murakami (1988)
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