dimanche 27 juin 2010

Ils ne savaient rien de la vie

Après un premier extrait dans lequel le regard du narrateur était resté posé sur un couple au volant d'une voiture à un feu de circulation, voilà que l'image lui revient, à un moment où il aurait finalement bien d'autres choses dont se soucier.
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Le gouffre me parut encore plus profond que dans mon souvenir. Je fourrai la lampe électrique dans ma poche et commençai à descendre. Les échelons étaient humides, comme la dernière fois, et, si je ne faisais pas attention, je risquais de faire un faux pas. Tout en descendant, je pensais à la musique de Duran Duran, et au couple de la Skyline Nissan. Ils ne savaient rien de la vie, ces deux-là. Moi j'étais en train de descendre au fond des ténèbres avec une lampe de poche et un grand couteau, en essayant de supporter ma douleur au ventre. Et eux, tout ce qu'ils avaient en tête, c'était les chiffres du compteur de vitesse, un avant-goût de sexe, des souvenirs, des chansons de variété insipides qui montaient ou descendaient au hit parade. Evidemment, je ne pouvais pas leur reprocher ça, mais ils ne savaient pas, c'est tout.

Moi-même, si je n'avais rien su, je m'en serais tiré en évitant ce genre de singeries. J'essayais de m'imaginer, moi, au volant de la Skyline, avec la femme à côté de moi, écoutant Duran Duran tout en traversant à toute allure la ville dans la nuit. Je me demandais si cette fille enlevait les deux fins bracelet d'argent qu'elle avait au poignet gauche quand elle faisait l'amour. Ce serait mieux qu'elle ne les enlève pas, pensai-je. Même entièrement déshabillé, elle devait garder ces deux bracelets au poignet comme s'ils faisaient parti de son corps.


La fin des temps, Haruki Murakami (1985)

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