Les livres de Queneau sont truffés de calembours, de tournures, d'astuces littéraires des drôles et subtiles, tant et si bien que chaque page prête à sourire au moins une fois.
C'est tout du moins le souvenir que j'avais de ce livre, que j'ai en effet récemment RElu, pour le plaisir, comme on relirait finalement une BD (certaines situations se prêteraient d'ailleurs facilement à être dessinées par Gottlib).
Aujourd'hui, je confirme.
On retrouve donc dans cet extrait Cidrolin, paisible habitant d'une péniche à Paris, occupant ces journées à révâsser, à dormir, à boire de l'essence de fenouil, à repeindre la barrière menant à son embarcation ou - comme c'est la cas ici, à répondre à des touristes égaré(e)s:
- Et ce campigne? Vous allez finir par me dire où il perche?
Cidrolin fit des gestes qui déterminèrent la situation du lieu à dix centimètres près.
- Je vous remercions, dit l'Iroquoise canadienne, et je vous prions de m'excuser d'avoir troublé votre sieste, mais on m'avait dit que les Français étaient si obligeants.., si serviables...
- C'est un on-dit.
- Alors je me suis permise...
- Permis.
- Permis? Pourtant... l'accord du participe?
- Vous y croyez encore?! Comme à la serviabilité et à l'obligeance de mes compatriotes? Seriez-vous crédule, mademoiselle?
- Comment? il ne faudrait plus croire à la grammaire française?... si douce... si pure... enchanteresse... ravissante.... limpide...
- Allons, allons mademoiselle, vous n'allez pas pleurer pour si peu. Tenez, pour vous réconforter, ne voulez-vous pas prendre un petit verre d'essence de fenouil à bord de ma péniche?
- Nous y voilà! un satyre! ça aussi, on me l'avait bien dit. Tous les Français...
- Mademoiselle... croyez bien...
- Si vous pensez, monsieur, que vous parviendrez à vos fins trombinatoires et lubriques en me dégoisant de galants propos pour m'attirer dans votre pervers antre, moi, pauvre oiselle, pauvre iroquoiselle même, ce que vous vous gourez, monsieur! ce que vous vous gourez!
Faisant aussi sec demi-tour, la jeune demoiselle regrimpa le talus en mettant en évidence l'harmonieuse musculature de son arrière-train.
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