mercredi 29 janvier 2014

I'm not THAT bad

En guise de premier article sur Raging Bull, je reprenais le monologue d'introduction... mais la scène du film qui marque, c'est celle de l'incarcération (temporaire) de Jake Lamotta, alors gérant de son propre club.

Why? Why? Why?...Why'd you do it? Why? You're so stupid, so fucking stupid...They call me an animal, I'm not an animal. Why do you treat me like this? I'm not that bad. I'm not that bad...

Raging Bull, Martin Scorcese (1980)

Si vous avez déjà vu le film, et souhaitez vous remémorer ce moment, voici le lien vers la vidéo correspondante (sur cette page youtube intitulée "best scene ever?")

mardi 28 janvier 2014

Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté

Quelqu'un me jugeait hier en peu de mots (*) : « Optimisme incurable. » Certainement il l'entendait mal, voulant dire que je suis ainsi par nature et que j'en suis bien heureux, mais qu'enfin une bienfaisante illusion n'a jamais passé pour vérité. C'est confondre ce qui est avec ce que l'on veut faire être. Si l'on considère ce qui est de soi et sans qu'on y travaille, le pessimisme est le vrai ; car le cours des choses humaines, dès qu'on l'abandonne, va tout de suite au pire ; par exemple, qui se livre à son humeur est aussitôt malheureux et méchant. Cela est inévitable par la structure de notre corps, qui tourne tout à mal dès qu'on ne le surveille plus, dès qu'on ne le gouverne plus. Observez qu'un groupe d'enfants, faute d'un jeu réglé, en vient bientôt à la brutalité informe. [...]

Il faut dénouer ; et ce n'est pas un petit travail. Et chacun sait bien que la colère et le désespoir sont les premiers ennemis à vaincre. Il faut croire, espérer et sourire ; et avec cela travailler. Ainsi la condition humaine est telle que si on ne se donne pas comme règle des règles un optimisme invincible, aussitôt le plus noir pessimisme est le vrai.

Alain, Propos sur le bonheur (1925)

(*) ndlr : cf. article précédent

dimanche 26 janvier 2014

Ce "meilleur des mondes possibles"

Dans l'article reprenant un dialogue de la série True Detective que je publiais la semaine passée , le détective Rust Cohle se référait à la notion de "pessimisme" en philosophie.

Je saisis cette opportunité pour revenir au "Monde comme volonté et représentation" (dont j'ai déjà cité de nombreux extraits) et ainsi illustrer ce terme, qui est souvent le premier qualificatif qui vient à l'esprit, lorsqu'il est question de Schopenhauer.

Chacun qui est sorti de ses premiers rêves de jeunesse, qui considère son expérience propre et celle d’autrui, qui a promené son regard dans la vie, dans l’histoire du passé et de son époque, et enfin dans les œuvres des grands poètes, celui-là, à supposer qu'aucun préjugé profondément ancré et indélébile ne paralyse sa faculté de juger, admettra la conclusion que le monde des hommes est l'empire du hasard et de l'erreur qui y gouvernent sans pitié, à petite comme à grande échelle, épaulés par la bêtise et la méchanceté qui agitent leur fouet. C'est ce qui explique que le meilleur ne perce que péniblement, que le noble et le sage ne se manifestent que très rarement et ne trouvent guère influence ou audience, alors que l'absurde et le faux dans le domaine de la pensée, le plat et le banal dans le domaine de l'art, le méchant et le perfide dans le domaine de la conduite, continuent effectivement d'exercer leur empire, lequel n’est perturbé que par de brèves interruptions. Par contre, l'excellent en tout genre n'est toujours qu'une exception, un cas parmi des millions, et, lorsqu'il s’est déclaré dans une œuvre durable, celle-ci, après avoir survécu à l'animosité de ses contemporains, se tient isolée, conservée comme une météorite tombée d’un autre ordre de choses que celui qui domine ici-bas. [...]

Si enfin on mettait sous les yeux de chacun les douleurs et les tourments terribles auxquels sa vie est constamment exposée, il serait figé d'effroi; et si on conduisait l’optimiste le plus borné à travers les hospices, les lazarets et les salles d’opérations chirurgicales, dans les prisons, les chambres de torture et les étables à esclaves, sur les champs de bataille et aux lieux de supplice, si on lui dévoilait ensuite tous les obscurs logis où la misère se cache des regards de la froide curiosité [...], il finirait certainement par comprendre lui aussi la nature de ce meilleur des mondes possibles. Car où Dante aurait-il puisé la matière pour son Enfer sinon dans ce monde réel qui est le nôtre ? Et encore, c'est devenu un Enfer plutôt bien ordonné. Mais lorsqu'il devait s'atteler à la tâche de dépeindre le Ciel et ses joies, il était confronté à une difficulté insurmontable, car notre monde n’offre pas du tout le matériau à cette fin. [...]

Et de conclure (attention, c'est radical) :
A mon sens l'OPTIMISME, lorsqu'il n est pas le bavardage irréfléchi de ceux qui derrière leur front bas n’abritent rien d'autre que des mots, n’est pas seulement une manière de penser absurde, mais aussi véritablement INFÂME, car elle revient à railler et à mépriser les souffrances sans nom de l'humanité.

Une nouvelle fois dans ces colonnes, je me permets un rapprochement avec des dialogues entendus dans Twin Peaks :

- James, don't leave ... It's not our fault!
- It doesn't matter. Don't you see? Nothing we do matters. Nothing's ever going to change. It doesn't matter if we're happy when the rest of the world goes to hell.

La pauvre Donna n'a pas le temps de répliquer, que James a déjà enfourché sa moto, et est sorti du cadre. Bien sûr, la question qui vient à l'esprit, est celle que formule immédiatement Hart à l'endroit de son collègue dans True Detective :

Hart : So, what’s the point of getting out of bed in the morning?
Cohle: I tell myself I bear witness, but the real answer is that it’s obviously my programming. And I lack the constitution for suicide.

Pour être tout à fait complet, je cite la réponse de Schopenhauer :
Si le suicide nous en offrait réellement la possibilité, en sorte que l'alternative «être ou ne pas être» se présentait au sens le plus concret, alors il faudrait absolument le choisir, comme un dénouement éminemment désirable (a consummation devoutly to be wish’d), Mais quelque chose en nous dit qu’il n’en sera pas ainsi, que ce ne sera pas terminé, que la mort ne sera pas un anéantissement absolu.

Twin Peaks (E16), David Lynch (1990)
Arthur Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et Représentation (1819)

Que mon lectorat se rassure, après ses propos noirs et durs, un prochain article se chargera de louer l'Optimisme.

dimanche 19 janvier 2014

Slow motion

La vidéo du Dimanche soir : un loooooooooong travelling au ralenti, filmé depuis l'intérieur d'un métro arrivant à quai (Shinjuku station, Tokyo)

Que n'y a-t-on pensé plus tôt ?
(bon, il faut une caméra de compétition, aussi)



Adam Magyar, Stainless - Shinjuku

jeudi 16 janvier 2014

A tragic misstep in evolution


- You're not a Christian, so what do you believe?
- I consider myself a realist, but in philosophical terms I'm a pessimist.
- What's that mean?
- It means I'm bad at parties.
- Let me tell you: you ain't great outside of parties either.
- ... I think human consciousness is a tragic misstep in evolution. We became to self-aware. Nature created an aspect of nature separate from itself. We are creatures that should not exist by natural law… We are things that labor under the illusion of having a self, a secretion of sensory, experience, and feeling — programmed with total assurance that we are each somebody, when in fact everybody is nobody. The honorable thing for our species to do is to deny our programming, stop reproducing and walk hand in hand into extinction, one last midnight, brothers and sisters, — out of a raw deal. 

True Detective (S01E01)
(écrit par Nic Pizzolatto)

J'ai déjà dû écrire ici que je ne regardais les séries que lorsque la postérité leur a conféré une importance notable (the Wire récemment, peut-être bientôt les Sopranos)
Je m'apprête à faire une exception avec True Detective, dont les quelques images perçues au vol avant sa diffusion m'ont interpellé. Très belle photographie, ambiance troublante, et casting alléchant (Matthew McConaughey, vu dans Mud cette année) 

lundi 13 janvier 2014

I remember those cheers


I remember those cheers
They still ring in my ears
And for years, they'll remain in my thoughts.

'Cause one night
I took off my robe, and what'd I do?
I forgot to wear shorts.
I recall every fall, every hook, every jab
The worst way a guy can get rid of his flab.

As you know, my life wasn't drab.
Though I'd rather hear you cheer
When I delve into Shakespeare
"A horse, a horse, my kingdom for a horse",
I haven't had a winner in six months.

I know I'm no Olivier
If he fought Sugar Ray
He would say
That the thing ain't the ring, it's the play.
So give me a stage
Where this bull here can rage
And though I could fight
I'd much rather recite
That's entertainment !
That's entertainment...

Raging Bull, Martin Scorcese (1980)

Ce sont là les premiers mots du film.
La tirade est prononcée par Jack La Motta (Robert de Niro), dans sa loge. Sa carrière de boxeur est alors derrière lui, et son plaisir est désormais dans le "stand up".

dimanche 12 janvier 2014

Turn Yourself Around [Top Tape]


Le premier volume de Top Tape pour cette nouvelle année est en ligne  (le 4ème de la saison). Il s'agit de l'émission du 5 janvier, l'ambiance des fêtes était encore là, ce qui en fait une mixtape dansante et rythmée. (trop?)
Feat. Dum Dum Girls, Wave Machines, MGMT, Florent Marchet, Siriusmo, Flume + Chet Faker, Hypnolove, Little Boots, Chvrches, Annie, Hot Chip, James Yuill, datA et Danger

A écouter sur le site de Radio Campus Paris :

mercredi 8 janvier 2014

De la persistance des rêves

- Michèle, comment dors-tu ?
- Très bien, dit Michèle, j'ai quelquefois des cauchemars, comme tout le monde.
Bien sûr, comme tout le monde, mais quand elle se réveille, elle, elle sait qu'elle laisse son rêve derrière elle, qu'il ne se mêlera pas aux bruits de la rue, aux visages des amis, qu'il n'est pas cette chose qui se glisse dans les occupations innocentes de la journée.

Julio Cortázar, Les armes secrètes (1959)

lundi 6 janvier 2014

Tous les jours te parler

Nous sommes déjà le 6 janvier, et il est grand temps que je vous prévienne, afin que vous puissiez apprécier ce plaisir récurrent à sa juste fréquence !

Là, comme ça, cette phrase ne veut pas dire grand chose, alors reprenons.

C'est grâce à une émission drôlatique (hélas disparue) appelée "Le Grand Mezze" que je découvrais Solange. Solange [me] parlait alors régulièrement de choses et d'autres, et j'aimais assez. Je partageais d'ailleurs mon attachement dans ces colonnes (La langue que tu ne parles plus ; La sensation d'avoir réussi ma vie).

Si je ne suis pas un inconditionnel de toutes ses créations (centralisées sur son site), j'apprécie en tout cas la comédienne, sa démarche et son talent.

Depuis le 1er janvier, Solange délivre chaque jour un nouvelle vidéo, et ce, jusqu'au 31.
Vous comprenez désormais mieux ma phrase d'introduction.

J'attendais LA vidéo parfaite pour relayer l'info... celle du jour me va tout à fait, et constitue une bonne introduction, puisque Solange fait part de son projet à ses parents.
Trop mignon.

La vidéo :


et toutes les autres, via son compte youtube :
https://www.youtube.com/user/SolangeTeParle?feature=watch
(vous savez comme ça marche, je vous laisse gérer)

dimanche 5 janvier 2014

Will there be enough oxygen, for me to breathe?

Qu’est-ce que le premier janvier, sinon le jour honni entre tous où des brassées d’imbéciles joviaux se jettent sur leur téléphone pour vous rappeler l’inexorable progression de votre compte à rebours avant le départ vers le Père-Lachaise…

Pierre Desproges, Chroniques de la haine ordinaire (1986)

Chacun a ses moments ou occasions lors desquels il (re)prend conscience du temps qui (s'ef)file. Pour Desproges, donc, ce sont les dates anniversaires. Pour d'autres, "le coup de tatane dans [leur] jeunesse" est asséné par les actrices des séries de leur adolescence qui interprètent désormais des vieilles à l'écran. Pour moi, c'est quand des chansons, films ou livres d'anticipation évoquent des dates que nous finissons par atteindre.

Et comment, en cette nouvelle année, ai-je pu passer à côté du rendez-vous donné par the Unicorns dans leur morceau "2014"?
En décembre prochain, cela fera dix années que le groupe aura splitté.
Pas sûr que les paroles laissent présager une quelconque reformation :


Tomorrow is 2014
when I'll be 32
and we'll be 13
But will there be enough room for me?
Enough oxygen, for me to breathe

I looked in into my crystal ball
See gummies in the sunny
riding moonbeams into money
But they're the guilty phase
Gluttony just doesn't pay
So volunteer your journey
It's good publicity

in full force
in full stride
side by side 'till 2025

lie lie lie lie lie lie lie lie lie...

the Unicorns, 2014
(Suicide Squeeze, 2004)


*
*     *

En parcourant l'interweb à la recherche d'infos sur le groupe, j'ai trouvé cet arbre généalogique du groupe très didactique [source]


Alden Penner devrait sortir un nouvel album dans le courant de l'année.
Un premier EP est paru le 17 décembre dernier :
http://aldenpennersongs.bandcamp.com/album/precession

jeudi 2 janvier 2014

Celui qui voulait se souvenir

Le récent article consacré à Touch of Sin m'a donné envie de revenir sur l'année cinématographique écoulée, à travers les films d'origine asiatiques que j'ai pu voir.

Je ne serai ici pas très disert (avec un seul "s" me précise le dictionnaire), préférant laisser la place à de jolis plans et images.
Note pour 2014 : Tâcher de retenir le nom des réalisateurs chinois et coréens (et ne pas partir perdant dans cette entreprise).

a Touch of SinJia Zhang Ke (2013)

Ce n'est qu'après le film que je faisais le lien avec "Still Life" (2006) du même réalisateur.


Shokuzai, Kiyoshi Kurosawa

Son prochain long-métrage s'appelera "Real" en sortira genre en mars prochain...

Retour en Chine, avec Mistery, film noir signé Lou Ye

Je n'ai malheureusement pas vu le western chinois 'People Mountain, People Sea'... Mais si on parle film de genre, j'en viens tout naturellement au Grand Master du hongkongais Wong Kar Wai
(l'histoire romancée - et esthétisée - de Ip Man)

mercredi 1 janvier 2014

Happy New Year - May you never fall

A Happy New Year to you all
May you never fall
I put desires in the dirt
I was alone, I wasn't hurt
The sandman acted miserly
Awake my eyes in cups of gris
The quiet night falls like a tune
Another song that spells the gloom

And through the window's shattered glass
The ladders sprawled on burnt brown grass
The sun withheld its light from me
I said a prayer, "we shall see."

I woke up drifting it was a loss
The strangest feelings crawling past
I said hellow to the counter man
And bought a coffee paper and
Walked around the park alone
Before I took a bus back home

And through the window's shattered glass
The ladders sprawled on burnt brown grass
The sun withheld its light from me
I said a prayer, "we shall see."

Oneida, Happy New Year
Happy New Year (Jagjaguwar, 2006)