vendredi 10 mars 2017

Le voile d’un patriotisme ardent

En bon fan de Shakespeare, je suis toujours ravi quand une de ses pièces méconnues se monte. Pourquoi en effet toujours donner à voir les 7-8 mêmes, alors qu'il en existe tant d'autres ?
Peut-être parce qu'elles sont moins réussies... ou de moindre portée...

Dans Timon d'Athènes, le metteur en scène Cyril Le Grix a néanmoins trouvé des résonances avec notre époque : lorsqu'un monde sans "fraternité économique" (on dirait aujourd'hui "justice sociale") périclite, mené à sa perte par une caste de puissants. Selon lui, dans cette pièce, "Shakespeare met en évidence les dispositifs par lesquels une société guidée par l’avidité, l'avarice et la thésaurisation à outrance, pervertit la sphère politique, enfante la guerre et détruit notre planète."

Bénéficiant d'une traduction *relativement* récente, le texte, dans ses allusions à la "politique" prend une certaine saveur.



À merveille ! Votre Seigneurie est un admirable coquin ! Le diable n’a pas su ce qu'il faisait en faisant l’homme politique : il s’est fait tort ; et je ne puis m’empêcher de penser qu'au bout du compte la scélératesse de l’homme le blanchira lui-même. Comme ce seigneur cherche à colorer sa bassesse, et copie de vertueux modèles pour justifier sa méchanceté ! ainsi font ceux qui, sous le voile d’un patriotisme ardent, voudraient mettre des royaumes entiers en feu ! Tel est le caractère de cet ami politique. 

En VO maintenant :

Excellent! Your lordship's a goodly villain. The
devil knew not what he did when he made man
politic; he crossed himself by 't: and I cannot
think but, in the end, the villainies of man will
set him clear. How fairly this lord strives to
appear foul! takes virtuous copies to be wicked,
like those that under hot ardent zeal would set
whole realms on fire: Of such a nature is his
politic love.


William Shakespeare, Timon d’Athènes (1608)
Adaptation et mise en scène Cyril le Grix
Jusqu'au 2 avril au Théâtre de la Tempête

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