vendredi 3 mai 2013

Un nouveau jour se lève

Une traversée du Marais m'amenait hier à saluer aux côtés de M.Chat la mémoire de Chris Marker, décédé le 30 juillet dernier.


Puisque j'en suis à raviver la rubrique nécro, je voudrais ici signaler le bel et complet hommage à Jason Molina rendu par Guillaume (qui laisse des commentaires ici parfois) sur Popnews.

Autres nouvelles de la vie du monde "indie" :
Kim Gordon [Sonic Youth] revient sur sa séparation avec Thurston Moore dans Elle (US)
Ca ne va pas nous aider à nous en remettre.

Plus réjouissant: Win et Régine (Arcade Fire) sont les heureux parents d'un petit garçon né il y a quelques jours maintenant :

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Poursuivant mon périple, j'entrais chez Fleux, et identifais immédiatement dans la bande-son du magasin "Kané" de Fauve, suivi de "4000 îles". Il faut dire qu'après avoir écouté une trentaine de fois leur Blizzard EP (à paraître le 20 mai), je suis pas mal calé.

Fauve, je vous en parlais ici en octobre dernier.
Après avoir surtout existé sur les réseaux sociaux (avec le soutien du Mouv', soyons sport), leur permettant de remplir une dizaine de salles parisiennes avant un Bataclan complet en juin, il est clair qu'ils atteignent désormais les couches mainstream
(vus sur Canal +, par exemple, ou dans nombre de festivals cet été).
Ils demeurent pourtant auto-produits.

A ceux d'entre vous qui ne les connaîtraient pas, dépassez l'impression de buzz spéculatif que vous pouvez ressentir, et écoutez.
Si je devais chroniquer leur disque, voici ce que j'écrirais.


Il me semble que la sincérité du propos devrait désarmer toute critique tentée de pointer du doigt un lyrisme adolescent facile.

Certes, le clip de Blizzard (enfin en ligne) ne va pas aider. Haters gonna hate.
Même bémol que pour "Nuits Fauves": je trouve le déroulé trop narratif / immédiat / signifiant, à tel point que la vidéo brouille l'écoute (IMO).
Sans compter la césure, qui tombe au mauvais moment

Le morceau est néanmoins excellent.


Tu nous entends le blizzard?
Tu nous entends?
Si tu nous entends
Va te faire enculer !
[...]
Tu nous entends la Mort?
Tu nous entends?
Si tu nous entends, sache que tu ne nous fais pas peur
Tu peux tirer tout ce que tu veux
On avance quand même
Tu pourras pas nous arrêter
Et on laissera personne derrière
On laissera personne se faire aligner
Tout ça, c'est fini !
[...]
Tu nous entends l'Amour?
Tu nous entends?
Si tu nous entends, il faut que tu reviennes
parce qu'on est prêts, maintenant

*
*    *


Après de multiples échecs cet automne et cet hiver aux portes de différentes salles (Pop in, Maroquinerie, International, Nouveau Casino), j'ai fini par voir Fauve à la Maison de la Radio le mois dernier.
J'avais également un instant songé tenter ma chance à Tourcoing... pour un plateau Fauve + Mendelson.

Quelle affiche (trans-générationnelle) !
J'aurais bien aimé assister à la juxtaposition des deux univers.

Mendelson, je vous en parle très souvent, et il fait pour moi parti des artistes français majeurs. Son prochain album (triple) paraît début mai, autant dire une grande nouvelle pour moi.

Sauf qu'après de multiples (tentatives d') écoutes, il se révèle un poil trop austère. Musicalement, et dans les textes (C'est pourtant quelqu'un qui adore "Quelque part", et le CD rouge de "Personne ne le fera pour nous" qui vous dit ça)

Chez Fauve, tutoiement rime avec encouragements

Et puis comment je ferais sans toi, moi?
Et puis comment l'univers il ferait sans toi?
[...]
Ca va aller, je te le promets, ca va aller.
Parce qu'on est de ceux qui guérissent,
de ceux qui résistent,
de ceux qui croient aux miracles


et seul le "je" s'auto-déprécie parfois. A cette lumière, il est intéressant de relever l'approche différente de Mendelson. Par exemple tout au long des 54 minutes et 26 secondes de "Les heures" (la "suite" de "Monsieur", paru en 2000)

On y trouve des lignes glaçantes :

Le désespoir est devenu cette habitude
vaguement même agréable
une croûte qu'on aime à se gratter
parfaitement supportable
et parfaitement supportée
Habituelle et confortable
comme un médicament
comme un cachet qui maintient ahuri, somnolent
tout est pareillement égal


Le tutoiement (celui d'une voix intérieure) s'acharnera pendant toute la durée du morceau sur le pauvre homme


Tu regardes ta vie comme on regarde une catastrophe naturelle 
Comme on regarde un incendie à l'abri des flammes, épargné
Comme on regarde une vague gigantesque depuis son poste de télé
Tu regardes ta propre vie comme on regarde son passé
Comme tu regardes cette impasse sur ce chantier dévasté
Devant qui les gens passent, et passent les années
Et chaque jour te craquelle, et chaque jour te moisit


Vous l'aurez senti, ça plombe sévère ("ton avenir te méprise").
J'attends d'avoir reçu l'album, et vu Mendelson sur scène avant de me faire un avis global. En effet, la lecture des textes paraît indispensable pour la bonne appréhension de l'objet (qui à l'écoute seule, requiert une attention extrême).
Je pressens que la qualité littéraire est au rendez-vous.

Dans "les heures", la voie intérieure parviendra finalement à détacher son interlocuteur de sa propre existence, introduisant ainsi l'usage de la 3ème personne. 

Cet homme que tu ne veux plus être
Continuera de regarder le monde qui est pour tout le monde 
Mais qui n'est pas pour lui
Laisse-le regarder sa vie comme si c'était le pire de ce qu'il fallait vivre
Laisse-le, ce n'est plus ton problème
C'est le problème de cet homme que tu ne veux plus regarder
Qui continue à croire que le destin l'a roulé
Sans voir que son destin, c'est lui qui l'aura dessiné


Et ce n'est qu'à la toute fin, que l'on entendra un "Je", compagnon d'un ultime voyage.

Regarde, la vie s'écroule 
[...]
C'est la  fin du monde
Tout s'écroule
Même ton ombre
Il n'y a plus que toi
Je t'attends
Je t'observe
Je te vois
De l'autre côté des décombres
On dirait des dunes au bord de la mer
Tu grimpes par-dessus les gravas
Le vent te souffle en plein visage
Il est 11h30 ce dimanche
Bizarrement, de ce côté-ci du monde
C'est comme si quelqu'un avait allumé la lumière
Un nouveau jour se lève
Tu regardes et tu ne reconnais pas
Tu vas y aller
Tu es en train d'y aller
Tu y vas

*
*    *


Dernière chose avant de refermer cet article beaucoup trop long, histoire de terminer sur une note plus enjouée.

Avec Dailymotion dans l'actualité ces derniers jours, on a beaucoup entendu l'expression "joyau français". Je veux dire ici que l'un des véritables joyaux français, c'est Hold Your Horses !
Pas d'actualité (annoncée), juste un concert sensas' hier à l'International.
Musicalement, il y a tout, et je me demande bien pourquoi ils font pas des Cigales sold out (entre Violent Femmes, Modest Mouse, Arcade Fire ou Efterklang).




Fauve, Blizzard
Blizzard EP (autoproduit, 2013)

Mendelson, Les heures
s/t (Ici d'ailleurs, 2013)

Hold your horses, every moment we spent talking is an island that we lost
Apologize EP (autoproduit, 2012)

5 commentaires:

  1. Article très intérressant - malgré ou grace à ? - la longueur :) Et parfaitement taggé en plus!
    J'ai hate de recevoir ma commande du Mendelson (envoyée aujourd'hui apparement)... et de pouvoir commander le EP de FAUVE (ou ça?)

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  2. "Si je devais chroniquer leur disque, voici ce que j'écrirais."

    Genre ... ;-)

    Sinon, je trouve que bEN fait beaucoup de compliments ... c'est louche !

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  3. Gui Andthetruc4 mai 2013 à 12:45

    Hej !
    Merci pour la pub ! J'aime bien les renvois d'ascenseur.
    Tout à fait d'accord avec toi pour le Mendelson : un peu trop dur et volontairement difficile d'accès. Les heures par exemple est difficile à écouter : je ne l'ai fait qu'une vraie fois.
    La musique est vraiment hardcore à se fader. C'est un dommage. On retrouve un peu les même défauts que sur le dernier Scott Walker.
    J'ai commandé le double vinyle et tout mais finalement il manque un DVD de l'enregistrement : je crois que c'est de les voir jouer qui manque à l'écoute pure. Les quelques vidéos de l'enregistrement aperçues dans les teasers sont finalement assez intéressantes : on voit Pirès magouilller des trucs électro derrière sa batterie etc...
    C'est un peu dommage j'adore la fin de Les heures, la Force quotidienne du mal et quelques autres trucs mais ça demande une vraie concentration. Difficile quoi.
    J'ai rédigé plus d'une page de questions à Bouaziz et Vincent A de POPnews est allé en itw. Je ne sais pas s'il a pu tout poser, si Bouaziz a eu le temps de répondre à tout et... On verra.
    Tu le reçois quand à RCP ?

    Au fait, j'ai pris en compte ta remarque sur Arab Strap ! C'est drôle, je croyais avoir autre chose de plus précis...

    Sinon, ça roule et nous ne sommes pas, encore, aussi réjouis que Win et Régine ! ;)

    Moult bises à toi et ainsi qu'aux rédacteurs de commentaires ici présents.

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  4. Pour moi, le meilleur morceau, c'est "D'un coup". Grand texte, avec un accompagnement musical qui fonctionne bien. Il est certes sobre, mais bien moins ardu que sur l'ensemble des autres morceaux.

    Disons que ça se rapproche de "Quelque Part" / "Personne ne le fera pour nous"...

    Je te raconterai le concert !

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