dimanche 20 mai 2012

De la BFMisation de la télévision

Et dire que j'ai loupé le duplex-qui-ne-sert-à-rien-devant-la porte-fermée-du-bureau-de-François Hollande-à-Tulle...

Live, live, live. Duplex, duplex, duplex. Poursuite, poursuite, poursuite. Rien à dire, rien à voir, rien à entendre. Mais ça dure, dure, dure. Sept heures de direct pour suivre l’investiture de François Hollande. Sept heures, les gars ! En sept heures, Usain Bolt vous fait comme qui rigole les 252 kilomètres entre Paris et Couzon (Pour quoi faire ? Y visiter la maison où Jeanne d’Arc aurait séjourné, voyons, il est comme ça, Usain). Mais on s’égare, pouf, pouf : sept heures de direct, donc, passées à scruter le nouveau président de la République, à guetter un signe, à espérer un mot. A remplir des vides béants de paroles creuses. Là, vous nous apostrophez : «Hé, Docteur, tu serais pas en train de nous inventer la chaîne info, là ?» Déjà, on pourrait céder au plaisir d’un bon mot en vous rétorquant que, vu comment elles ont couvé Hollande de leur amour mardi, on devrait plutôt parler de chaînes nymphos. Déjà. Ensuite, combien de fois on vous a dit que c’était pas poli d’intervenir dans les articles des gens, combien de fois, hein ? Et pis surtout, figurez-vous qu’on ne parle pas des chaînes info mais de TF1 et France 2. Ah, on la ramène, moins, là. Oui, sept heures de direct mardi sur TF1, presque autant sur France 2. Ce qui, outre les dommages collatéraux pour les fans des Feux de l’amour qui ne sauront jamais qu’Amber-Rose est en réalité le père de Brandon John III Jr , nous amène à ce constat définitif. Il y avait la cristallisation, comme dit Stendhal ; il y a désormais la BFMisation, comme on dit nous.


Isabelle Roberts, Raphaël Garrigos dans Libération du 18/05/2012

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