vendredi 29 juin 2012

The last thing we need right now is more dumbness


David Berman (Silver Jews) a un blog: mentholmountains.blogspot.com.
Il n'y use guère de la première personne et y publie des extraits d'articles, interviews, livres ou encore photos et vidéos.

En février 2009, je vous rapportais les raisons l'ayant conduit à interrompre sa carrière musicale. Un post récent sur son blog débutait par l'interrogation suivante: 

Why don't you give anything to the public anymore?

David Berman y cite (Sébastien-Roch Nicolas de) Chamfort [poète, journaliste et moraliste français du XVIIIème] :


C’est que le public en use avec les Gens de Lettres comme les racoleurs du Pont Saint-Michel avec ceux qu’ils enrôlent : enivrés le premier jour, dix écus, et des coups de bâton le reste de leur vie.
C’est qu’on me presse de travailler, par la même raison que quand on se met à sa fenêtre, on souhaite de voir passer, dans la rue, des singes ou des meneurs d’ours.
[...]
C’est que je ne voudrais pas faire comme les Gens de Lettres, qui ressemblent à des ânes, ruant et se battant devant un râtelier vide.
C’est que si j’avais donné à mesure, les bagatelles dont je pouvais disposer, il n’y aurait plus pour moi de repos sur la terre.
C’est que j’aime mieux l’estime des honnêtes gens, et mon bonheur particulier que quelques éloges, quelques écus, avec beaucoup d’injures et de calomnies.
C’est que s’il y a un homme sur la terre qui ait le droit de vivre pour lui, c’est moi, après les méchancetés qu’on m’a faites à chaque succès que j’ai obtenu.
C’est que jamais, comme dit Bacon, on n’a vu marcher ensemble la gloire et le repos.
Parce que le public ne s’intéresse qu’aux succès qu’il n’estime pas.
Parce que je resterais à moitié chemin de la gloire de Jeannot.
Parce que j’en suis à ne plus vouloir plaire qu’à qui me ressemble.
C’est que plus mon affiche littéraire s’efface, plus je suis heureux.
C’est que j’ai connu presque tous les hommes célèbres de notre temps, et que je les ai vus malheureux par cette belle passion de célébrité, et mourir, après avoir dégradé par elle leur caractère moral.

Chamfort, Maximes et pensées, caractères et anecdotes (1795)


Une comparaison attentive du texte original et de sa  transcription montre les réponses suivantes ont été laissées de côté (à dessein?) :

C’est que le public me paraît avoir le comble du mauvais goût et la rage du dénigrement.
C’est qu’un homme raisonnable ne peut agir sans motif, et qu’un succès ne me ferait aucun plaisir, tandis qu’une disgrâce me ferait peut-être beaucoup de peine.
C’est que j’ai peur de mourir sans avoir vécu.


Pas plus que sur Arise Therefore, on ne saurait déduire l'exact état d'esprit de l'auteur d'un tel blog par la simple application des mots cités (ou en négatif, par les passages non relevés). Une chose est sûre : David Berman a souvent déploré le manque de reconnaissance que suscitait la musique des Silver Jews (malgré d'excellents classements dans les top décennaux d'Arise Therefore). Tel était son ressenti, il y a quelques années (cf. interviews ci-dessous).
S'en serait-il détaché?  

I keep feeling like I'll keep rewriting the record and trying to make it better and also I don't feel like we've ever been the belle of the ball when it comes to the most popular band, we've never been the critic's darlings or anything and so I felt I'll keep rewriting this record until someone says hey, this band is really good, so maybe that's why I'm doing this.
(2002)

I didn't think the Silver Jews commanded enough respect. We were basically buried. No where to be found in the catalogues of rock criticism. Check your local Spin Guide to the ‘90s.
(2005)

- I guess, but I do feel like there's been a lot of back-handed praise or negative response to the Silver Jews.
- What do you mean?
- Well, you know, I was looking on the Internet the other day. I saw some reviews for Sidewalk.com - and they were essentially the same review from different cities. They started out, "Try as you might to hate the Silver Jews, they're just too damn good to hate. . . ." That kind of nailed it on the head: Why would anyone try to hate us from the beginning? There's a big strain of anti-intellectual sympathy in American pop culture.
If there's any bastion of pseudo-intellectual criticism in American pop culture, it's certainly in the realm of music journalism. You'd think these people would be thrilled.
- Who knows? Maybe people attack what they hate about themselves. But I've been constantly surprised at a lot of these rock critics who like to dabble in extrapolating way out of context of what a music can be. When you open Spin, they're trying to make a case for Garbage being a really conceptual deal, with all of these intents and purposes and stuff like that. They're working so hard to make something out of nothing. So when they're given something where work can actually be put into it, as far as listening, there's some stubbornness and reluctance. I've always found that. Lately I've been more unapologetic about the fact that the culture is dumb. The last thing we need right now is more dumbness. There's nothing wrong with intelligence, even though there's this reverse snobbery in the magazine world.
(?)

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