vendredi 20 mars 2015

[Nous] voilà rendus tous à la lumière

C'est le printemps !

Les torrents et les ruisseaux ont rompu leur prison de glace au sourire doux et vivifiant du printemps ; une heureuse espérance verdit dans la vallée ; le vieil hiver, qui s'affaiblit de jour en jour, se retire peu à peu vers les montagnes escarpées. Dans sa fuite, il lance sur le gazon des prairies quelques regards glacés mais impuissants ; le soleil ne souffre plus rien de blanc en sa présence, partout règnent l’illusion, la vie ; tout s'anime sous ses rayons de couleurs nouvelles. Cependant prendrait-il en passant pour des fleurs cette multitude de gens endimanchés dont la campagne est couverte ? Détournons-nous donc de ces collines pour retourner à la ville. Par cette porte obscure et profonde se presse une foule toute bariolée : chacun aujourd'hui se montre avec plaisir au soleil ; c'est bien la résurrection du Seigneur qu'ils fêtent, car eux-mêmes sont ressuscités. Échappés aux sombres appartements de leurs maisons basses, aux liens de leurs occupations journalières, aux toits et aux plafonds qui les pressent, à la malpropreté de leurs étroites rues, à la nuit mystérieuse de leurs églises, les voilà rendus tous à la lumière. Voyez donc, voyez comme la foule se précipite dans les jardins et dans les champs ! que de barques joyeuses sillonnent le fleuve en long et en large !… et cette dernière qui s’écarte des autres chargée jusqu'aux bords. Les sentiers les plus lointains de la montagne brillent aussi de l'éclat des habits. J'entends déjà le bruit du village ; c'est vraiment là le paradis du peuple ; grands et petits sautent gaiement : ici je me sens homme, ici, j'ose l’être.

Faust, Goethe (1808)

8 mois que je patiente pour publier ce passage de Faust. Version originale ci-dessous, pour les germanophones et -philes.


Vom Eise befreit sind Strom und Bäche
Durch des Frühlings holden, belebenden Blick;
Im Tale grünet Hoffnungsglück;
Der alte Winter, in seiner Schwäche,
Zog sich in rauhe Berge zurück.
Von dorther sendet er, fliehend, nur
Ohnmächtige Schauer kornigen Eises
In Streifen über die grünende Flur;
Aber die Sonne duldet kein Weißes,
Überall regt sich Bildung und Streben,
Alles will sie mit Farben beleben;
Doch an Blumen fehlt's im Revier
Sie nimmt geputzte Menschen dafür.
Kehre dich um, von diesen Höhen
Nach der Stadt zurückzusehen.
Aus dem hohlen finstern Tor
Dringt ein buntes Gewimmel hervor.
Jeder sonnt sich heute so gern.
Sie feiern die Auferstehung des Herrn,
Denn sie sind selber auferstanden,
Aus niedriger Häuser dumpfen Gemächern,
Aus Handwerks- und Gewerbesbanden,
Aus dem Druck von Giebeln und Dächern,
Aus der Straßen quetschender Enge,
Aus der Kirchen ehrwürdiger Nacht
Sind sie alle ans Licht gebracht.
Sieh nur, sieh! wie behend sich die Menge
Durch die Gärten und Felder zerschlägt,
Wie der Fluß, in Breit und Länge
So manchen lustigen Nachen bewegt,
Und bis zum Sinken überladen
Entfernt sich dieser letzte Kahn.
Selbst von des Berges fernen Pfaden
Blinken uns farbige Kleider an.
Ich höre schon des Dorfs Getümmel,
Hier ist des Volkes wahrer Himmel,
Zufrieden jauchzet groß und klein:
Hier bin ich Mensch, hier darf ich's sein!

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