vendredi 12 mars 2010

la vie me pèse autant que ma couronne

C'est la première biographie que je lis: celle de Marie Stuart (Stefan Zweig).
Impossible, bien sûr, de me faire une idée de ce genre littéraire, ceci dit, je pressens qu'un des travers peut être une narration orientée, selon l'angle choisi par le biographe.
Cherchant à valider sa propre idée du personnage, il pourrait donc tenter d'expliquer chaque péripétie par les deux ou trois traits de caractères qu'il aura jugé constitutifs.
Beaucoup d'images caricaturales voire trompeuses ont été ainsi faites.
De l'intérêt, sans doute, de croiser les biographies.

A entreprendre en revanche, l'exercice doit être des plus intéressants, surtout pour un personnage historique (plutôt que pour Luc Châtel). Reconstituer l'Histoire à la lueur de documents archivés et d'échanges épistolaires, a tout de même plus d'attrait que de faire une recherche sur Google.

Deux figures principales dans ce livre. Marie Stuart, reine d'écosse, et Elisabeth, reine d'Angleterre. Avec Catherine de Médicis qui fut leur contemporaine, on se dit qu'il était finalement plus facile pour une femme d'être au pouvoir à l'époque qu'aujourd'hui.
(uniquement en ce qui concerne la fonction suprême, on s'entend)

Oui, donc pour situer, Marie Stuart, c'est 1542-1587.

Lire les passages se rapportant à l'Ecosse, à ses conflits internes, entre roi et clans, c'est se retrouver en plein Shakespeare. L'attrait des personnes pour le pouvoir, la lutte d'une nation pour étendre son influence (quite à soutenir des forces d'oppositions), tout cela existait hier, comme aujourd'hui. Les formes sont un peu différentes, c'est tout.
Vive la politique.


Sur ce dernier sujet, je vous livre un premier extrait de cette lecture. Il ne concerne pas Marie Stuart, mais son père, Jacques V. C'est une lettre écrite à Marie de Guise.
A y repenser, je trouve hallucinant que le texte d'une lettre de Jacques V datée de 1542 puisse être publiée en 2010 sur un blog.

Bref...


Madame,

Je n'ai que vingt-sept ans et la vie me pèse déjà autant que ma couronne... Orphelin dès l'enfance, j'ai été le prisonnier de nobles ambitieux; la puissance de la maison des Douglas m'a tenu longtemps en servitude et je hais leur nom et tout ce qui me rappelle les soumbres jours de ma captivité. Archibald, comte d'Angus, de même que George, son frère et tous leurs parents exilés ne cessent d'exciter le roi d'Angleterre contre moi et les miens; il n'y a pas de noble dans mes états qu'il n'ait séduit par ses promesses ou suborné par son argent. Il n'y a pas de sécurité pour ma personne, rien ne garantit l'éxécution de ma volonté ni celle de lois équitables. Tout cela m'effraye, Madame, et j'attends de vous appui et conseil. Sans argent, réduit aux seuls secours que je reçois de France ou aux dons parcimonieux de mon opulent clergé, j'essaye d'embellir mes châteaux, d'entretenir mes forteresses et de construire des vaisseaux. Malheureusement mes barons tiennent un roi qui veut vraiment régner pour un insupportable rival. Malgré l'amitié du roi de France et l'aide de ses troupes, malgré l'attachement de mon peuple, je crains bien de ne jamais pouvoir remporter sur mes barons rebelles une victoire décisive. Je surmonterais tous les obstacles pour ouvrir à cette nation la voie de la justice et de la paix et j'atteindrais peut-être mon but si je n'avais contre moi que la noblesse de mon pays. Mais le roi d'Angleterre ne cesse de semer la discorde entr elle et moi, et les hérésies qu'il a implantées dans mes Etats étendent leurs ravages jusque dans l'Eglise. De tout temps, mon pouvoir et celui de mes ancêtres n'a reposé que sur la bourgeoisie et le clergé, et je suis obligé de me demander si ce pouvoir durera encore longtemps. [...]

Stefan Zweig, Marie Stuart (1935)

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