samedi 5 mars 2011

Combien de temps durera ce toujours?

Dernier extrait de Richard III sur Arise therefore.
L'un des moments les plus intenses de la pièce, dans la mise en scène de David Gauchard, est cette joute verbale entre la Reine Elisabeth, veuve du roi Edouard IV, et Richard, meurtrier sanguinaire.
La tension est renforcée par la guitare d'Olivier Mellano, qui en fait une scène que j'aimerais beaucoup pouvoir revoir.

Ne doutant de rien, Richard se voit déjà épouser la fille de la Reine Elisabeth, alors même qu'il est l'assassin de feu le roi Edouard IV, père de la première, épouse de la seconde.

LA REINE ELISABETH — Que ferais-je bien de lui dire? que le frère de son père voudrait être son mari? Lui dirai-je que c'est son oncle, ou que c'est le meurtrier de ses frères et de ses oncles? Sous quel titre te vanterai-je, que Dieu, la loi, mon honneur et sa tendresse puissent rendre agréable à ses jeunes années?
LE ROI RICHARD — Montre-lui le repos de l'Angleterre dans cette alliance.
— Repos acquis par elle au prix d'éternels troubles!
— Dis-lui que le roi, qui peut commander, la supplie
— De consentir à ce que le Roi des rois défend.
— Dis-lui qu'elle sera une haute et puissante reine.
— Pour en déplorer le titre, comme sa mère.
— Dis-lui que je l'aimerai toujours.
— Mais combien de temps durera ce toujours?
— Jusqu'à la fin de son heureuse vie, et de plus en plus tendre!
— Mais combien de temps sa tendre vie sera-t-elle heureuse?
— Autant que le ciel et la nature la prolongeront.
— Autant qu'il plaira à l'enfer et à Richard.
— Dis-lui que moi, son souverain, je suis son humble sujet.
— Mais elle, votre sujette, abhorre une telle souveraineté.
— Appuie-moi auprès d'elle de ton éloquence.
— Une honnête proposition, pour être agréée, n'a besoin que d'être simplement dite.
— Dis-lui donc en termes simples mon amoureuse proposition.
— Dire simplement ce qui n'est pas honnête, c'est impudent.
— Vos raisons sont par trop superficielles et par trop vives.
— Oh, non! Mes raisons ne sont que par trop profondes et trop funèbres. Il n'est que trop profond et trop funèbre, le tombeau de mes pauvres enfants!
— Ne touchez pas cette corde, madame. Cela est passé !
— Je la toucherai, jusqu'à ce que la corde du cœur éclate.
— Eh bien, par mon saint George, par ma Jarretière, par ma couronne...
— Tu as profané l'un, déshonoré l'autre, usurpé la troisième.
— Je jure...
— Par rien; car ceci n'est pas un serment. Ton saint George profané a perdu sa dignité sacrée; ta Jarretière souillée a laissé en gage sa chevaleresque vertu; ta couronne usurpée a souillé sa gloire royale. Si tu veux faire un serment qu'on puisse croire, jure donc par quelque chose que tu n'aies pas outragé.
— Eh bien! par le monde.
— Il est plein de tes forfaits hideux!
— Par la mort de mon père...
— Ta vie l'a déshonorée!
— Alors, par moi-même...
— Tu t'es toi-même avili!
— Eh bien alors, par Dieu...
— C'est Dieu que tu as le plus outragé. Si tu avais craint de rompre un serment fait en son nom, l'union qu'avait formée le roi ton frère n'aurait pas été rompue, ni mon frère égorgé. Si tu avais craint de rompre un serment fait en son nom, l'impérial métal qui entoure maintenant ta tête aurait orné les jeunes tempes de mon enfant; et ils seraient ici vivants, ces deux tendres princes qui maintenant, camarades de lit de la poussière, sont devenus la proie des vers, par ta foi violée ! Par quoi peux-tu jurer à présent?
— Par l'avenir.
— Tu l'as outragé dans le passé. J'ai moi-même à verser bien des larmes avant de laver le temps futur de tes outrages passés. Les enfants dont tu as tué les parents vivent pour déplorer dans leur vieillesse leur jeunesse abandonnée; les parents dont tu as massacré les enfants vivent pour déplorer avec leur vieillesse leur antique souche desséchée. Ne jure pas par l'avenir : car tu en as abusé, avant de l'user, par un passé mal usé.

William Shakespeare - Richard III (1597)

Pour ceux d'entre vous qui souhaitent se faire une idée de la pièce, un extrait musical est visible ici... Enfin, sur le site de la Compagnie de l'Unijambiste, on apprend avec bonheur que le cycle mêlant Shakespeare et Arts Numériques s'achèvera par le Songe d'une Nuit dété.

2 commentaires:

  1. J'aurais bien voulu voir la pièce avec l'accompagnement musical de O.Mellano! Quand l'as tu vu? Est ce que tu sais s'ils repassent par Paris un jour?

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  2. Debut fevrier... Pas de date supplementaire a Paris, mais la piece sera jouee le 12 avril a Compiegne. Et limite, je me tâte pour y retourner.

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