vendredi 1 juin 2012

De douces larmes d'enfant, presque joyeuses

Guerre et Paix, Livre III, 2ème Partie.

Si vous lisez les extraits ci-dessous, ca va donc spoiler. En même temps, c'est cet exact premier passage (vu par hasard en feuilletant une revue littéraire) qui m'a décidé à lire le roman. Et puis, il est en quatrième de couverture de l'édition Folio.


1812, la bataille de la Moskova (appelée ici bataille de Borodino)
André  Bolkonsky toujours.

/!\   spoiler   /!\ 


- Couchez-vous! cria l'aide de camp en se jetant à terre. Le prince André, debout, hésitait. La grenade fumante tournait comme une toupie entre lui et l'aide de camp, à la limité de la prairie et du champ, près d'une touffe d'armoise.
"Est-ce vraiment la mort? se dit le prince André en considérant d'un regard neuf, envieux, l'herbe, l'armoise et le filet de fumée qui s'élevait de la balle noire tourbillonnante. Je ne veux pas, je ne veux pas mourir, j'aime la vie, j'aime cette herbe, cette terre et l'air..."

Le prince André sera gravement blessé au ventre... puis rapidement mené à l'infirmerie. Il y sera opéré, sans connaissance. Alors qu'il s'éveille doucement, des images de sa toute première enfance reviennent à sa mémoire.

Après les souffrances qu'il venait de subir, le blessé ressentait une béatitude depuis longtemps inconnue. Les plus heureux moments de son existence, et surtout de sa lointaine enfance, quand on le déshabillait et le couchait dans son petit lit, quand sa nounou le berçait en chantonnant, quant la tête enfouie dans l'oreiller, la seule conscience de vivre suffisait à sa joie, tous ces moments se présentaient à son imagination, et non même comme révolus mais comme présents, réels. [...]

Le prince André avait envie de pleurer ; était-ce parce qu'il mourait obscurément, était-ce parce qu'il regrettait de quitter la vie, était-ce à cause de ces souvenirs d'une enfance à jamais disparue, était-ce parce qu'il souffrait et que cet homme [son voisin d'infirmerie, ndlr] gémissait si lamentablement, mais il avait envie de pleurer, de verser de douces larmes d'enfant, presque joyeuses

La guerre et la Paix, Léon Tolstoï (1865-1869)
[ Livre III, 2ème partie, Chapitre XXXVI ]

6 commentaires:

  1. gui Andthetruc1 juin 2012 à 13:22

    Et quel voisin !

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  2. En effet ;-)
    Je vois que t'avances vite !

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  3. Gui Andthetruc4 juin 2012 à 10:21

    Voilà, c'est fini. Bon c'est bien mais c'est quand moins bien que Dostoïevski. C'est un peu systémique...
    J'ai bien aimé certains rêves et délires de Pierre et André pendant leur chemin de croix. Je ne sais pas si tu vas choisir ces extraits là. Peut-être des trucs avec Platon ?
    En relisant la préface je me suis souvenu également des beaux moments de collusion avec la nature que je n'ai pas spécialement annotés: la comète, la chevauchée à traineau...
    J'enchaîne tout de suite avec Anna Karenine et certainement Résurrection puis quelques courts romans tardifs (La Sonate à Kreutzer etc...) pour me faire une idée plus générale.
    A+

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  4. J'aime bien aussi ces passages avec Pierre (sa captivité) et André (lorsqu'il est alité).
    Le chevauchée à traîneau, c'est lorsque Pierre rencontre le franc maçon? Mes souvenirs sont un peu brouillés puisque j'avais lu dans la foulée la nouvelle "la tempête de neige".
    Annna Karénine, trop bien, Résurrection, pas lu. Je préfère effectivement Dostoievski (plus sombre, personnages plus torturés, confrontations plus intenses, questions existentielles prépondérantes...). J'ai déjà envie de relire Crime, l'idiot, les possédés et les frères K.

    D'ailleurs je cherche qqn qui aurait lu "l'Adolescent", pour me dire ce que ça vaut... Je me méfie en effet de ses romans moins connus (les éditeurs ont tendance à les sur-vendre)

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  5. Gui Andthetruc9 juin 2012 à 13:50

    La chevauchée en traineau : c'est les Rostov qui vont visiter un vieil oncle après une partie de chasse. Ils sont déguisés, ils découvrent ce vieil oncle qui vit à la russe loin de tout...
    Pour Karenine, pour l'instant, j'ai adoré les passages avec Levine à la cambrousse, les fenaisons, les baignades...
    Dostoievski, je ne vais plus attendre et me faire les Karamazov après avoir fini mes Tolstoï. Et puis, plus tard, je les relirai (au moins les "grands") mais dans la traduction Markovickz. Tu as lu quelle traduc au fait ?
    J'avais lu L'Eternel Mari et j'avais bien aimé. Les Nuits Blanches et Le Rêve de l'Oncle aussi mais effectivement, moins bien que le reste. Aucun idée pour L'Adolescent...
    C'était bien cette Tempête de neige ? Je vais aussi m'attaquer à La Sonate à Kreutzer parce que Rohmer l'a adapté au cinoche (bien que ce soit introuvable).

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  6. Je n'achète quasi que des livres d'occasion, donc pas forcément les dernières éditions (même si j'aimerais bien avoir une bibliothèque tout en Babel). Il n'y a que "La douce" que j'ai lu traduit de Markowicz. "La douce", "les pauvres gens", "l'eternel mari", "souvenir de la maison des morts" (ou "carnets de la maison morte"), "le double", tout ça, c'est bien...
    Ms par exemple, j'ai fait l'erreur d'acheter "le crocodile" (50p) que je n'ai pas même fini (ça a l'air d'être une sorte de farce satirique).

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