jeudi 18 septembre 2025

Je ne suis plus

 Après "mes nouveaux amis n'ont pas d'amis", "je ne suis plus l'ami de tes amis"... Découvert sur Radio Campus Tours. Et vous, seriez-vous encore l'ami de ses amis ?

Hier était noir
J'ai nagé sans jamais revoir
Le bord de la piscine
La nuit est tombée si vite

Tu es partie avec mes affaires
Et revenue
Avec tout ce qui a changé chez toi
Je n'y étais plus

Et je ne peux rien y faire
Je déteste ce que je peine à oublier
Et ton digicode
S'efface de ma mémoire

Je ne suis plus
L'ami de tes amis
Désormais
Je ne suis plus

À trois reprises ils tapent des mains
Les couples tournent, le musicien continue
La course de ses doigts sur le clavier
Jusqu'au lever du jour

Trois pas à droite
Chacun s'en va de son coté
La valse trouvera d'autres victimes
Notre temps est passé

En boucle comme une ritournelle
Dans son crâne et dans une ruelle
Il vide
Le trop-plein

Je ne suis plus
L'ami de tes amis
Désormais
Je ne suis plus

*
*     *

J'aimerais m'envoler
Devant la mer
Mais il ne se passe plus rien
Non il ne se passe plus rien
J'aimerais m'en aller
Devant la mer
Mais il ne se passe plus rien
Non il ne se passe plus rien

J'aimerais tant pleurer
Devant la mer
Mais il ne se passe plus rien
Non il ne se passe plus rien

J'aimerais t'emmener
Devant la mer
Mais il ne se passe plus rien
Non il ne se passe plus rien

J'aimerais m'envoler
Devant la mer
Mais il ne se passe plus rien
Non il ne se passe plus rien

J'aimerais m'en aller
Devant la mer
Mais il ne se passe plus rien
Non il ne se passe plus rien

J'aimerais tant pleurer
Devant la mer
Mais il ne se passe plus rien
Non il ne se passe plus rien

J'aimerais t'emmener
Devant la mer
Mais il ne se passe plus rien
Non il ne se passe


Gabriel Kröger, Je ne suis plus l’ami de tes amis / devant la mer 
Single (2022)

mardi 16 septembre 2025

Tier List "Quentin Dupieux"


Mon premier Dupieux aura été Wrong, à sa sortie (2013). Une partie de l'affiche du film a d'ailleurs longtemps servi de bandeau à ce blog! Dans Wrong, on voit le goût de l'homme pour l'absurde, les situations décalées et le burlesque, pour les Etats-Unis et leurs clichés, pour les acteurs étrangers avec des "gueules" ; on y sent l'influence diffuse de Lynch (2) et Jarmusch et on entend le soin apporté à la bande-son avec une préférence pour l'électro déglinguée. Je tiens également à souligner que l'image, la lumière, les cadrages sont beaux (bien que montrant parfois la laideur), avec cette légère surexposition caractéristique qui montre que non, on n'est pas obligé de filmer en bleu métallique et orange, comme 90% de la production actuelle.

Si ce film m'a laissé des souvenirs couleur "bleu ciel", Dupieux réalise souvent des films "beige". Non pas en appliquant un filtre immonde à son objectif, mais en accordant décors, costumes et accessoires (Le daim en est le meilleur représentant).

Quels autres traits se dégagent de sa filmographie ? Le plaisir de réunir des acteurs/actrices français(es), comiques ou confirmé(e)s (mais aussi - on l'a vu - quelques musiciens parmi ses relations) et de les voir dialoguer. En fil rouge peut-être le rapport entre fiction et réalité, la plupart du temps brillamment questionné (Rubber, Réalité, Au poste !), mais parfois avec un peu trop d'application à mon goût (nonfilm, Yannick)

Son film le plus réussi sur tous les plans? Il m'apparaît aujourd'hui comme une évidence. Et pour vous ?


QUENTIN DUPIEUX
-
MÉMORABLES
Réalité (2018)
Wrong (2013) [!]


REMARQUABLES
Rubber (2010)
Incroyable mais vrai (2022)
Au poste ! (2018)


AGRÉABLES
Fumer fait tousser (2022)
Le Deuxième Acte (2024)
L'Accident de piano (2025)
Wrong Cops (2013)
Yannick (2023)
Le Daim (2019)


DISPENSABLES
Steak (2007)
Daaaaaalí ! (2023)
Nonfilm (2001)
Mandibules (2020)


(*) Parmi mes films favoris, tout réalisateur confondu
(**) très bons films
(***) bons films
(****) moins réussis
[!] film par lequel j'ai connu

lundi 15 septembre 2025

Si terrible. Si cruel. Si absurde.

J'accélère le rythme de parution et vous propose cet ultime extrait de "Quel est donc ton tourment ?" (dont j'ai par mégarde révélé la chute dès le premier article consacré à ce livre). Rendez-vous peut-être au prochain roman de l'autrice !

Le coach, quoique tatoué et musclé de pied en cap, avait un visage d'enfant de chœur, et une voix de pur soprano.

Il attaqua la séance en m'appelant « demoiselle », autant dire qu'on avait mal démarré lui et moi. Et même après avoir appris mon nom, il persista dans son erreur. Mais il y avait une ferveur chez lui que j'appréciais, et il n'avait jamais l'air de s'ennuyer. Et après avoir intégré le ton laconique et évasif avec lequel je répondais aux questions qu'il me posait sur moi-même, il cessa d'essayer de m'entraîner sur un autre terrain, et nos trente minutes d'exercice s'écoulèrent sans bavardage intempestif.

Tu as déjà fait des burpees ?
Oui.
Tu crois que tu peux en faire dix en trente secondes ?
Sans doute.
Eh ben, impressionnant. Plutôt forte, demoiselle.

Plutôt essoufflée aussi. Tandis que je reprenais ma respiration, je me souvins de ce que m'avait dit mon amie, sur la peur qu'elle avait que son éclatante forme physique ne fasse que transformer sa mort en agonie. Et cette peur s'enfonça en moi comme une lance. Pas d'espoir, la mort toute proche, l'esprit n'aspirant qu'à la libération, et le corps, animé par son propre esprit, continuant de lutter désespérément pour survivre, le cœur affaibli, haletant à chacun de ses battements, non, non, non.
Si terrible. Si cruel. Si absurde.

Quelque chose qui va pas ? demanda le coach.
Je fis non de la tête, pour immédiatement lâcher qu'une de mes amies était sur le point de mourir.
Je suis désolé, dit-il. Est-ce que je peux faire quelque chose ? C'était une phrase automatique, comme les gens en prononcent toujours, une formule de politesse que personne n'a vraiment envie d'entendre, qui ne console personne. Mais il ne pouvait pas être tenu pour responsable du fait que le langage a été vidé de sa substance, vulgarisé, asséché, nous laissant inexorablement stupides et désemparés face à l'émotion. Un de mes professeurs de lycée a un jour fait lire à la classe la célèbre lettre de Henry James à son amie endeuillée Grace Norton, considérée depuis sa publication comme un sublime exemple de compassion et de compréhension. Même lui commence sa lettre par «Je ne sais que dire ».

On va s'asseoir, dit mon coach. Et c'est ce que nous avons fait. Nous nous sommes assis ensemble sur l'un des épais tapis d'exercice posés au sol.

Je voudrais bien te prendre dans mes bras, dit-il, mais on n'a plus le droit de toucher les clients. Le directeur a peur des poursuites, des trucs de ce genre. C'est embêtant parce que c'est compliqué parfois d'expliquer certains mouvements et de rectifier certaines positions avec des mots seulement. Et le toucher est tellement important.

Mon visage était à présent dans ma serviette. Mes épaules se soulevaient.

Alors il va falloir que tu l'imagines, dit-il. Imagine mes bras autour de tes épaules en ce moment même, et je te serre fort contre moi. Sa voix se brisa. Je suis désolé, dit-il. Depuis tout petit, je suis incapable de ne pas pleurer quand je vois quelqu'un pleurer.

C'est parce que t'es encore un gamin, dis-je dans ma tête.

Après avoir repris nos esprits chacun de notre côté, il poursuivit: C'est génial que tu t'entraînes. L'exercice c'est le meilleur remède contre le stress. Et sache que je serai toujours là pour toi.

Quand nous nous sommes dit au revoir, il a dit: Je suis vraiment désolé pour ce que tu traverses. Promets-moi que tu n'oublieras pas de prendre soin de toi.

J'ai fermé les yeux pour qu'il ne me voie pas les lever au ciel.
J'étais sur le parking quand je l'ai entendu crier mon nom.

Je suis désolé, dit-il en arrivant en petites foulées jusqu'à moi. Je ne pouvais pas te laisser partir comme ça. Après avoir jeté un coup d'œil rapide autour de nous pour s'assurer que personne ne nous regardait, il m'a pris dans ses bras et serrée fort contre lui. Sur le chemin du retour, j'imaginais raconter cette histoire à mon amie, avant de me reprendre en comprenant que je ne pouvais pas faire ça.

Je ne sais pas qui c'était mais quelqu'un, peut-être ou peut-être pas Henry James, a dit que le monde était divisé en deux sortes de personnes : ceux qui, voyant quelqu'un souffrir, pensent: Cela pourrait m'arriver, et ceux qui pensent: Cela ne m'arrivera jamais. Les premiers nous aident à supporter la vie, les seconds en font un enfer.

Sigrid Nunez, Quel est donc ton tourment ? (2020)

Album cover of the week

J'ai régulièrement parlé des artworks de William Schaff ici, et notamment à travers deux articles qui lui étaient entièrement consacrés. Qui d'autres pour illustrer ce (nouveau) tribute à Jason Molina, feat. hand habits, friendship, horse jumper of love, trace moutains et surtout MJ Lenderman, dont le dernier album nous avait immédiatement renvoyé au son de l'album Magnolia Electric Co.

V/A - I will Swim To You: a tribute to Jason Molina
(Run for Cover records)

samedi 13 septembre 2025

Dégringoler, dégringoler, et dégringoler encore

Spéciale dédicace à tou.te.s les fans de Buster Keaton !
(rendez-vous compte, j'avais une photo de lui sur ma page myspace...)

Les propriétaires de la maison sont manifestement des fans de Buster Keaton. Nous l'avons regardé dévaler une colline, éviter une avalanche de rochers, essayer de mettre au lit sa femme ivre morte, échapper à une armée de flics, s'empêtrer dans les cordes d'un ring de boxe, essayer de mettre au lit sa femme ivre morte, se faire persécuter par tout un tas de types bien plus grands que lui, affectueux et choyé par une grosse vache marron, essayer de mettre au lit sa femme ivre morte. Nous avons vu Buster Keaton dégringoler, dégringoler, et dégringoler encore, nous avons vu le lit s'effondrer sous sa femme ivre morte, et nous avons ri, et ri encore, suffoquant, serrées l'une contre l'autre, telles deux désespérées tentant de se sauver l'une l'autre de la noyade.

Sigrid Nunez, Quel est donc ton tourment ? (2020)

mardi 9 septembre 2025

In the American West

Pour faire suite à cet article et à l'exposition de la fondation Henri Cartier-Bresson donnant à voir les 103 photographies de la série "In the American West", voici une sélection de portraits de travailleurs et travailleuses de l'Ouest américain (1979 - 1983)

Bill Curry, vagabon (Oklahoma, 1980)

Debbie McClendon, foraine (Wyoming, 1981)

James Story, mineur (Colorado,1979)

Roberto Lopez, ouvrier dans le pétrole (Texas,1980)

Ruby Holden, prêteuse sur gages (Nevada, 1980)

Tom Stroud, ouvrier dans le pétrole (Oklahoma, 1980)

?, travailleur immigré (Texas,1979)

Richard Avedon, in the american west (1983)

dimanche 7 septembre 2025

Il ne faut pas confondre

 ... Bleu reine (aka Léa Lotz), folk-rockeuse parisienne

... et Bleu russe (aka David Litavicki), punk-rapeur grenoblois

Et si vous vous posiez la question, oui, il existe unE artiste qui officie sous le nom de Bleu roi


jeudi 4 septembre 2025

La discordance de toute relation

J'aime les autrices et auteur lettré.e.s porté.e.s sur la citation d'autres oeuvres. Cela enrichit la lecture et ménage parfois de belles découvertes. En guise d'entame de chapitre de "Quel est donc ton tourment ?", ce passage en italique.
"Mais elle ne pouvait et ne voulait garder aucun espoir, car si en presque trente ans elle n'avait pas rencontré un homme, pas un seul, qui soit devenu inéluctable, quelqu'un de fort et qui lui apporte le mystère qu'elle attendait, pas un seul homme qui soit vraiment un homme et non un cas d'espèce, un paumé sans caractère ou un de ces êtres démunis dont le monde était plein, cela voulait dire que cet Homme Nouveau n'existait pas, on ne pouvait que se contenter d'amabilité et de gentillesse, du moins quelque temps. On ne pouvait pas faire plus, et l'homme et la femme avaient tout intérêt à garder leurs distances, à ne jamais avoir affaire ensemble, jusqu'à ce que chacun ait trouvé le moyen de sortir de la confusion, de la perturbation, de la discordance de toutes les relations. Alors, mais alors seulement, autre chose pourrait advenir, et ce serait puissant et mystérieux, et véritablement grand, et de nouveau chacun pourrait s'y soumettre."
Peut-être un jour. Mais depuis que ces mots ont été écrits, il y a plus d'un demi-siècle, dans un récit autobiographique d'Ingeborg Bachmann, les hommes et les femmes sont plus divisés encore.

La confusion est plus étroite, la perturbation plus profonde, la discordance plus sévère. 


Sigrid Nunez, Quel est donc ton tourment ? (2020)


De quoi alimenter l'idée selon laquelle les relations hétérosexuelles de couple sont par essence dysfonctionnelles (because : le patriarcat) (lire Mona Chollet). De mon côté, j'ai déjà mis la main sur des écrits d'Ingeborg Bachmann... à suivre, donc

mercredi 3 septembre 2025

Caméos

 En plus de solliciter ses amis musiciens pour les bandes originales de ses films (encore récemment Gonzales), Quentin Dupieux (également connu sous le nom de Mr. Oizo pour ses activités musicales) leur a souvent confié des rôles ou apparitions. A commencer par ses proches du label Ed Banger, mais pas que !

Passage en revue :

Sébastien Tellier et Kavinsky dans Non-film (2001)

Kavinsky et SebastiAn dans Steak (2007)

Sébastien Tellier également dans Steak

Pharrell Williams dans Where is the Money George ? (2010)

Gaspard Augé (de Justice) dans Rubber (2010)

Pedro Winter (aka Busy-P), aussi dans Rubber

Flying Lotus dans Wrong (2012)

Marylin Manson dans Wrong Cops (2013)

Orelsan dans Au Poste! (2018)

Pedro Winter également dans Au Poste!

Gaspard Augé (de Justice) dans Mandibules (2020)

Roméo Elvis, toujours dans Mandibules