Paris, Gare d'Austerlitz. Gabriel attend sa nièce. Avec la chaleur, les odeurs, l'ambiance s'électrise, et certains propos désobligeants se font entendre.
Le ptit type examina le gabarit de Gabriel et se dit c’est un malabar, mais les malabars c’est toujours bon, ça profite jamais de leur force, ça serait lâche de leur part. Tout faraud, il cria :
– Tu pues, eh gorille.
Gabriel soupira. Encore faire appel à la violence. Ça le dégoûtait cette contrainte. Depuis l'hominisation première, ça n'avait jamais arrêté. Mais enfin fallait ce qu'il fallait. C'était pas de sa faute à lui, Gabriel, si c'était toujours les faibles qui emmerdaient le monde. Il allait tout de même laisser une chance au moucheron.
– Répète un peu voir, qu'il dit Gabriel.
Un peu étonné que le costaud répliquât, le ptit type prit le temps de fignoler la réponse que voici :
– Répéter un peu quoi ?
Pas mécontent de sa formule, le ptit type. Seulement, l'armoire à glace insistait : elle se pencha pour proférer cette pentasyllabe monophasée :
– Skeutadittaleur…
Le ptit type se mit à craindre. C’était le temps pour lui, c’était le moment de se forger quelque bouclier verbal. Le premier qu'il trouva fut un alexandrin :
– D'abord, je vous permets pas de me tutoyer.
– Foireux, répliqua Gabriel avec simplicité.
Et il leva le bras comme s'il voulait donner la beigne à son interlocuteur. Sans insister, celui-ci s'en alla de lui-même au sol, parmi les jambes des gens. Il avait une grosse envie de pleurer.
Raymond Queneau, Zazie dans le métro (1959)
Petite lecture bien agréable pour commencer le matin :)
RépondreSupprimerTu l'as relu récemment?
Yes. Mais bizarrement, je ne l'avais pas lu... (soit dit en passant, de tous ses romans, c'est celui qui m'a le moins plu)
SupprimerCa parle de Zazie la super chanteuse jurée de The Voice qui prend le métro (ligne 5 ou 10?) pour se rendre au prime?
SupprimerEt il évoque aussi Florent Pagny, Jennifer et Mika? Je les adore trop aussi.
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